On parle de l’adolescence au théâtre à Orléans et à Saran

Par un curieux hasard, le CDN d’Orléans et le théâtre de la Tête Noire à Saran avaient chacun programmé en cette fin de semaine, une pièce parlant de l’adolescence, des craintes et des espoirs de la jeunesse, sur les thèmes récurrents à cet âge, avec un groupe entièrement féminin (ou presque) sur scène dans les deux troupes composées chacune de 10 actrices. Étonnant !

Contes et Légendes

Contes et Légendes – Photo B.T.

Joël Pommerat était à Orléans en cette fin de semaine. « Ecrivain de spectacles » comme il se définit, il parcourt la France en créant lui-même ses textes et ses mises en scène, où les sujets contemporains affleurent au travers les contes tels « Cendrillon » ou « Pinocchio », ou bien l’histoire de France avec « Ca ira » inspiré de la Révolution française.

Sa dernière création, « Contes et Légendes », présentée au CDN d’Orléans, dans une salle Barrault comble qui lui réservera au final une standing ovation, nous parle de l’adolescence d’aujourd’hui, de ses conflits avec le monde adulte, en décalant l’ensemble des saynètes dans un monde futuriste peuplé d’humanoïdes, mais pas vraiment différent du monde actuel.

Sur le plateau, huit jeunes et deux adultes. Quelques fauteuils ou canapés ainsi qu’une table. Pommerat travaille sur les thèmes qui font actualité, masculinité, féminité et genre, partage des tâches au sein du couple, idolâtrie d’une certaine jeunesse envers de très jeunes chanteurs, conflits entre ados sur fond de relations amoureuses, langage d’ados noyé dans un flot de termes crus… Mais ces thèmes qui apparaîtraient ressassés, finalement ennuyeux à force d’être exploités un peu partout, apportent émotion et poésie parce qu’ils sont décalés dans le temps, mêlant robots et humains, et beaucoup d’humour en usant de la caricature. Le public rit à volonté, tant Pommerat a grossi le trait.

Huit actrices pas si jeunes que cela. Car tourner avec des ados durant trois ans relève de l’impossible. Pommerat a donc choisi huit actrices de petite taille, aujourd’hui âgées entre 28 et 34 ans, si bien grimées que le spectateur n’y voit que du feu, les unes jouant des rôles de garçons, d’autres de filles, ou de robots. Toutes sont formidables dans leur jeu de scène, d’une fraîcheur, d’une justesse, d’une explosivité proprement incroyable, aidés en cela par une exceptionnelle direction d’actrices de Pommerat  Peut-être le sommet théâtral à Orléans pour cette saison qui s’achève bientôt.

Nuits de juin

Nuit de Juin – Photo B.T.

Suite à une commande du Théâtre de la Tête Noire, l’autrice Agathe Charnet a écrit un texte à partir de paroles récoltées auprès d’une vingtaine de jeunes. C’est ce texte que dix adolescentes ayant répondu à l’appel du théâtre saranais, orléanaises, parisiennes ou tourangelles, ont mis en scène sous la direction artistique de Patrice Douchet. Et le résultat est tout simplement époustouflant !

Au plateau, une tente rudimentaire en sous-bois abrite les jeunes, manière de penser que le retour à la nature sera inévitable, la ville engluée de pollution les rejetant.

Smartphones à la main, intervenant à tour de rôle, souvent sur des monologues jetés à la face du public, l’une annonçant qu’elle se casse (de la société), l’autre dénonçant l’état de la planète, une autre pointant les soirées entre jeunes qui tournent mal, les réseaux sociaux qui peuvent se révéler dramatiques pour celle qui est la proie de harcèlements, les thèmes sont très divers, mais touchent très précisément ce que ces jeunes ressentent dans leur vie de chaque jour. On n’oublie pas de dénoncer les discours de haine qui jaillissent un peu partout, ces dix-là ont la tête bien faite. Au final, la vieillesse est abordée comme un temps inéluctable.

Un très beau texte, empli de poésie, dont ont su s’emparer ces jeunes éprises de théâtre, génère un magnifique spectacle, qui malheureusement ne semble pas avoir de suite, car regrouper ces dix filles de 17/18 ans ne fut pas chose aisée, Covid et épreuves du Bac ne facilitant pas les choses. Nul doute que quelques unes d’entre elles feront du théâtre, leur profession. C’est tout ce qu’on peut leur souhaiter tant leur talent éclate déjà sur scène !

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