Les passagers de la nuit, un temps en trop

Mikhaël Hers signe son quatrième long métrage, un film rétro sur les années quatre vingt. Une mère délaissée par son mari, ses deux grands enfants et une jeune SDF qu’elle recueille tentent de rebondir chacun à sa propre situation. Tout comme les émissions de nuit où les gens prennent le temps de se raconter, le film se perd dans une mollesse narrative inintéressante malgré des actrices magnifiques.

Par Bernard Cassat

L’émission de radio qui donne son nom au film, menée par Wanda/Emmanuelle Béart. Photo Pyramides Distribution

Mai 81, les premières images nous plongent dans la liesse de l’élection du premier président de gauche. Tout le film couvre ce septennat, non seulement temporellement, mais aussi dans l’ambiance, les couleurs, les habits – presque des costumes tant la mode a changé – les images carrées et les musiques populaires un peu rock, un peu techno. Et se déroule dans le quartier Beaugrenelle, cet ensemble de tours le long de la Seine, dans le quinzième arrondissement, juste fini quelques années auparavant. De plus situé en face la maison de la radio, ce qui n’est pas indifférent à l’histoire.

Le film est long à s’installer. Entre ces plans de métro rétro dont les lignes s’allument, la jeune fille au sac à dos et la victoire de Mitterand, on se demande quand le propos va vraiment commencer. Ce temps cinématographique revendiqué par Mikhaël Hers se voit tout au long du film (la course poursuite en vélo des deux ados, la présentation des personnages de la famille dans l’appart avec le grand père, les scènes du fils au lycée, etc), et la durée totale (1h50) semble beaucoup plus.

Charlotte Gainsbourg très convaincante

Le personnage pivot du film, Elizabeth, est elle aussi en pleine transformation, quoique très perdue. Jouée par Charlotte Gainsbourg, de quatre ans l’ainée de Mikhaël Hers, (en 1981, ils avaient 10 et 6 ans) la fragilité et l’indécision, la détresse parfois, l’empathie et la sensibilité à l’autre semblent partagées par le personnage comme par l’actrice. En tout cas ce que l’on se représente d’elle. Et Charlotte est remarquable dans ce rôle qui lui va bien, mère copine mais en même temps adulte véritable, obligée de rebondir après le départ de son mari. Et un cancer du sein, on le saura plus tard. Elle se fait engager dans une émission qu’elle écoute toutes les nuits pour remplir ses insomnies, Les passagers de la nuit, pendant laquelle Emmanuelle Béart/Wanda dialogue avec des intervenants aux petites heures de la nuit. Elle l’embauche pour trier le standard téléphonique. Elle fera l’affaire, et même plus. Ce rôle lui convient. Comme il convient à Charlotte (qu’on a vu par ailleurs psy et même référente). Elle est là, dans ce rôle de confidente de nuit et de mère copine mais quand même très parent(e), d’une crédibilité touchante. Loin des rôles de post ados qu’elle a endossés pendant plusieurs décennies, elle change de génération.

Même Joe Dassin est convoqué pour faire pleurer sur les années 80. Photo Pyramides Distribution

Et le deuxième personnage marquant, la jeune Talulah jouée par une extraordinaire Noée Abita au regard d’une intensité troublante, parcourt cette histoire avec sur les épaules le côté noir de ces années, la liberté vite rattrapée par la marge, la drogue et la marginalité. Alors qu’Elizabeth navigue dans un milieu plutôt bourge, de plus en plus entre soi quand elle entre à France Inter, Noée semble sans attaches sociales, ce qui la renvoie constamment à son statut de SDF. Fascinée par le cinéma, elle inscrit le film dans la lignée des Nuits de la pleine lune, de ce cinéma de Rohmer qui décortique les sentiments des post ados. Alors que Mikhaël Hers est quand même très loin d’un Rohmer année 2022 !

Sans rythme, sans véritable intériorité, Les passagers de la nuit passent sans consistance ni attache. Tout est un peu trop : trop long, trop doux, fragile, empathique, paternaliste, trop vu d’avance. La petite SDF va retourner à son errance, et la photo de famille finale n’y change rien. Techniquement maitrisé mais sans souffle, ce film finalement ne parle pas, ou en tout cas ne dit rien. Seules les actrices sauvent quelques séquences. C’est peu…

Les passagers de la nuit

Réalisateur Mikhaël Hers

Scénario : Mikhaël Hers, Maud Ameline, Mariette Désert

Interprètes : Charlotte Gainsbourg, Noée Abita, Megan Northam, Emmanuelle Béart, Thibault Vinçon, Laurent Poitrenaux, Quito Rayon Richter

Pyramide Distribution

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