Pour sa troisième Nocturne Féministe le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) du Centre Val-de-Loire avait invité ce jeudi 5 mai 2022 la journaliste Rokhaya Diallo sur le thème : « Être noire aujourd’hui en France ». Une rencontre qui a séduit un large public.
Par Sophie Deschamps
La journaliste, autrice et réalisatrice Rokhaya Diallo était l’invitée de la troisième Nocturne Féministe du FRAC le 5 mai 2022. Photo Sophie Deschamps
Plus de 150 personnes étaient présentes dans le hall des Turbulences du FRAC à Orléans pour venir entendre la journaliste, autrice, réalisatrice mais aussi militante antiraciste et féministe Rokhaya Diallo dans le cadre de la journée nationale du 10 mai de commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition.
Une rencontre animée par le journaliste Mourad Guichard qui a très vite abordé l’actualité récente puisque le magazine Regards la verrait bien ministre de la justice dans un gouvernement Mélenchon. Une proposition qui la fait sourire : « Ce serait un honneur mais je décline, n’ayant aucune aspiration politique...»
Car c’est une femme forte que le public a rencontrée. Une femme sûre de ses convictions et de ses décisions. Comme celle de participer aux émissions de Cyril Hanouna Touche pas à mon poste ! puis Balance ton post !. Des talk-shows dans lesquels elle se retrouve souvent confrontée à des personnes aux antipodes de ses idées : « J’ai vraiment le goût du débat mais mon but n’est pas de me consumer dans ces espaces de discussion. Je ne cherche pas à convaincre les gens qui sont autour de la table. Je m’exprime pour les personnes qui me regardent, et si j’arrive à en convaincre ne serait-ce qu’une seule, ça me va. »
Forte parce qu’en tant que militante féministe et antiraciste, Rokhaya Diallo revendique son droit à « s’exprimer dans des billets d’opinion avec un point de vue assumé mais toujours informé et documenté ». De même sur le thème de la soirée Être noire aujourd’hui en France, elle précise : « J‘ai une expérience de la France qui est liée à la fois à mes origines sociales (elle a grandi dans le 19e arrondissement de Paris puis à La Courneuve, NDLR) et à ce que les gens projettent sur moi. Parce que même si moi je me vis comme un individu complexe avec énormément de caractéristiques, il y a en une qui apparaît comme étant saillante au regard des gens qui est ma couleur de peau et mon appartenance raciale supposée et donc tout cela crée des interférences. Et c’est ce qui m’a amenée à gauche. Mon regard de journaliste est teinté de tout cela et j’ai envie que mon métier me permette de donner un espace à des gens qu’on entend peu.»
Des féminismes et non pas un seul
Suffisamment forte pour porter les valeurs d’un féminisme intersectionnel pour combattre à la fois le sexisme et le racisme : « J’ai des problématiques qui me sont propres en tant que femme noire et qui ne sont pas forcément incluses dans le féminisme général. Parce que l’on peut être discriminé pour plusieurs raisons : être une femme et être noire. De plus, on utilise aujourd’hui l’intersectionnalité pour parler de plein de choses : une femme noire, asiatique, mais aussi handicapée, lesbienne, juive, musulmane. C’est pour moi l’outil le plus universaliste qui soit puisque c’est le plus inclusif puisqu’il tient compte de tout le monde. »
Il existe aujourd’hui en France un racisme d’État
Assez forte aussi pour affirmer qu’aujourd’hui il existe en France un racisme d’État même en l’absence de lois discriminatoires. Pour étayer son propos Rokhaya Diallo donne l’exemple des violences policières. Car malgré de nombreuses condamnations de l’état français vol « il n’y a pas de conséquences » estime t-elle : « Qu’est-ce-qu’il se passe derrière? Rien dénonce Rokhaya Diallo qui conclut : « C’est ça le racisme d’État et à minima du racisme d’inaction. »
En fin de rencontre, Abdelkader Damani, directeur du lieu a exprimé « sa joie d’avoir réussi à faire du FRAC un lieu de débats où tout peut se dire, sauf le racisme et l’antisémitisme ».
Il a enfin donné rendez-vous au public les 13, 14, et 15 mai 2022 sur place pour la première édition du Printemps de la Romancière.
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Rokhaya Diallo devant l’oeuvre “Fuck Patriarcat” de Sammy Engramer le 5 mai 2022 au FRAC à Orléans. Photo Sophie Deschamps
Bio Express
1978 : naissance à Paris d’une mère sénégalaise et d’un père gambien.
2000 : Maîtrise de droit international et européen.
2001 : pour financer ses études à l’école de commerce Novancia, elle travaille aux sein du service jeunesse de La Courneuve où elle s’occupe de l’insertion professionnelle de jeunes défavorisés. Elle est aussi militante dans les associations Attac et Mix-cité.
2003 : Master en marketing de l’Institut Panthéon-Sorbonne
2006 : création de l’association Les Indivisibles en référence au premier article de la constitution française : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Son objectif étant « de faire cesser une partition de la nationalité française selon une apparence physique » décerne dès 2009 ses premiers Y’a bon Awards qui récompensent des personnalités ayant proféré des déclarations racistes.
2013 : Selon le magazine Slate, Rokhaya Diallo est classée 36e parmi les 100 Françaises les plus influentes.
6 décembre 2014 au 31 mai 2015 animation sur Mediapart de six émissions d’une série intitulée Alter-égaux, consacrée « aux questions d’inégalités et d’égalité, de race et de racisme, de discrimination et d’affirmation ».
2016-2017 : chroniqueuse chez Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste !
2019 : sortie des livres La France tu l’aimes ou tu la fermes ? (Éditions Textuel) dans lequel elle pale notamment de racisme d’État puis Ne reste pas à ta place (Éditions Marabout) avec cette jolie citation de René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. »
2020 : documentaire Où sont les Noirs ?, diffusé sur la chaîne française RMC Story.
2022 : sortie du livre Kiffe ta race co-écrit avec Grace Ly (First Éditions).