Avec un dispositif original et minimaliste sur une lenteur troublante, Gaspar Noé filme la tragédie de la vieillesse avec une sobriété bouleversante, captant la dégénérescence d’un couple entre solitude, crainte, affection, désolation de vivre et attente (dés)espérée de la mort.
Par Gérard Poitou
Reprenant un vieux procédé du cinéma muet, Gaspar Noé propose un récit cinématographique en double écran isolant dans deux images au format carré les deux protagonistes du couple, sorte de double caméras de surveillance visualisant un espace compressé dans un temps dédoublé. Cette audace de mise en scène du réalisateur nous fait entrer dans l’intimité de ce couple à la dérive devant la sénilité, dans l’univers de cet étouffant petit appartement parisien saturé de livres, métaphore d’un passé à la fois envahissant et invalidant.
Lui tape toujours à la machine avec deux doigts un livre à jamais inachevé sur le rêve et le cinéma, elle, psychiatre retraitée ne sait plus où elle en est des ordonnances qu’elle se prescrit pour échapper à une perte de mémoire qu’elle sait déjà inéluctable. Lui s’accroche à une ultime aventure sentimentale, elle se perd dans le quartier et ne reconnait plus le visage de son fils, témoin impuissant de cette dégénérescence, lui même toxicomane en rémission, autre forme de dégénérescence subie, qui apporte son affection dans ce triangle désespéré devant la vie qui s’achève dans le néant de l’oubli.
Le film d’une violente sensibilité, est interprété par trois comédiens totalement poignants, Françoise Lebrun, l’actrice mythique de La Maman et la Putain (1973), de Jean Eustache, Dario Argento, premier rôle pour ce cinéaste et maître italien de l’épouvante et enfin, le comédien et réalisateur Alex Lutz qui trouve là un rôle à la mesure de sa sensibilité. A partir d’un scénario d’une quinzaine de page laissant largement la place à l’improvisation, Gaspar Noé, loin de ses films précédents, signe là une œuvre saisissante sur la vieillesse et ceux dont “la mort du cerveau arrivera avant celle du cœur”.
Conclusion en forme d’introduction, film s’ouvre sur une chanson de Françoise Hardy, oubliée et sublime, “Mon amie la rose”:
Croit, celui qui peut croire
Moi, j’ai besoin d’espoir
Sinon je ne suis rien…