En cette année 2022, 400ème anniversaire de la naissance de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, on met en scène un peu partout les textes du plus célèbre homme de théâtre français. La Comédie Française propose des spectacles en faisant appel aux meilleurs metteurs en scène, on remonte des textes oubliés, les cinémas Pathé en diffusent et rediffusent quatre, dont le Tartuffe interdit par le Roi.
Par Bernard Thinat
Le théâtre Clin d’œil à Saint Jean de Braye proposait en cette fin de semaine, une création de la Compagnie « Grand Tigre », après l’avoir accueillie en résidence, spectacle appelé tout simplement « Molière » et mis en scène par Elsa Robinne. On savait qu’on allait nous parler de la vie de l’homme de théâtre, on pensait à un remake du « Roman de Monsieur de Molière » du russe Boulgakov, plus connu pour son « Maître et Marguerite ».
La Compagnie « Grand Tigre », naviguant entre le Cher et la région parisienne, rend hommage au travers de ses spectacles à trois illustres auteurs, Molière, Tchekhov et Shakespeare. Pourquoi donc Molière, direz-vous ? Parce que vous assisterez à un « Méli-mélo Oratoire Librement Inspiré d’Errances dans le Répertoire de l’Eponyme ». Il fallait y penser !
Lucas Hénaff, Clément Beauvoir, Etienne Luneau et Joseph Robinne.
Photo B.T
Sur le plateau, au fond à gauche, un piano tenu par le musicien de la Compagnie, Joseph Robinne. Trois chaises, un tapis et trois formidables acteurs, Clément Beauvoir, Lucas Hénaff et Etienne Luneau. Ces trois-là sont exceptionnels dans leur jeu, par l’énergie déployée, dans un style proche de la Commedia dell’arte. Bien sûr, ils vont nous raconter la vie de Molière, de son envie de faire théâtre au grand dam de son père, mais soutenu par le grand-père féru de spectacle vivant (avec Lucas Hénaff fabuleux dans son rôle de papy courbé et tremblotant) à sa mort, tel le roman de Boulgakov, mais ils s’en écartent, d’une part par l’humour dégagé tout au long des 75 minutes, entremêlant des scènes tout à fait désopilantes, mais aussi par les très nombreuses citations empruntées à Molière, et toujours en donnant les sources, telle œuvre, tel acte, telle scène. C’en est étourdissant et d’une justesse tout à fait remarquable.
On n’oublie pas d’inviter sur scène Racine atteint d’une étrange maladie qui le fait parler avec une extrême lenteur, et Corneille avec son « ô rage, ô désespoir,… etc », le Prince de Conti et le rire fabuleux de Lucas Hénaff …
Quant à Etienne Luneau dans le rôle exclusif de Molière et Clément Beauvoir, ils sont tout aussi formidables, le second dans des interprétations multiples, entre autres, celle du dévot face à Molière après un Tartuffe mémorable.
Un spectacle haut en couleurs, faisant revivre Molière, ses comédies ainsi qu’un siècle, le 17ème, qui augurait une révolution où la bourgeoisie ne tarderait pas à supplanter la vieille aristocratie.
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« En un mot, dans les pièces sérieuses, il suffit,
pour n’être point blâmé, de dire des choses qui
soient de bon sens, et bien écrites : mais ce n’est
pas assez dans les autres ; il y faut plaisanter ; et
c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. »
La Critique de l’Ecole des femmes, scène 6
« Le père se précipita alors chez le curé et le supplia d’aller dissuader Jean-Baptiste de ses projets. Le serviteur de Dieu accéda à la prière de son honorable paroissien et vint parler au fils ; mais les résultats de ses efforts furent si étonnants qu’on ose à peine en parler. On assura dans Paris qu’après deux heures de conversation avec un Jean-Baptiste déchaîné, le ministre ôta sa soutane noire et alla s’enrôler dans la même troupe que lui.»
Mickhaïl Boulgakov
Le Roman de Monsieur de Molière
En présence du Roi.
« Molière : Pour en être dévot, on n’en est pas moins homme.
« Le dévot : Mais vous n’êtes pas un homme, vous êtes un démon vêtu de chair et habillé en homme, et le plus signalé impie et libertin. Vous méritez un supplice exemplaire et public, le feu même avant coureur de celui de l’Enfer, pour expier un crime si grief de lèse-majesté divine. »
Molière
Compagnie Grand Tigre
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