Intitulé “Le faiseur de dieux”, l’exposition du sculpteur-peintre allemand Markus Lüpertz a envahi l’espace public et le musée d’Orléans, avec des œuvres qui ne manquent pas d’interroger notre regard sur l’art, objectif affirmé de l’artiste venu présenter une rétrospective de son travail, la deuxième de cette importance en France, alors que le centre Pompidou vient de consacrer une rétrospective à l’artiste allemand Baselitz.
Par Gérard Poitou
Markus Lupertz au pied de Judith photo GP
Cette rétrospective, conçue avec l’artiste venu à Orléans, constitue un parcours dans la ville qui débute par la découverte des sculptures monumentales et se termine dans les salles contemporaines et les trois cabinets d’arts graphiques du musée des Beaux Arts. Car Markus Lüpertz est un artiste prolifique qui depuis la découverte des sculptures de Maillol en 1981 a décidé d’associer peinture et sculpture dans une démarche originale où couleurs et matière s’échappent de la toile. Loin de la sérénité de son inspirateur, l’artiste propose à Orléans onze sculptures pour la plupart en bronze peint dont la difformité renvoie à des personnages mythologiques ou historiques, de Fragonard à Hercule en passant par Mozart ou Judith. Ces géants ont une particularité commune avec une absence de bras remplacés par des moignons, humains déifiés devenus manchots comme incapables de garder prise sur le monde. Ces dieux à la chair criblée seraient-ils les victimes mutilées d’une tare héréditaire, d’une mutation génétique, d’un cataclysme nucléaire ? L’effroi révulse la beauté que l’on attend de la représentation de ces personnages légendaires. Là est sans doute l’enjeu de l’artiste, dans sa volonté de dépasser la représentation du sujet au profit d’une expression artistique, d’une émotion créative.
Une peinture néo-expressionniste
Markus Lüpertz photo GP
L’exposition se prolonge au sous sol du musée dans les salles contemporaines par une série de toiles où Markus Lüpertz, rejetant tant la Figuration Narrative que l’Abstraction Lyrique du siècle dernier, revendique un néo-expressionnisme allemand plaçant la forme avant le sujet. Markus Lüpertz “braconne” pour proposer deux séries majeures de toiles, l’une très récente de cinq tableaux intitulée le “Lac de Siethen”, proposition de l’artiste sur le thème romantique de Béatrice, la muse de Dante, et la série “Arcadie”, inspirée de Puvis de Chavannes dont le bonheur mythique s’inscrit dans une création que l’artiste associe aux Dithyrambes nietzschéens où l’art se libère de la figuration dans une expression dionysiaque que l’artiste partage avec le spectateur. «La peinture vit par celui qui la regarde» et l’artiste d’ajouter: «Chacun voit ce qu’il veut dans les œuvres» , comme ces casques militaires répétés dont, seul le regard du spectateur, apportera par son vécu la narration.
Markus Lüpertz et la maquette de son Hercule photo GP
Les trois cabinets d’art graphique du musée permettent de découvrir le travail créatif de l’artiste notamment autour de l’élaboration des projet sculpturaux.
L’artiste sera présent à Orléans le 18 juin pour un concert: peintre, poète, sculpteur, Markus Lüpertz est aussi musicien de free jazz au sein d’un groupe, le Triple Trip Touch.
*La tératologie est la science des anomalies de l’organisation anatomique, congénitale et héréditaire, des êtres vivants. La discipline a longtemps été assimilée à l’étude des « monstres » humains et animaux. L’histoire de la tératologie est intimement liée à celles des mythes et des légendes produites par les civilisations humaines.
Markus Lüpert Le faiseur de dieux
Exposition à Orléans
Musée des Beaux-arts – Centre ville Parc Pasteur
5 mars – 4 septembre 2022
Musée des Beaux Arts
Markus Lüpertz, l’extravagant
Lüpertz est considéré comme un des plus importants représentants du néo-expressionnisme allemand. Surnommé « le prince des peintres » pour ses apparitions publiques spectaculaires, pour son utilisation d’une rhétorique égocentrique et pour son style de vie extravagant, il est proche d’autres peintres allemands contemporains comme Jörg Immendorff ou Georg Baselit.
En opposition aux nombreuses tendances abstraites dans la peinture en vogue dans l’après-guerre, Markus Lüpertz se concentre sur des motifs simples, essentiels et figuratifs, qu’il peint de manière expressive. Cela commence à Berlin au début des années 1960, avec les « peintures dithyrambiques » présentées, en 1964, à la galerie Großgörschen 35.
Cette exposition est suivie, deux ans plus tard, par « L’Art qui reste lui-même : le Manifeste dithyrambique », véritable apologie de la peinture-peinture.
Entre 1969 et 1977, Lüpertz peint des grands formats dans une série dominée par des motifs extraits de l’histoire allemande (avec des figures symboliques clés comme le casque, les drapeaux, les monuments aux morts, etc.).
À partir de 1977, Lüpertz développe des peintures de « grand style », où il s’approche des styles abstraits nés dans les années 1950
Extraits de la notice Wikipedia