Depuis quatre ans, le département du Loiret propose une exposition photographique exclusivement féminine pour la journée internationale des droits des femmes. Cette année, du 8 au 31 mars, 14 Loirétaines ont posé devant l’objectif de Charlotte Brunet. Des « Parcours de combattantes », qui luttent contre un handicap, visible ou invisible.
Par Sophie Deschamps et Élodie Cerqueira
Elles s’appellent Anaëlle, Anne-Claire, Annie, Aurélie, Béatrice, Caroline, Christelle, Clothilde, Émilie, Gloria, Graziella, Justine, Martine, Sandra. Et quand on découvre les portraits de ces 14 Loirétaines dans le hall du Conseil départemental du Loiret, à Orléans, on est tout d’abord frappé par la qualité esthétique des photos signées Charlotte Brunet. Il faut alors lire les cartels pour comprendre qu’il s’agit de personnes porteuses d’un handicap, visible ou invisible.
Une exposition portée par trois élues départementales
Cette exposition, qui se tient du 8 au 31 mars 2022, a été initiée par trois élues départementales : Nadia Labadie, Marie-Agnès Courroy et Isabelle Lançon. Elles se sont appuyées sur leur réseaux et les associations pour trouver ces 14 femmes. Toutes ont immédiatement accepté de poser devant l’objectif de la photographe et pour six d’entre elles de témoigner oralement sur leur parcours de vie à travers un podcast.
Des élues fières et impressionnées par ces combattantes et qui ont remercié publiquement ces femmes le 4 mars dernier lors du vernissage de l’exposition. Nadia Labadie a ainsi salué « [leur] courage et [leur] volonté de vivre chaque jour comme toutes les autres femmes malgré le handicap ».
Marie-Agnès Courroy a souligné l’« enfermement, cette souffrance que peut représenter le handicap ». Et s’adressant à elles, non sans émotion devant un public nombreux, l’élue ajoute : « Vous ne le laissez jamais prendre toute la place. Et sur ces photos votre regard est transformé en grâce, en force, en beauté. (…) La puissance de vos sourires et de vos combats est un souffle d’espoir. » Pour sa part, Isabelle Lançon salue le courage des ces femmes qui luttent quotidiennement qui « ont toutes réussi à transformer [leur] singularité en force et [sont] prêtes à déplacer des montagnes ». Et de conclure : « Mesdames, vous nous avez donné une belle leçon de vie, merci et chapeau bas ! »
Montrer la femme avant le handicap
Une exposition originale et touchante qui nous fait comprendre que le handicap n’est pas ce qui définit une personne. Charlotte Brunet, la photographe, affirme qu’elle n’a pas rencontré « de difficultés particulières par rapport à des modèles valides ». La question d’être à l’aise avec son image ne concerne pas plus les personnes handicapées que les valides : « La photogénie n’a rien à voir avec le fait d’être à l’aise ou pas. Pour mes portraits, je demande toujours à la personne qu’elle est son rapport avec son image. Si c’est quelqu’un qui ne se sent pas bien, je vais chercher à faire ressortir la beauté, la lumière de ces personnes-là. »
Elle choisit avec ses modèles le meilleur profil, la meilleure pose et prend le temps qu’il faut. « Sandra, l’horlogère, est tellement inspirée quand elle travaille que je n’ai pas eu besoin de la faire poser, raconte la photographe. La photo finale a été faite alors que je cherchais encore mon cadrage ! Mais il émanait d’elle une telle douceur, à ce moment-là… je crois qu’en 15 minutes la photo était faite. Pour certaines femmes, il a fallu plusieurs heures. »
Pour Aurélie, l’exercice ne fut pas difficile. Cheffe d’orchestre de l’orchestre symphonique Les Violons d’Ingres, elle est habituée à s’exposer et à communiquer : « Mon parcours est souvent mis à l’honneur et je peux aider les gens à travers cette résilience. »
Car à l’origine, elle est trompettiste, depuis ses 7 ans, mais elle a dû arrêter à 27 ans, à cause de sa maladie, le syndrome nutcracker : une malformation de la veine rénale gauche qui cause des varices au niveau de la colonne vertébrale et du bassin. Ce qui lui comprime les nerfs et lui provoque de fortes douleurs. De fait, elle ne peut être assise ou debout de manière prolongée. Elle est en fauteuil depuis 4 ans mais ce qu’on remarque en premier chez cette trentenaire, c’est son sourire. Franc et généreux.
Une combattante qui nous raconte son chemin pour comprendre la maladie et les années d’errance avant d’avoir enfin un diagnostic : « Le plus difficile a été l’errance médicale et au bout d’un moment je me suis dit : “tant pis, je ne sais pas ce que j’ai mais je dois continuer à vivre“. Et le fauteuil m’a aidée. »
Une force qui l’aide à faire le deuil de la trompette car jouer lui déclenche des douleurs trop aiguës. Mais il en faut plus pour la décourager. Elle se dit très autonome et à part les difficultés de mobilité dues à l’usage du fauteuil – « il reste encore des efforts à faire », souffle-t-elle – elle mène sa vie tambour battant. En recherche d’emploi quelques jours plus tôt, elle nous confie avoir trouvé un job la veille de l’expo. Si on lui demande si le handicap en entreprise est un frein à l’embauche, elle répond sans détour : « Au contraire, maintenant c’est presque un avantage pour les entreprises, elles sont en recherche de pouvoir accompagner des travailleurs handicapés ! »
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Quatre expositions sur les femmes depuis 2019 pour faire changer les mentalités :
La première Femmes d’action, femmes d’exception était consacrée aux femmes pratiquant des sports dits “masculins ” (boxe, rugby, football…)
La deuxième en 2020 montrait des femmes qui exercent des métiers là aussi plutôt “masculins”.
La troisième Femmes de première ligne, en 2021, a mis à l’honneur des femmes qui ont continué à travailler durant les deux confinements malgré la Covid.
Enfin l’exposition de 2022 Parcours de combattantes met en lumière des femmes qui se battent au quotidien contre un handicap visible ou invisible. Une belle galerie de portraits visibles dans le hall du département jusqu’au 31 mars 2022 à Orléans.
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Photo de Une : Annie est en fauteuil depuis 20 ans. A 39 ans, des troubles de la moelle épinière l’a privée de ses jambes mais pas de son courage ! Photo Elodie Cerqueira