Les Performances proposées par la Scène nationale depuis douze ans sont d’autant plus riches cette année qu’un certain nombre de spectacles qui n’ont pas pu avoir lieu à cause de la situation sanitaire sont reprogrammés maintenant. Du 1er au 12 mars, dix neuf spectacles et deux expos totalement originaux, qui n’ont en commun que d’émaner de recherches diverses, témoignent tous d’un air du temps théatral, chorégraphique ou musical, et en dessinent les tendances à venir.
Par Bernard Cassat
L’importance de la musique fait un lien entre nombre de Performances 2022. Le chorégraphe suisse Thomas Hauert, dans (sweet) (bitter), construit des variations dansées sur des madrigaux de Monteverdi et de Sciarrino, compositeur contemporain, avec comme axe d’entrée la terrible nostalgie contenue dans ces musiques. Clara Furey construit et interprète un spectacle en partant d’une chanson de Leonard Cohen, When Even The, mais en intégrant la musique de Thomas Furey. Le même compositeur lui inspire une chorégraphie pour trois interprètes, Dog Rising, qui sera donnée aussi.
Dans une recherche de ses racines algériennes, l’artiste David Wampach avec la performeuse Dalila Khatir, chantent, racontent et dansent leurs origines, en tout cas ce qui relie leur art à leur passé, et retrouvent l’Algeria Alegria. Marion Blondeau reprend le mythe de Lilith en mélangeant arts plastiques et création sonore.
Des concerts mis en scène
Plusieurs Performances sont des concerts d’abord et avant tout. Cage 2, joué par le pianiste Bertrand Chamayou, reprend les pièces du grand compositeur américain, première œuvre de piano préparé, avec une chorégraphie d’Elodie Sicard, puisque cette musique avait été écrite pour un ballet. Le joueur de théorbe Daniel Zapico va rêver un spectacle autour de cet instrument ancien, et ce sera Arca Ostinata. Florentin Ginot, quant à lui, tentera l’extase avec l’aide de deux interprètes et de sa contrebasse dans Dead trees give no shelter. Dans Devenir imperceptible, la musique de Clément Vercelletto accompagne la danseuse Pauline Simon qui construit sous nos yeux un instrument de musique végétal et étrange.
Le corps prend le pouvoir
Mais la chorégraphie peut avant tout mettre en avant le corps. C’est la cas pour De Françoise à Alice, chorégraphié par Mickaël Phelippeau, où les deux danseuses handicapées posent la question du regard que l’on porte sur leur différence. Betty Tchomanga ne retient de la danse que son origine, le saut. Dans Mascarades, elle saute pour s’élever le plus haut possible et se sauver elle-même. Anne Sophie Lancelin, dans un solo, joue avec des masques, Persona comme on disait avant, qui eux-mêmes interagissent avec son corps.
Les mots peuvent cotoyer ou remplacer la musique. C’est le cas dans Just Us, une chorégraphie pour six interprètes qui slament leur histoire, celle d’une femme (Sandra Calderan) qui au bout d’un parcours étonnant et difficile, a réussi à être elle-même.
La puissance de l’originalité
Et puis il y a les inclassables. Les deux spectacles qui ouvrent le cycle, Carte noire nommée désir et I hope + Figures mélangent tous les genres. Caroline Breton, seule en scène, nous « parle » d’elle, des femmes, des photographies, de l’image. Quand aux huit femmes emmenées sur scène par Rébecca Chaillon dans Carte Noire nommée désir, elles confrontent leur négritude à la blanchitude qui les entourent dans un tourbillon d’énergie nécessaire pour débarrasser leurs corps des clichés qui y sont collés et pour s’assumer sereinement. Dans Showgirl, Marlène Saldana et Jonathan Druillet explorent le monde du show biz avec une ironie grinçante et une très belle dérision. En fin de cycle, Marcela Santander Corvalan, dans des thématiques assez proches, choisit l’écoute comme entrée réflexive. La Concha, donc.
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