Présidentielle: 7 propositions pour une presse indépendante et plurielle du SPIIL

Le Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne, syndicat qui réunit plus de 230 éditeurs et dont Magcentre est adhérent, soumet sept propositions aux candidats à la présidence pour restaurer une presse “robuste, indépendante et plurielle”. Si ces mesures peuvent sembler techniques, elles conditionnent néanmoins le fonctionnement d’une presse libre, indispensable à la solidité de notre démocratie. Magcentre vous en propose ici une synthèse.

1. Créer un Centre national de la presse

Le Spiil ne peut que constater la fragilité croissante et la désunion du secteur de la presse et invite à dresser un bilan de l’intervention de l’État dans le secteur : inefficacité des systèmes d’aides, dispositifs manquant de transparence, absence d’analyse d’impacts.

Pour répondre à ces enjeux, le Spiil propose de fédérer la profession autour d’un Centre national de la presse et des médias. Sous forme d’établissement public à l’instar du Centre national de la musique ou celui du Cinéma, il endosserait un rôle opérationnel et prospectif. Le Centre national de la presse constituerait un espace de débat et d’arbitrage. Il s’agirait d’un organe professionnel, compétent, neutre, émanant de l’État, mais incluant tous les acteurs au sein de ses instances, à la fois l’État et les organisations professionnelles.

2. Faire reconnaître la liberté de la presse en tant que principe constitutionnel et réintégrer tous les délits d’opinion dans la loi de 1881

La liberté de la presse est un droit fondamental dans une démocratie. Or, cette liberté ne fait pas partie en France des droits fondamentaux définis dans la Constitution et ne bénéficie pas de la protection suprême accordée par ce texte. Ainsi, nous assistons depuis quelque temps à une remise en cause régulière de la liberté de la presse.

Par ailleurs, la loi de 1881 sur la liberté de la presse a fait l’objet de plusieurs grignotages. Avec la loi de 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme puis la loi de 2021 confortant les principes de la République en 2021, des délits d’expression ont été sortis de cette loi équilibrée. 

Le Spiil demande aux candidats à la Présidence de la République de s’engager à porter l’inscription de la liberté de la presse comme principe constitutionnel et de réintégrer tous les délits d’opinion dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

3. Refondre les aides à la presse au service du pluralisme de l’information

Les aides à la presse tirent leur légitimité d’un nécessaire pluralisme : le citoyen doit avoir accès à une diversité de regards sur l’actualité pour exercer ses droits, à partir d’informations vérifiées par des professionnels respectueux de la déontologie journalistique. Cependant, l’impact réel des aides actuelles au pluralisme n’est pas évalué, comme le regrette d’ailleurs régulièrement la Cour des comptes. Le Spiil propose de mettre en place des indicateurs de mesure de l’impact des aides sur le pluralisme pour veiller à leur efficacité.

4. Lutter contre la désinformation grâce au renforcement des politiques d’éducation aux médias et à l’implication des plateformes

En 2018, le rapport d’information parlementaire rédigé par Bruno Struder dans le cadre de la mission d’information sur l’école dans la société numérique a pointé le caractère hétérogène de l’accès à l’éducation aux médias et à l’information dans l’enseignement, de l’école élémentaire au lycée. À ce jour, il n’existe pas de socle minimal d’heures d’éducation aux médias et à l’information. Les projets d’éducation aux médias et à l’information sont lancés sur la base du volontariat par les établissements, avec les professeurs et le concours du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi), qui organise notamment la semaine de la presse à l’école.

Le Spiil rejoint les propositions formulées dans le rapport Bronner concernant le renforcement de l’éducation aux médias et à l’esprit critique tout au long de la scolarité, y compris pour les élèves des filières de l’enseignement technique et technologique.

Le Spiil propose d’exiger des plateformes qu’elles offrent aux usagers la possibilité de paramétrer leurs préférences afin de les exposer à des opinions variées et de limiter la formation des bulles de filtres, assurant ainsi une vision plurielle du monde et leur permettant de confronter leurs points de vue. 

Nous proposons aussi d’interdire aux plateformes de favoriser des médias avec lesquels elles ont conclu des accords commerciaux dans la présentation et la hiérarchisation des contenus proposés dans leurs services de base.

5. Remplacer les différentes définitions de l’Information Politique et Générale par une appellation unique, plus lisible

Le Spiil considère que l’actuel statut IPG est inadapté à l’ère numérique. Il crée des distorsions de concurrence problématiques : certains acteurs, les uns disposant du statut IPG, les autres non, se retrouvent aujourd’hui sur un même marché. Sur Internet, les contenus d’une rubrique « emploi » d’un quotidien généraliste concurrence les mêmes contenus publiés par un journal spécialisé sur l’emploi.

De plus, la multiplicité des définitions de la notion d’IPG (article 2 du décret du 29 octobre 2009, article D.19-2 du code des postes et communications électroniques, article 39 bis A du code général des impôts) ajoute aux difficultés un problème d’illisibilité et d’opacité des règles, donc d’insécurité juridique des entreprises de presse, en contradiction avec les démarches de simplification administrative entreprises par l’État dans un certain nombre de domaines. Le soutien public est d’autant plus légitime qu’il se base sur des critères compréhensibles par tous et non discutables.

6. Permettre l’accès aux données publiques et documents administratifs

La  transparence sur les données publiques et les documents administratifs constitue une condition incontournable du fonctionnement démocratique d’une société. Par ailleurs, la bonne information du public contribue à la prévention des fausses informations. Pour les journalistes, la mise à disposition de ces données constitue un matériau indispensable pour faire un travail d’information documenté. L’ouverture des données et des documents administratifs a donné lieu à des législations dans ce sens dans de nombreuses démocraties, y compris en France.

Si des progrès indéniables ont été réalisés ces dernières années en matière d’ouverture des données publiques, de nombreuses administrations s’affranchissent encore complètement de cette obligation. Des feuilles de route précises ont ainsi été adressées aux différentes directions ministérielles mais les collectivités locales et les services déconcentrés de l’État (rectorats, préfectures) ouvrent par exemple encore très peu leurs données.

7. Encadrer la communication territoriale

L’audience de la communication territoriale, via les bulletins municipaux et autres canaux de communication, a dépassé depuis une dizaine d’années celle de la presse indépendante locale, selon les baromètres de la communication locale publiés régulièrement par l’association Cap’Com. L’écart se creuse même de plus en plus puisqu’en moyenne, les habitants indiquent s’informer à 71% via les bulletins municipaux contre 55% via leur quotidien régional. Cette situation est préoccupante car ces médias ne sont pas indépendants. Leur ligne éditoriale reflète celle de l’exécutif, du choix des sujets à la manière de les traiter. L’information indépendante et son pluralisme constituent pourtant un enjeu démocratique, inscrit à l’article 34 de la Constitution. Il est urgent d’encadrer cette communication. Cela passe par une distinction claire entre l’information de service public, la promotion des élus et les autres types d’information des médias institutionnels locaux. Il convient aussi de veiller aux conflits d’intérêt entre presse indépendante et élus locaux.

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A lire aussi: [Médias] Le SPIIL alerte sur l’état du pluralisme de la presse en France

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