Culture et santé mentale : soigner autrement à Orléans

Les troubles psychiques que rencontrent les patients pris en charge par la psychiatrie publique ou privée peuvent faire l’objet d’autres tentatives pour soigner « autrement ». Sans se substituer à une prise en charge clinique voire une hospitalisation, de nombreux espaces associatifs offrent un accueil qui a à voir avec la prévention, l’insertion, et avant tout avec le vivre ensemble. Bien souvent, ces approches s’appuient sur des médiations culturelles : musicothérapie, art-thérapie, ateliers… Une autre façon de « prendre soin » comme en témoignent les personnes engagées dans cette dynamique que nous avons pu rencontrer.

Par Anne-Cécile Chapuis

Ces exemples sont des expériences singulières parmi d’autres. Elles ont chacune leurs contours, leur histoire propre et leurs objectifs. Loin de nous la volonté de comparer la musique, la danse, le théâtre ou l’art. Mais des points communs sont sensibles dans ces différentes sphères. Tout d’abord, le postulat que l’expression artistique peut offrir un espace inédit pour dénouer certains blocages ou nœuds de souffrance se retrouve dans les propos des personnes que nous avons pu rencontrer. Ensuite, la volonté d’approcher les personnes en difficulté par un biais artistique représente une sorte de pas de côté qui permet de ne pas résumer la personne à sa pathologie, même si cette dernière prend parfois toute la place. Enfin, c’est aussi travailler sur le vivre ensemble et la rencontre. Toute personne a droit à une parole, exprimée au-delà des mots, et peut apporter sa contribution à une élaboration commune.

En toute modestie (les animateurs des ateliers le soulignent tous) c’est un moment de respiration, une pause, une autre approche, qui peut restaurer l’estime de soi, la place dans une société, la confiance en soi et en l’autre.

C’est à n’en point douter une autre façon de « Prendre soin » des personnes fragilisées par la pathologie mentale.

1- Ateliers de soutien et Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM)

« A Pleyades, nous offrons des possibilités, tout en laissant les personnes la liberté de s’en saisir » Ainsi s’exprime Sandrine Chesneau, directrice du lieu ressource associatif Pleyades. Situé en plein cœur d’Orléans La Source, ce lieu est ouvert à toute personne qui cherche soutien, rencontre, appui en divers domaines. Ici, on peut être aidé pour le logement, l’emploi, la santé, les problèmes administratifs..et plus si besoin ! Pleyades s’adapte à toute personne qui pousse la porte. Le soutien psychologique y est patent, avec la présence dans l’équipe d’une psychologue à plein temps, mais aussi d’une art thérapeute, d’un conseiller professionnel, une animatrice, un travailleur social. L’accompagnement peut être un premier pas vers une démarche de soin plus conséquente, mais peut aussi se situer dans la suite d’une prise en charge hospitalière.

Sandrine Chesneau, directrice et Isabelle Dubois, animatrice, dans les locaux de Pleyades Photo AC Chapuis

Les usagers de Pleyades se sont constitué en GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) dans un objectif de lien social, reprise de confiance en soi, mutualisation des expériences. Il s’agit aussi d’expérimenter la logique associative, et les liens entre Pleyades et le GEM sont interactifs.

Pour en savoir plus : Association Pleyades, 2 rue Bossuet La Source. pleyades@wanadoo.fr

2- Musicothérapie

« L’imprévisible n’est jamais dangereux » nous explique Isabelle Marié, médecin phoniatre et responsable de Mus’E 45, tout en précisant offrir « un cadre contenant sans contention »

Cette association existe depuis 1991. Elle s’intitulait alors Musicothérapie 45, avant de se remodeler en 1995 avec le nouveau nom Mus’E. Déja avec en sous entendu (sic!) la muse qui inspire mais aussi l’amusement qui divertit, sans oublier le E qui rappelle l’expression.

De nombreux ateliers sont offerts à des personnes présentant des problématiques diverses, dans le monde du handicap, du troisième âge, de l’autisme, des troubles de l’audition et de la parole..Les prestations sont variées, en collectif ou en individuel et Isabelle Marié offre un accompagnement adapté à chacun. « jouer avec sa voix parlée ou chantée, c’est une autre manière de se dire »

Pour en savoir plus : https://muse45.org/

Théâtre

On ne présente plus Scène ouverte, cette association qui existe depuis 15 ans à Orléans et dont Magcentre s’est fait l’écho à plusieurs reprises. A son actif, pas moins de quatre comédies musicales créées de toutes pièces et données en représentation dans le département.

Scène ouverte lors de sa représentation du 12 Mars 2021 au théâtre Gérard Philipe Orléans La source. Photo AC Chapuis

Et le projet continue avec, en gestation, la réalisation d’un « florilège » puisé dans les 33 chansons de la compagnie et la réalisation d’un spectacle plus mobile qui pourrait aller vers les publics de soignants ou les institutions. Au delà de ces activités, c’est la régularité, la présence, le repère qui offrent un cadre thérapeutique, et certainement aussi, le fait de traiter les personnes avec leurs capacités plutôt qu’avec un focus sur leurs troubles. A Scène ouverte, on est avant tout comédien, créateur, chanteur, Jean-Marie Martin, le responsable fondateur, y tient !

Pour en savoir plus : http://www.facebook.com/associationsceneouverte

Danse

Sylvie Drussy pratique la danse depuis de nombreuses années , et, est-ce un effet de sa formation de travailleur social?, elle a de tous temps mis son art au service des plus démunis. Ainsi elle a animé des ateliers en centres sociaux, en maison d’arrêt, à l’hôpital, institutions pour handicapés, psychiatrie..la liste n’est pas exhaustive. Formée à l’art thérapie option danse à l’INECAT de Paris, elle situe la danse comme une médiation, une découverte des possibles, une reprise de confiance en soi favorisée par le cadre posé. Avec les personnes souffrant de troubles psychiatriques, l’approche se situe du côté du repère, du jeu, de la rencontre.

Sylvie Drussy parle avec passion de son art mis au service des plus démunis, la danse. Photo AC Chapuis

Pas question d’apprentissage, mais une ouverture à l’autre, une reprise de confiance en soi, sans oublier le plaisir ou l’émotion procurés par un mieux-être. La danse est intrinsèquement liée à la musique, et Sylvie Drussy exerce avec plusieurs partenaires au sein de son association « Coïncidences » où elle a fondé l’atelier « du geste à la parole » Les séances obéissent à une trame, mais « aucun atelier ne se ressemble », l’important c’est d’être là et aider l’autre à exister, à prendre sa place et à « entrer dans la danse »

Pour en savoir plus : Coïncidences https://www.oleans-metropole.annuaire-associations

Art Thérapie

L’expression artistique a toute sa place au sein de l’EPSM (Établissement Public de Santé Mentale) Georges Daumezon à Fleury les Aubrais qui affirme dans sa présentation «  La culture, vecteur de valorisation personnelle, professionnelle et sociale, est considérée comme une contribution à la politique de santé qui accorde une nouvelle place à l’usager ». Créé dans cet esprit en 2007, l’atelier PETAL (Poly Espace Thérapeutique Ateliers Loisir) , offre un lieu privilégié dans la sphère de ce gigantesque hôpital. Trois ateliers y co-habitent (musique, sport et arts plastiques) et dès l’entrée, l’on peut constater l’investissement du service public comme celui des personnes. Les locaux sont clairs, accueillants, très bien dotés en matériel, et très vivants.

Sophie Navinel nous reçoit dans son atelier terre. Infirmière et passionnée de tout temps par les arts plastiques, elle travaille « avec l’envie du patient ». Les personnes hospitalisées viennent quand elles le souhaitent et quand leur état psychique le permet. Sophie Navinel les accueille, les accompagne, les encourage, sachant les valoriser à travers leurs créations, et les aider à reprendre confiance. Elle leur offre un lieu calme, bienveillant, décrit comme « une bulle à l’hospitalisation » Elle rencontre une grande diversité de personnes, dans leurs statuts, leurs âges, leur parcours, leurs demandes, et c’est elle qui s’adapte. « nous sommes des soignants avant tout » . Les personnes repartent avec leur production, sauf quand s’est installé un travail de groupe, en mosaïque, modelage ou dessin. Et le lieu est bien repéré des personnes qui viennent, sur conseil d’un médecin mais souvent d’elles-mêmes ou entraînées par un autre patient.

Sophie Navinel, responsable de l’atelier art plastiques à l’atelier PETAL de l’EPSM de Fleury les Aubrais. Photo AC Chapuis

C’est un lieu de création apaisant, où l’on peut prendre son temps, se poser, se découvrir… un véritable oasis dans les parcours les plus chaotiques.

Pour en savoir plus: https://www.epsm-loiret.fr

A lire aussi: [Psychiatrie] Édito : La psychiatrie publique française est malade

 

Commentaires

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  1. Merci à Mme Chapuis pour cet excellent article.
    La souffrance psychique doit être en effet “respectée” et “soignée” par toutes et tous.
    Nos responsabilités citoyennes-fraternelles ne doivent plus déléguer au seul corps médical (aux hôpitaux et aux chimio des Labos) l’exercice particulier du “soin mental”.
    Cordialement jmmartin

  2. Un grand Merci et Des félicitations à Anne Cécile pour ce bel article, plus qu’un article, un reportage qui nourrit la 1ère partie de la thématique sur la psychiatre. Le regard et l’ ecriture d Anne Cécile aiguisé met en valeur les multiples formes de soin,valorise l aspect humain, la vrai rencontre.
    Bravo et merci.

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