Le Vernou est un ancien domaine de chasse reconverti en sanctuaire animalier près de Chaumont-sur-Tharonne, en Sologne. Quelques deux cents vaches, veaux, cochons, moutons, agneaux, chevaux, ânes, y passent une fin de vie heureuse grâce à la générosité d’une jeune femme, Julie le Hideux. Petit tour du propriétaire.
Par Sophie Deschamps
Quand on arrive au sanctuaire animalier du Vernou près de Chaumont-sur-Tharonne, dans le Loir-et-Cher, on a un peu l’impression de se retrouver dans l’irréductible village gaulois d’Astérix. En effet le Vernou est entouré de domaines de chasse. Et pour cause, il est lui-même un ancien rendez-vous de chasse que sa jeune propriétaire de 24 ans, Julie le Hideux a connu toute petite : « J‘ai grandi à Paris mais je me suis installée ici il y a dix ans. C’était une propriété de chasse donc je venais ici le week-end avec ma famille pour la chasse. Je reviens donc de loin mais je suis la preuve que c’est possible. Le déclic antichasse s’est produit autour de mon rapport aux chiens et aux chevaux et ensuite au contact des animaux de chasse. Grâce aussi au militantisme de beaucoup de personnes et l’accès aux informations données par les réseaux sociaux. »
Ici, l’on sait que les bêtes ne finiront pas en saucissons, jambons, rôtis ou gigots mais qu’ils mourront de leur belle mort et cela change tout.
Très vite on fait la connaissance de Joséphine, une truie-sanglier pas farouche : « Elle s’est très vite acclimatée, s’enthousiasme Julie. Elle est arrivée avec son frère et sa sœur. Elle vient d’un élevage clandestin pour la viande et donc elle serait croisée cochon et sanglier. » (Un croisement totalement illégal mais pratiqué par certains éleveurs pour la “qualité ” de la viande, NDLR).
Toutefois pour éviter que les animaux ne prolifèrent, ils sont stérilisés la plupart du temps, souvent peu de temps après leur arrivée au Vernou. Ce qui ne les empêche absolument pas de renouer avec une forme de vie sauvage : « C’est vraiment un but le réensauvagement. C’est de leur laisser le plus possible d’espace et de possibilité de s’enrichir avec leur environnement. Beaucoup n’avaient pas vu le jour avant de venir ici. Donc là ils ont vraiment la possibilité d’être libres et autonomes sans qu’on leur demande rien en échange. »
Un changement de vie radical
Les bêtes doivent d’abord rompre avec leur vie antérieure marquée par le manque de liberté et de mouvements : « On a eu par exemple des cochons de six mois qui sont arrivés ici et qui ne savaient pas marcher et qui buvaient et se nourrissaient au tuyau ce qui en dit long sur leurs conditions de vie en élevage. Donc nous avons dû tout leur réapprendre mais heureusement ils se sont réadaptés très vite. »
Mais d’autres mettent plus de temps à faire confiance aux humains à cause notamment de mauvais traitements : « On a une vache issue d’un cirque. C’est une race Ndama avec une petite bosse sur le dos car souvent les cirques ont une petite ménagerie. Ça fait cinq ans qu’elle est au Vernou mais on ne peut toujours pas l’approcher. Elle a une peur panique des humains mais c’est un peu logique quand on sait qu’elle a eu les oreilles coupées et une corne cassée. C’est parfois problématique pour les soins de prévention des maladies que l’on doit lui faire mais on arrive à s’en sortir. »
Bien sûr toutes les espèces ne peuvent pas cohabiter même si la première chose qui frappe en arrivant au Vernou est de voir des cochons, des chèvres, des moutons et des ânes se côtoyer paisiblement : « Les chats et les chiens ont leurs propres espaces. Les autres animaux ont une totale liberté. Nos 70 hectares sont clos évidemment et tout se passe bien parce que le domaine est grand. Ils se partagent les points d’eau et de nourriture, ainsi que les abris. »
Cohabitation difficile avec les chasseurs
En fait, c’est la cohabitation avec les humains qui est difficile au Vernou et notamment avec les chasseurs. Car comme l’explique Julie le Hideux, « on touche au circuit économique de la chasse de toute la région. Ici, beaucoup de gens vivent de la chasse et de ses dérivés, les armureries, les ventes de 4×4, mais aussi les restaurants et les cafés. Du coup, c’est aussi compliqué. Il y a parfois des intrusions de chasseurs mais on est en lien régulièrement avec la gendarmerie et l’on fait tout pour défendre au mieux nos animaux ».
Ce qui n’empêche pas certains voisins, notamment de Chaumont-sur-Tharonne, de soutenir le sanctuaire : « Oui on a des habitants de notre côté, pas des masses mais on en a ! Notamment parce qu’on s’occupe beaucoup des chats errants… »
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