Scandale : l’Etat importe-t-il du cannabis ?

Dans un film qui retrace l’enquête d’un journaliste de Libération, Thierry de Peretti tente de démonter les méandres d’un système complexe. Mais Enquête sur un scandale d’Etat s’attache surtout à la relation informateur-journaliste, deux fortes personnalités qui deviennent très proches. Un beau film d’enquête, pas toujours très clair dans la narration. Mais le trafic de drogue est tellement complexe. En définitive, c’est tout de même lui qui gagne…

Par Bernard Cassat

Stéphane Vilner (Pio Marmaï) devant les unes de Libé

Thierry de Peretti scénarise avec Jeanne Aptekman une affaire compliquée. Il part pour cela d’un livre publié par Emmanuel Franten et Hubert Avoine, L’infiltré. Plus qu’une affaire, c’est un système qui est en cause. Cette pure fiction, comme un inter-titre avertit au début, n’a d’intéret que parce qu’elle est le reflet qu’on peut penser fidèle de la réalité, son analyse.

Ce qui a lancé toute l’affaire : sept tonnes de cannabis sont saisies à Paris dans des camionnettes. Gros coup, félicitations officielles à François Thierry, le chef de la police anti-drogue (Jacques Billard dans le film, joué par Vincent Lindon). Or quelques temps après, Hubert Avoine, un ancien informateur de cette même police, ex-ami de Jacques Billard (restons dans la fiction), contacte Emmanuel Fansten, journaliste à Libération (Stéphane Vilner dans le film, joué par Pio Marmaï). Il veut faire des révélations.

Le système en question est assez simple. Jacques Billard analyse la situation catastrophique du cannabis en France. Conscient de son incapacité à arréter les flux, il tente de les controler. Et se sert d’un grand caid du milieu, en le laissant faire entrer par l’Espagne de grosses quantités de cannabis, en général en provenance du Maroc (le Rif juste en face est un grand producteur). Il veut ainsi comprendre et dominer les flux. A charge au caïd d’informer la police de ce qui se passe. Les sept tonnes saisies du début du film étaient donc une « livraison surveillée », comme dit la police. Hubert Avoine, qui a observé ce trafic, s’est faché avec son patron Jacques Billard pour des raisons complexes et un peu floues. Après avoir été viré, il veut tout raconter.

Stéphane Vilner et Hubert Avoine (Roschdy Zem) en préparation du livre sur l’affaire à Lugano.

A partir de là, Peretti s’intéresse plus à la relation entre informateur et journaliste. Comment un journaliste peut savoir et comprendre ce qui se passe ? Le système en cause est complexe et risqué : la police, donc l’Etat français, importe-t-elle de la drogue en France ? Ces livraisons surveillées sont-elles en fait une collaboration de l’Etat avec les trafiquants ? Qui peut-être brasse aussi des sommes considérables ? C’est le point de vue de l’informateur. Le journaliste n’a que son jugement, son feeling relationnel pour faire la part des choses. Plus quelques faits objectifs, heureusement. Mais la recherche de la vérité passe par des hommes, des paroles, des narrations. De quoi inventer de la fiction, non ?

La profondeur historique du problème

Emporté par le jeu des deux protagonistes, les excellents Roschdy Zem et Pio Marmaï, l’histoire nous promène de Marbella, lieu fréquent de livraison de la drogue, à la table de conférence de rédaction du journal Libération (la vraie). La relation informateur-journaliste passe par différents stades, différentes humeurs. Et l’histoire se complète petit à petit, tout en restant assez opaque. Surtout qu’elle est liée à l’histoire politique française et espagnole, aux groupes para-policiers d’extrême droite français, SAC gaulliens et autres, à l’ETA basque en Espagne. L’enquête devient donc extrêmement complexe. Pour en retracer les méandres, Vilner sort un livre sur l’affaire en plus de ses articles dans Libé, fortement contestés par le milieu parisien de l’information. Mais ces révélations vont jusqu’à la mise en examen de Billard.

Les questions resteront ouvertes. Sauf quand même qu’une conclusion s’impose : personne n’arrive à endiguer les flux de drogue. Lors d’auditions de Billard par la justice, il parle de 130 tonnes de cannabis importées par an. Thierry de Peretti est suffisamment honnête pour ne pas inventer ce chiffre. Qui fait froid dans le dos !

Enquête sur un scandale d’Etat

Réalisé par Thierry De Peretti

Avec Roschdy Zem, Arnaud Churin, Pio Marmaï, Valéria Bruni Tedeschi, Vincent Lindon, Julie Moulier

Photos Les Films Velvet

Commentaires

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  1. Que se passe-t-il quand on a fumé un joint ? (la résine shit (merde en anglais) étant plus forte que l’herbe dans ses effets)
    Après le plaisir de la “première fois” (si la personne a apprécié) chez certains-certaines les effets s’inversent et accentuent les sentiments dépressifs tout en générant l’envie d’en prendre pour se sentir mieux. Chez d’autres c’est une sorte d’engourdissement physique et mental qui s’installe pour un moment.
    Il y a accoutumance (même si l’arrêt peut se faire rapidement) car il y a toujours l’espoir-envie que ça rende “heureux”.
    Sur le plan physique 1 joint = 5 cigarettes (sans commentaire).
    Et puis bien sûr chaque euro donné dans ce trafic alimente le banditisme et toutes ses variantes: prostitution, vente d’armes, influences-pressions sur des dirigeants, contrebande… et donc la misère pour d’autres.

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