Les métiers de l’humain en crise

Ce 1° février a donné lieu à des manifestations dans une vingtaine de villes de la région en réponse à une mobilisation nationale des “oubliés du Ségur de la santé“. La revalorisation des salaires appliquée suite à la pandémie Covid au salariés soignants a laissé pour compte les autres personnels des services des Ehpad et autres services sociaux. Les différences de traitement induites selon les métiers ou les secteurs d’activité suscitent aujourd’hui un sentiment très fort de mépris, d’injustice et de colère chez les salariés concernés alors qu’ils ont joué un rôle fondamental tout au long de la crise.

Propos recueillis par Gérard Poitou

Une dizaine d’organismes associatifs régionaux du secteur social (dont l’Uriopss centre*) ont décidé de sensibiliser les pouvoirs publics par l’envoi d’une carte intitulée “Tout ce que je Vœux en 2022” pour une véritable prise de conscience de la crise que vit ce secteur au delà des revendications salariales. Johan Priou, directeur de l’Uriopss Centre, nous explique ici les raisons de cette crise et de cette action.

MC D’où vient cette crise des métiers de l’humain ?

Johan Priou La crise sanitaire a mis en exergue ces métiers difficiles qui sont souvent invisibles ou peu reconnus mais qui se sont révélés très utiles pour le fonctionnement même de notre société. La crise sanitaire, outre de les mettre en avant, a montré le manque de reconnaissance sur le plan social et financier. On a eu  pour les soignants des revalorisations qui ont été une très bonne chose, le problème est qu’une partie des professionnels qui ont été très actifs durant cette crise sanitaire n’ont pas été revalorisés. C’est un double message, un message financier, ce sont des métiers souvent peu rémunérés, mais c’est aussi un message d’absence de reconnaissance qui en plus crée beaucoup de confusion dans ce secteur, puisque dans une même organisation, dans un même établissement, dans un même service il peut y avoir des personnes dont les salaires ont été revalorisés dans le cadre du Ségur de la santé étendus  aux soignants et personnels médicaux dans les établissements associatifs y compris dans le cadre du handicap, mais pas les autres, notamment tous les métiers du travail social, des éducateurs.

Avec quels conséquences pour ces métiers ?

JP Il y avait déjà des tensions sur ces métiers et le fait qu’il y ait des écarts salariaux selon les secteurs conduit une partie des professionnels vers le secteur public et a quitté le secteur associatif puisqu’il y a des différences sur la feuille de paye qui peuvent être substantielles. Cet écart entre les professionnels crée aussi des tensions en terme de climat social .que les associations doivent gérer, avec une tension forte sur les recrutements et une désorganisation du climat puisque une partie des professionnels se sentent floués.

Quel est l’objectif de votre mobilisation ?

JP L’objectif de cette mobilisation  est d’appeler chaque association concernée à adresser cette carte de vœux aux décideurs publics, les ministres mais aussi les décideurs en région pour attirer leur attention sur cette situation. Dans les vœux il y a le respect des droits de la personne à un accompagnement de qualité, ce qui passe par une reconnaissance du secteur et par une revalorisation salariale comme un premier pas. L’objectif c’est que ce ne soit pas uniquement les unions et les fédérations qui nous nous mobilisons mais que ce soit chaque association  sur son territoire qui face passer ce message directement. C’est très important dans cette période puisque en février une conférence sociale est annoncée qui sera un temps fort au niveau national Nous espérons que le gouvernement va annoncer des décisions importantes pour faire évoluer cette situation aujourd’hui très complexe.

Quelle est l’incidence de cette situation sur l’action du secteur associatif?

JP Le positionnement des associations est d’assurer un service sur l’ensemble du territoire pour toutes les personnes quelque soit leur ressources financières, c’est un de nos objectifs majeurs et effectivement pour ces populations cette tension impacte nos capacités de recrutements donc la capacité de maintenir une qualité de services, d’accueil ou d’interventions à domicile. Aujourd’hui il y a une part importante d’interventions à domicile qui ne peut plus se faire donc il y a des personnes qui n’ont plus accès à la réponse adaptée à leur situation, et c’est vrai aussi en établissement, nous ne pouvons plus accueillir autant de personnes qu’avant. C’est donc notre capacité à répondre aux besoins et de le faire avec la qualité satisfaisante qui est remise en cause.
C’est une inquiétude que nous voulons faire partager aux décideurs publics, les conseils départementaux, l’agence régionale de santé, l’état qui vont être eux mêmes en difficulté pour mettre en œuvre les politiques qu’ils ont décidées pour leur territoire. C’est un problème qui se pose très concrètement avec des accueils ou des soins que l’on ne peut plus réaliser dans une région déjà en tension par la pénurie de soignants que cette tension aggrave. Et si l’on se réfère aux Ehpad “privés commerciaux”, nous avons des coûts d’hébergement qui sont sensiblement plus bas et nous accueillons des populations aux ressources moins importantes, nous permettons aux personnes les moins aisées de trouver les services d’une Ehpad ou d’une aide à domicile.

Le secteur associatif  a un rôle particulier dans ce secteur social ?

JP C’est un enjeu de faire reconnaître la place du secteur associatif, valoriser les associations comme des acteurs importants sur le territoire c’est comprendre que derrière les associations il n’y a pas d’actionnaires, mais surtout des professionnels et des bénévoles qui sont impliqués dans la vie de leur quartier de leur territoire. Ces personnes font  le lien avec les difficultés du territoire, la connaissance des personnes et trouvent des réponses adaptées . Cet ancrage local est souvent méconnu et sous estimé, c’est pourtant l’essence même de ce que peut apporter le secteur associatif . Nous répondons à des besoins sociaux pour des personnes vulnérables et l’on a vu  les dérives lorsque l’on est mu par d’autre logique comme celle de la rentabilité.

*L’uriopss centre regroupe des organismes privés à but non lucratif, principalement des associations mais aussi des fondations, des congrégations, des organismes mutualistes qui interviennent dans le champ social, médico social et de la santé. Ces structures interviennent dans la gestion d’établissements et de services pour personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes en grande difficulté notamment dans le cadre de la protection de l’enfance, pour des personnes en grande précarité sociale ou pour des malades chroniques .

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