Magcentre a interrogé Halidou Nombre, jeune baryton de 32 ans qui interprète le rôle de Golaud dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, présenté ce mardi au théâtre d’Orléans, opéra proposé par la Scène nationale. Il nous confie avec chaleur et intelligence l’état d’esprit de cette nouvelle génération qui renouvelle l’opéra depuis quelques temps en s’emparant avec bonheur de tous les répertoires possibles.
Propos recueillis par Bernard Cassat
Halidou Nombre, baryton, tient le rôle de Golaud dans Pelléas. Photo Christophe Forey.
Magcentre: Comment on travaille un gros morceau comme Pelléas et Mélisande ?
Halidou Nombre : C’est un opéra conséquent du point de vue de son style, mais aussi mon rôle est difficile dans le répertoire français… Enorme travail de préparation en amont. Chacun a ses propres méthodes. Personnellement, je commence par lire et apprendre les textes. Surtout qu’ici, il y a à la base une pièce de théatre. Travailler le texte permet de voir directement les différents caractères, les différentes intentions. A partir du moment ou je suis familier du texte, je rajoute l’apprentissage de la musique, des notes, du chant. Et là, c’est un peu plus facile : la musique va nous indiquer les directions vers lesquelles nous porter. Ensuite, quand on a fait ce travail là, la mémorisation vient presque naturellement parce que, avec la musique et les mots, on trouve un rythme qui s’apprend assez facilement. Ce travail personnel a duré à peu près deux mois. Mais j’avais déjà travaillé ce rôle quand j’étais au conservatoire, donc j’avais déjà été encadré pour l’apprentissage. Le conservatoire est extrêmement bénéfique pour cela : on apprend des rôles qui vont pouvoir nous servir des années après. On a chacun un répertoire.
Une véritable direction de comédiens
HN Après, il y a le travail avec les autres, et surtout avec les metteurs en scène. Ils sont les véritables chefs d’orchestre du travail. Une cession de travail, c’est tous ensemble autour du piano. Le chef d’orchestre va nous indiquer quelle l’intention il veut entendre, on débroussaille chaque partie, chaque morceau. Ensuite vient la mise en scène. On a une véritable direction de comédiens sur scène pour pouvoir interpréter cette œuvre. Et comme ça vient d’une pièce de théâtre, et je crois que c’est l’un des seuls opéras qui conservent quasi à la virgule près le texte de la pièce, on a mis vraiment en avant le coté théâtral. Par rapport à d’autres opéras que j’ai pu chanter, l’accent est vraiment mis sur le jeu de comédien, comme si on jouait la pièce de théâtre, sauf qu’on la chante. Mais d’un point de vue diction, d’un point de vue compréhension, on doit retrouver les mêmes qualités qu’un comédien sur scène.
Dans notre formation au conservatoire, on travaille cet aspect de comédien du chanteur. Et ça a de plus en plus d’importance depuis quelques temps. L’image d’Epinal du chanteur d’opéra au milieu de la scène qui chante sans bouger, ce n’est plus du tout ce qui est recherché par les jeunes chanteurs comme par le public. Donc on a des cours d’art lyrique, où on monte des opéras et on les joue sur scène.
Cet opéra, avec juste un piano ? C’est rare. Déroutant ?
HN Il y a un coté très intimiste, on a l’impression d’être dans un salon à faire la conversation avec les autres. Et pour les spectateurs aussi, je pense. Mais on a l’habitude. Pour une production d’opéra classique, on travaille beaucoup avec le piano seul. Les répétitions avec orchestre arrivent tard. Donc ici, travailler avec le piano n’était pas déroutant. C’est beaucoup plus facile, plus léger. Et cet aspect n’était pas gênant.
Pendant les répétitions à l’abbaye de Royaumont. Photo ligne13.com
Debussy part d’une pièce symbolique, mystérieuse. Sa musique l’est aussi ?
HN La musique installe dès le début ces caractères. Après, il y a un choix fait par les metteurs en scène de ne pas résumer l’opéra à cela. Au contraire, un coté très concret et presque quotidien. On est dans une situation que chacun pourrait vivre, comme un fait divers qui se serait réellement passé, avec beaucoup de passions humaines.
Cette forme d’opéra léger, joué dans des endroits ou l’opéra n’est pas habituel, surtout par une équipe aussi jeune, a-t-elle un avenir ?
HN Oui, on a entre 25 et 35 ans. C’est très stimulant. On est un peu les fers de lance qui font découvrir ce répertoire à un public qui n’a pas forcément l’habitude de cela. Et même si la pièce a plus d’un siècle, il y a un coté très innovant. Cette forme est nouvelle aujourd’hui, mais va se développer. Ça a un rapport à l’actualité, où le covid nous a limités. C’est plus facile d’avoir un piano qu’un orchestre. Mais c’est aussi une adaptation à notre époque. Et c’est plus complet qu’un opéra version concert, parce qu’il y a le jeu de scène, les décors, les costumes. D’autant plus que là, Debussy lui même a écrit une version avec piano seul. Donc il n’y a pas adaptation. Chaque note du piano a été pensée par le compositeur comme étant partie prenante de la dramaturgie.
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Pelléas et Mélisande
Fondation Royaumont
Mise en scène Moshe Leiser, Patrice Caurier
Interprétation Jean-Christophe Lanièce, Marthe Davost, Halidou Nombre, Cyril Costanzo, Marie-Andrée Bouchard Lesieur, Cécile Madelin, Martin Surot
Assistanat à la mise en scène Arthur Hauvette
Préparation musicale Jean-Paul Pruna, Martin Surot
Création lumière Christophe Forey
Mardi 18 janvier 20h30 − Salle Barrault
Tarifs de 5€ à 25€
Durée 2h30 avec entracte
Scène nationale d’Orléans