« Laisser les industriels fabriquer des produits de merde, c’est une pente dangereuse pour notre civilisation », Richard Ramos

Sous prétexte de défendre le pouvoir d’achat des Français, l’enseigne des supermarchés Leclerc a annoncé le 12 janvier dernier le gel du prix de la baguette à 29 centimes. Un slogan qui n’a pas manqué de provoquer un tollé tant auprès des professionnels de la filière du pain que des politiques. Richard Ramos, député de la 6e circonscription du Loiret et fervent défenseur du bien-manger, s’insurge et nous parle sans concession de la responsabilité des politiques et des industriels.

Propos recueillis par Elodie Cerqueira

Richard Ramos, député de la 6e circonscription du Loiret. Photo Magcentre

Le slogan de la baguette à 0,29 centimes vous fait bondir. Vous dites que « Michel-Edouard Leclerc distille un poison lent ». Pouvez-vous nous expliquer ?

Richard Ramos : Depuis la création de ses magasins, Leclerc construit patiemment l’idée que bien manger c’est manger pas cher, en touchant aux symboles alimentaires des Français tels que la baguette, le camembert, le vin… Il inocule ce poison qui consiste à faire croire que bien acheter c’est acheter pas cher. Un poison mortifère qui à la fin revient à étrangler les paysans dans les box de négociations. Ce qui me gêne le plus dans cette affaire, c’est que Michel-Edouard Leclerc nous dit : « Vous êtes des bourgeois et vous avez les moyens de vous payer une baguette avec des qualités gustatives et nutritionnelles supérieures. Nous, heureusement, nous sommes là pour que les plus pauvres puissent avoir accès à une baguette pas chère. » Sa logique est donc de pousser les pauvres à mal bouffer, plutôt qu’obliger les politiques que nous sommes à donner les moyens économiques aux pauvres de manger correctement. Nous avons une responsabilité parce que nous ne sommes pas capables de créer suffisamment de richesse pour les plus humbles, pour qu’ils aient accès à une alimentation plus saine, sûre et durable.

Parce qu’une famille qui s’enrichirait changerait forcément ses habitudes alimentaires ?

R.R : Je pense que certaines peuvent le faire, mais j’ai le devoir de leur proposer le choix, de les emmener vers un autre chemin, après chacun prend ses responsabilités. Mais l’idée que bien manger c’est manger pas cher et laisser les industriels fabriquer des produits de merde, c’est une pente dangereuse pour notre civilisation. Les industriels sont des faiseurs de fric mais si le consommateur s’oriente vers des produits plus qualitatifs, les industriels devront s’adapter.

Que proposez-vous ?

R.R. : Je souhaite qu’on encadre le prix sur les produits de base des Français. Il y a eu des propositions, je fais partie de ceux qui les ont soutenues. J’ai défendu dans l’hémicycle la loi EGalim 1 qui interdit de vendre un produit en-dessous du seuil de revente à perte. C’était un premier pas mais pour vendre à prix coûtant, l’industrie saigne encore plus les paysans  ! Et je vais écrire ce jour au ministre de l’Economie Bruno Le Maire et lui demander qu’on encadre le prix des produits de première nécessité aussi bien en plancher qu’en plafond. Si du jour au lendemain on a été capables d’encadrer le prix des masques et du gel hydroalcoolique on peut encadrer les prix des produits de première nécessité dont la baguette de pain.

Vous dites que la barrière entre les partis politiques doit tomber par la pression du consommateur qui doit devenir un « consommacteur »…

R.R. : Oui. Depuis 40 ans c’est la fourche qui détermine la fourchette, aujourd’hui il faut que la fourchette détermine la fourche et la fourchette c’est le « consommacteur », parce que la carte bleue est plus puissante que le bulletin de vote. Les politiques devront agir dans ce sens-là. Là on est à quelques semaines de la présidentielle il n’y aura pas d’accord interpartis, tout va être conflictuel. Mais j’ai soutenu Ugo Bernalicis de La France Insoumise le 5 janvier dernier, en Commission des affaires économiques, qui a proposé une loi permettant de bloquer certains prix de produits de la vie courante et j’étais le seul dans la majorité présidentielle mais je m’en fiche !

Vous ne vous prenez pas des coups sur la tête ?

R.R : Si. Je suis convoqué régulièrement, on me dit de me taire. Je suis un mouton noir dans cette majorité mais ça m’est égal. En réalité, c’est exactement le même combat que celui que je mène contre les sels nitrités. Mardi prochain, le 18 janvier, je poserai une question au gouvernement sur les sels nitrités et sur les pauvres, pour lesquels je ne veux pas qu’il y ait deux alimentations. Une accessible aux plus riches et celle avec du jambon aux sels nitrités, qui parce qu’il coûterait deux centimes de moins par tranche, pousse les plus pauvres vers ce choix au risque de les faire crever ! J’ai démontré avec feu le professeur Axel Kahn que le sel nitrité tuait les Français, le risque de cancer colorectal est avéré !

Pourquoi ce combat n’est-il pas mené par tous les politiques ?

R.R. : Il y a d’abord un manque de courage des politiques face au lobbies et notre pays est gangréné par les lobbies. Ensuite, les têtes d’œuf de Bercy ont décidé qu’il fallait contenir l’inflation et donc essayer de maintenir les prix le plus bas possible ceci sur le dos de la santé publique et surtout des plus pauvres. On a un souci technique sur l’encadrement des prix et ce n’est vraiment pas une excuse, je combats cela à Bruxelles. Et quand on me dit qu’on ne peut pas le faire je réponds que c’est entièrement faux.

Aucun combat n’est vain tant qu’il est mené ?

R.R. : C’est exactement ça ! C’est ce que je me tue à défendre. Il y a des combats qui arrivent trop tôt donc il faut les remettre sur la table car quand la cause est juste elle finit toujours par l’emporter.

Commentaires

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  1. ce serait encore mieux si l’on avait pas l’impression que ce monsieur s’occupe assez de son ego.
    mais ce faisant il s’occupe un peu de nous, ce qui n’est déjà pas si mal, tandis que tant de ses confrères s’occupe d’eux à temps plein !

  2. Laisser les consommateurs les acheter est encore pire. Ne vous trompez pas de cible, si les gens les achètent c’est parce qu’on leur met dans la tête que ces produits sont sains et pas cher : what about the nutriscore ? Que serait la vie sans Leclerc …?)

  3. “Celui qui dit la vérité ,il doit être exécuté : Guy Béard”
    Non ! Tout les politiques ne sont pas des faux-cul
    peureux de perdre leur statut d’élu ,j’en connais au moins un.

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