Dans ses dernières recommandations, destinées aux professionnels de santé mais également à la population, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) brouille les cartes concernant l’usage de la cigarette électronique plébiscitée par de très nombreux fumeurs désirant arrêter leur tabagisme.
Par Jean-Paul Briand
Dans un avis publié le 4 janvier dernier, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) préfère dissuader les professionnels de santé de conseiller à leurs patients d’utiliser la cigarette électronique (e-cigarette) comme outil de sevrage tabagique. Or, en 2016, ce même HCSP recommandait « d’informer, sans en faire publicité, les professionnels de santé et les fumeurs que la cigarette électronique est une aide à l’arrêt du tabac et un mode de réduction des risques du tabac en usage exclusif ».
Les investigateurs du HCSP expliquent ce surprenant revirement par l’insuffisance des données, dans les études qu’ils ont consultées, démontrant un rapport bénéfice-risque en faveur de la cigarette électronique. Les experts du HCSP ne veulent pas prendre le risque de recommander aux professionnels les systèmes électroniques de délivrance de la nicotine (SEDEN), dans le sevrage tabagique, sans preuves scientifiques irréfutables de leur efficacité.
Plus étonnant et déconcertant, dans la partie dédiée à la population générale, il est écrit dans ce denier avis du HCSP que « pour les fumeurs ayant envie d’arrêter, la consommation d’e-cigarette est un outil de réduction des risques lorsqu’il amène au sevrage ». Ces deux position antagonistes et contradictoires du HCSP sont le signe que la réduction des risques n’est pas encore entrée dans la stratégie de lutte contre le danger mortel du tabagisme. Ce tabac qui tue prématurément un fumeur régulier sur deux alors qu’aucune des études analysées par le HCSP ne démontre une nocivité du vapotage.
Consommation de tabac parmi les adultes en 2020 : résultats du baromètre de Santé Publique France
La prévalence du tabagisme a diminué en France ces dernières années, avec la mise en place de plans nationaux de lutte contre le tabagisme. Mais la France, comme le reste du monde, a été touchée en 2020 par une crise exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19.
En 2020, plus de trois adultes de 18-75 ans sur dix déclaraient fumer (31,8%) et un quart déclaraient fumer quotidiennement (25,5%). Pour l’ensemble de la période couverte en 2020, la prévalence du tabagisme et du tabagisme quotidien ne varie pas significativement par rapport à 2019. Cependant, entre 2019 et 2020, la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté de 29,8% à 33,3% parmi le tiers de la population dont les revenus étaient les moins élevés. Cette augmentation est essentiellement due à une hausse entre 2019 et début 2020, avant le premier confinement, une stabilisation étant notée en post-confinement. Les inégalités sociales restent ainsi très marquées en 2020, avec 15 points d’écart entre les plus bas et les plus hauts revenus.
Après une baisse du tabagisme en France métropolitaine de 2014 à 2019, la prévalence se stabilise en 2020. Dans un contexte de crise sanitaire, psychologique, économique et sociale inédite, un des enjeux est de réinstaller une tendance à la baisse, et de renforcer encore la lutte auprès des populations les plus vulnérables face au tabagisme, les inégalités sociales étant très marquées.
Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Soullier N, Gautier A, Richard JB, Nguyen-Thanh V. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(8):132-9. http://beh.sante publiquefrance.fr/beh/2021/8/2021_8_1.html