Sur France2, le procès sans appel de la médecine libérale

Sur France 2, à 21H10, ce jeudi 13 janvier, « Cash Investigation » envoie une charge au vitriol contre la médecine libérale. La première partie de l’émission est consacrée à la désertification médicale. Elle devrait particulièrement susciter l’intérêt des habitants de la région Centre-Val de Loire où sévit le plus important manque de médecins généralistes en France.

Par Jean-Paul Briand

Photo Pixabay

Comme toujours les enquêteurs de l’émission « Cash Investigation », dans ce dossier intitulé « Liberté, Santé, Inégalités », n’y vont pas par quatre chemins. Pour eux la cause des déserts médicaux est évidente : c’est le rejet constant, par les syndicats de médecins, de toute remise en cause de la liberté d’installation. La solution qui s’impose est tout aussi incontestable pour les promoteurs de l’enquête : contraindre les généralistes à visser leur plaque dans les déserts médicaux. Ce n’est peut-être pas aussi simpliste. Le remède pourrait bien être plus nuisible que le mal que l’on veut guérir.

Nombre de décideurs politiques, à gauche comme à droite, après avoir prêché la fin de la liberté d’installation, ont tous in fine rejeté cette solution. Elle est injuste vis à vis des jeunes généralistes, non responsables de la situation actuelle et qui ne doivent pas être les victimes expiatoires des erreurs du passé. Elle semble contre-productive car elle pourrait entraîner une accélération délétère de la désaffection des étudiants vis à vis de la médecine générale (le nombre de médecins spécialistes a déjà largement dépassé celui des omnipraticiens).

Afin de gagner en crédibilité, il aurait été sans doute plus loyal et constructif de poser la question de l’attractivité des territoires, de la féminisation de la profession médicale, du rejet du modèle libéral par les nouveaux généralistes, de la répartition géographique des hôpitaux chargés de la formation des médecins, etc.

Dans cette émission, coup de poing, si la dénonciation est nécessaire au débat public, les excès de sa démonstration nuisent à sa crédibilité. 

« Tout ce qui est excessif est insignifiant » (Talleyrand)

Les cinq piliers de la médecine libérale

La Charte de 1927 a posé cinq principes fondamentaux pour la médicale libérale :

  1. Le libre choix de son médecin par le patient. C’est encore une réalité mais laminée dans les territoires sans médecins et certains dépassements d’honoraires prohibitifs.
  2. La liberté de prescription du médecin. Les recommandations opposables de la Haute Autorités de Santé (HAS), les réglementations contrôlées par les Agences régionales de Santé (ARS) l’ont énormément réduite.
  3. Le secret médical. Nombre de dérogations prévu par la loi le diminue (accidents du travail, maladies contagieuses, hospitalisation sous contrainte, sévices sur mineurs ou personnes en état de faiblesse, etc).
  4. Le paiement à l’acte et la liberté tarifaire. Les tarifs conventionnels et le tiers payant les battent en brèche ainsi que le salariat, de plus en plus plébiscité par les nouvelles promotions de médecins généralistes.
  5. La liberté d’installation du médecin. Son abolition serait la solution aux déserts médicaux pour certains, mais aussi la fin de la médecine libérale…

Commentaires

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  1. Demande t’on à un enseignant, un juge , un inspecteur de police de pratiquer leur métier où ils le souhaitent ? Non! Ces métiers intrinsèquement liés à la fonction publique et aux services publics sont indispensables aux fonctionnement de la nation. Il en est de même pour la médecine, indispensable et incontournable ( on le voit avec cette pandémie) Alors il nous faut trouver une alternative à cette médecine devenue trop libérale. Citoyennes citoyens à nous de trouver des solutions et des propositions. Les politiques sont pleutres concernant cette question!

  2. De très bonnes remarques dans cet article….. D’abord sur une émission “quasi systématiquement à charge” et qui se veut dénoncer des abus (parfois justifiés) de façon trop simpliste …. comme beaucoup de médias de l’audiovisuels aujourd’hui qui se croient imbus d’un rôle de justicier !!
    Ensuite sur le fonds, les jeunes médecins ne sont pas responsables de la politique faite ces dernières décennies en matière médicale. La vraie question est pourquoi en est-on arrivé là et comment corriger cet état de fait ? Des causes: l’ordre des médecins certainement, mais aussi une politique sociale qui s’est transformée “en dû” pour la plupart de nos concitoyens, la politique toujours dirigée et trop centralisée vers les grandes métropoles quand ce n’est pas la région parisienne uniquement et certainement enfin de vrais abus: Des dépassements d’honoraires scandaleux, des passages chez le médecin inutiles, est-il normal d’aller chez son pharmacien prendre des médicaments sans aucune notion du coût que cela représente, etc…………. Vive nos médecins généralistes et vive nos médecins de “campagne” qui ont encore la passion de leur métier au service de leurs patients !!!!

  3. Quel curieux raisonnement que de considérer que corriger une injustice porte atteinte à ceux qui ne pourront plus en profiter ?
    Ceux qui la subissent devront donc la supporter à jamais .
    Celà ne laisse que peu de place au progrès .

  4. Merci pour tous ces commentaires qui m’interpellent.
    Je vais donc réagir car Magcentre « offre un espace d’expression ouvert, destiné à enrichir le débat citoyen et démocratique » :
    Aujourd’hui, j’estime que la santé (en particulier les soins de première ligne), doit devenir une fonction régalienne de l’Etat, au même titre que la diplomatie, la politique monétaire et fiscale, l’armée, la justice et la police.
    L’Etat, avec le Parlement, devrait déterminer explicitement sa politique de santé, définir clairement qui fait quoi dans le domaine sanitaire puis fixer le nombre de professionnels nécessaires. Par exemple pour 100 000 habitants choisir qu’il faut X généralistes, X pédiatres, X cardiologues, X sages-femmes, X infirmièr(e)s, etc. Ensuite, l’Etat doit attribuer les moyens exigés pour former ces professionnels et les rémunérer dignement à la hauteur de leurs études, de leurs responsabilités, de la pénibilité, etc.
    A côté de cette fonction publique des soins de proximité, il peut co-exister une pratique strictement ou partiellement libérale.
    Il faut aussi que les décideurs sortent de ce paradigme dominant et délétère qui veut que les sommes allouées à la santé soient toujours considérées comme des dépenses.

  5. Voir la réaction d’un autre médecin généraliste.
    https://threadreaderapp.com/thread/1481688345893867529.html?fbclid=IwAR1U5cj0NeLX5nV2toRz7wAzGBjGecPkr2nZ5RQG8xaw-Xfmp5vJZCs_Oqw
    L’enquête de la DREES citée par ce médecin est accessible ici :
    https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/remedier-aux-penuries-de-medecins-dans-certaines-zones
    Il y avait la place pour un débat contradictoire et argumenté.
    Hélas, Cash Investigation est un peu le France Dimanche du journalisme d’investigation.
    Reportage coup de poing, documentaire à sensations, la clarté des idées n’en sort pas gagnante.

Les commentaires pour cet article sont clos.

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