Le menu décevant de Licorice Pizza

Paul Thomas Anderson prend son temps pour réaliser ses projets mais peaufine son travail en artisan zélé. De plus, il change de thèmes, et même de style, presqu’à chaque fois. Il met toujours l’acteur, les acteurs en avant. Pour Licorice Pizza, il confie à deux très jeunes gens les rôles principaux, et de ce coté là, son pari est réussi. C’est plutôt sur le contenu de sa brillante mise en scène que le bât blesse : il ne raconte quasi rien et les longues digressions fatiguent.

Par Bernard Cassat

Alana Haim et Cooper Hoffman au début de leur rencontre.

D’un coté Alana Haim, jeune femme qui a fondé un groupe de musique rock avec ses deux sœurs, trois cd et plein de concerts à leur actif. Paul Thomas Anderson a réalisé plusieurs clips pour le groupe. C’est ainsi qu’il a connu Alana et reconnu son talent. De l’autre Cooper Hoffman, le fils de Philipp Seymour, un acteur important de la « famille » Anderson. Il l’a vu naître, et le choisit alors qu’il n’a pas encore 20 ans, pour un rôle clef dans son projet. Deux ados, donc, qui vont se chercher et se trouver dans le Los Angeles des années 70, celles de la petite enfance de Paul Thomas Anderson.

Un film d’ados dans la ville du cinéma

Cooper devient Gary à l’écran, bien sûr. Alana reste Alana. Ils ont des « gueules », dirait-on pour des acteurs plus âgés, surtout qu’Anderson a voulu les montrer tels quels, sans maquillage. Et autour d’eux naviguent beaucoup de jeunes, dont les enfants du réalisateur et leurs copains, les sœurs et même toute la famille d’Alana au cours d’un repas de shabbat. Et comme le film est une comédie hollywoodienne, quelques grosses pointures plus âgées viennent compléter cette distribution, Sean Penn et Tom Waits dans une séquence longue et artificielle de vieux acteurs alcoolisés et vantards, et Bradley Cooper dans un rôle d’insupportable agent de Barbara Streisand dans une autre longue séquence, elle aussi anecdotique dans un scénario très mince.

C’est donc un film d’acteurs, un film d’Hollywood (MGM et Universal). Les péripéties des deux ados sont assez entraînantes au début mais lassent vite. Heureusement, les deux jeunes acteurs s’en sortent bien et tiennent le film à bout de bras. Gary, tout boutonneux qu’il est, rend crédible ce lycéen qui se lance dans les affaires amoureuses, commerciales ou du spectacle. Son commerce de matelas aquatiques, trouvaille amusante de scénario, est tout de même un peu too much, surtout au milieu d’un salon destiné aux enfants… Le coup des flippers, plus loin dans le film, semble plus réaliste dans un film qui ne cherche pas à l’être, bien qu’il veuille faire revivre le Los Angeles des seventies, mais sans prétendre à une reconstitution tout en retrouvant les couleurs et l’esprit. Pour finalement seulement tenter, par des accroches multiples, de rentrer dans la catégorie du cinéma des stars. Gary Cooper en tête, ou Jack Holden, joué par Sean Penn, allusion à un film de Clint Eastwood. L’aparté d’Alana auprès d’un politique californien, Joel Wachs, beau et jeune candidat qui se révèle empétré dans une histoire homosexuelle pas du tout à l’image de ce qu’il veut donner aux électeurs, n’apporte pas vraiment de matière à réflexion.

Los Angeles, année 73. Grosses voitures et crise pétrolière.

Film d’ados pour ados ? Plutôt film d’adulte qui se prend pour un ado ! Anderson a tout de même un bagage assez lourd de films imposants, ses deux longs (assez longs!) métrages avec Daniel Day Lewis, notamment. Il n’est pas né de la dernière bobine, et son savoir-faire évident transparait à tous les plans. Mais il nous entraîne pendant deux heures et quart dans des images belles mais vides, qui racontent peu. Le montage virevoltant, en dehors de quelques beaux moments comme les retrouvailles finales, n’est qu’un écran brillant derrière lequel pas grand chose n’apparaît. A peine le plaisir du travail bien fait, tant le propos est ténu. Los Angeles en 73 avait pourtant sans doute bien autre chose à raconter.

Licorice Pizza

Scénario, réalisation : Paul Thomas Anderson

Interprétation : Alana Haim, Cooper Hoffman, Bradley Cooper, Sean Penn, Tom Waits, Benny Safdie

Directeur photo : Michael Bauman

Photos : Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. 2021. Stars Cooper Hoffman, Alana Haim

Trois avant-premières aux Carmes ce week-end

Arthur Rambo, de Laurent Cantet, samedi 8 janvier à 19h30

Little Palestine, de Abdallah Al-Khatib, dimanche 9 à 17h

Un jeune fille qui va bien, de Sandrine Kiberlain, lundi 10 à 19h30

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