C’était en février 2018, la photographe Sabine Weiss était l’invitée de son ami orléanais Michel Dubois pour une grande exposition rétrospective de son œuvre en trois lieux : la galerie le Garage, Saint Pierre le Puellier et le Poutyl à Olivet. Le succès public fut à la mesure de l’artiste, parfois moins connue que ses contemporains, mais qui sut, toujours l’œil pétillant, répondre aux questions des admirateurs souvent émus par tant d’humanité. Sabine Weiss s’est éteinte ce mardi 28 décembre à l’âge de 97 ans.
[Publié le 5 février 2018]
Contempler les photos de Sabine Weiss exposées sur trois sites de la métropole orléanaise nous plonge, au delà du pur plaisir d’admirer ces chefs d’œuvre de l’art photographique, dans une réflexion sur ce qui fait art dans une photo en des temps où la production photographique est devenue une sorte de logorrhée incontrôlée qui envahit la médiocre surface de nos écrans de tous formats.
Car non seulement ces photos de Sabine Weiss nous renvoient à un proche passé révolu, mais son art photographique même semble appartenir à un usage de l’image qui n’est plus.
Par Gérard Poitou
cl Michel Dubois
«Je n’aime que les photographies prises dans la rue»
Mais qu’est-ce qui fait art dans ces clichés ? Sans doute le hasard de ces rencontres par les nombreux voyages à travers le monde qu’effectue Sabine Weiss pendant plusieurs décennies, pas toujours pour des reportages mais parfois pour réaliser des clichés de commande lui donnant l’occasion d’explorer de nouvelles contrées. Dans ces rencontres avec l’humain, toujours avec l’humain pour ces photos exposées, il y a bien sûr un regard en quête de l’instant, une curiosité insatiable et une bienveillance indéfectible pour tout ce qui tisse nos relations au monde et aux autres: le jeu avec une place particulière pour les enfants, l’amour, le rire, le travail ou la conversation…
Mais derrière cette impression de réalisme naturel de la photo, se joue le travail de la photographe, cette nécessité qui fait de la technique un art, qui sublime la lumière en une composition d’une maîtrise parfaite: regardez la photo de l’affiche placardée partout en ville (je me refuse d’en reproduire d’autres sur mon écran par respect pour le travail de l’artiste), non seulement la posture de l’enfant comme sa vêture ne manquent pas de nous surprendre, mais la lumière de cette fin d’après midi qui allonge son ombre et le modelée ses maigres mollets sur ce fond minéral et désert illumine cet enfant qui par un facétieux regard nous invite dans son univers de jeu, dans un équilibre visuel étonnant.
Du grand art où chaque cliché est ainsi une victoire sur des moyens techniques délicats et des situations difficiles comme ces photos de crépuscule, de nuit ou de matin brumeux que la photographe maîtrise sur toutes ses prises de vues, nous subjuguant par une émotion qui envahit ces scènes d’un quotidien passé.
Une exposition où l’art photographique croise l’humanité.
cl Marie Line Bonneau
Sabine Weiss est née en Suisse en 1924, elle commence à photographier en 1932 avec un appareil photo acheté avec son argent de poche. Son père la soutient dans son choix, et elle apprend plus tard la technique photographique, de 1942 à 1946, auprès de Frédéric Boissonnas, photographe de studio à Genève.
Elle monte à Paris en 1946 et devient l’assistante de
Willy Maywald :
« Quand je suis venue à Paris, j’ai pu travailler chez Maywald à qui un ami m’avait recommandée. J’y ai travaillé dans des conditions inimaginables aujourd’hui, mais avec lui j’ai compris l’importance de la lumière naturelle. La lumière naturelle comme source d’émotion ».
En 1950, elle épouse le peintre américain Hugh Weiss (qui sera exposé au Garage en 2007) et en 1952, Robert Doisneau lui propose de rejoindre l’agence Rapho où elle rencontrera de nombreuse personnalités dont elle immortalise les visages (Stravinski, Casals, Britten, Gicometti etc… à voir à Saint Pierre le Puellier)
Dernière représentante de l’école humaniste, incarnée par Robert Doisneau, Willy Ronis, Édouard Boubat ou Brassaï, Sabine Weiss occupe une place unique au sein de la photographie française.
Pendant près de soixante ans, elle a exploré une grande variété de domaines, du reportage au portrait et de la mode à la publicité, en parallèle d’essais plus personnels. Au fil de ses multiples pérégrinations, elle a œuvré pour la presse illustrée française et internationale, avec une passion jamais démentie et une curiosité insatiable.
Elle vient de passer trois jours pour parler de son travail aux Orléanais en toute modestie.
https://sabineweissphotographe.com/
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Pour être tout à fait complet, Sabine Weiss avait également exposé au Chateau de Tours en juin 2016
Sabine Weiss, une vie derrière l’objectif