L’année politique dans le rétro : le Loiret, un invariant politique ?

La trêve des confiseurs incite au retour sur soi, au rituel bilan de fin d’année, bref détour pour mieux appréhender l’année qui vient. Au plan électoral, le millésime 2021 a été riche et annonce une cuvée 2022 forte en saveurs.

Par Pierre Allorant

Région. Le changement, ce n’était pas maintenant

Alors qu’une nouvelle fois, les lecteurs d’avenir dans les entrailles de bêtes à plumes prédisaient la chute du président François Bonneau, d’abord victime, en interne à sa majorité, de la vague verte déferlante aux municipales – comme si la place Plumereau (Tours) résumait à elle seule le territoire régional – puis de l’émergence du seul ministre en capacité de gagner un ancrage régional, Marc Fesneau, enfin de la menaçante éruption cutanée de la colère populiste, le président socialiste sortant a tranquillement été réélu. Il faut dire que son bilan très honorable, unanimement reconnu, et sa démultiplication constante dans les bassins de vie régionaux, ont trouvé des forces convergentes avec la division mortifère de la droite et du centre, dressés comme chiens de faïence – de Gien, naturellement – y compris au second tour. Enfin, comme dans les onze autres régions et en Corse, l’abstention record a dégonflé comme ballon de baudruche le vote protestataire et reconduit systématiquement, entre satisfecit et lassitude, les équipes sortantes.

Sous le fief départemental, la percée de la gauche métropolitaine

Si les élections départementales, décalées à l’instar des régionales et placées le même jour, ont connu la pareille stabilité apparente matinée d’indifférence citoyenne inquiétante, la concomitance des scrutins a peut-être masqué les évolutions perceptibles. La reconduction tranquille du très consensuel et humain UDI Marc Gaudet à la tête de l’exécutif du Loiret a été accompagnée d’une forte percée de la gauche socialiste, écologiste et communiste dans la métropole orléanaise, singulièrement à Orléans avec la reconquête des terres de l’Argonne et de Saint-Marceau. Les électeurs orléanais se seraient-ils rapidement déjugés, un an seulement après le triomphe de Serge Grouard aux municipales de juin 2020 ? Plutôt qu’une hypothétique versatilité des électeurs, on préférera voir dans ces mouvements la confirmation qu’Orléans n’est plus, depuis une décennie, un bastion inexpugnable de la droite loirétaine, des scrutins européens aux présidentielles en passant par les régionales ; le miroir grossissant des municipales ne signifiait pas un retour de la ville à sa tradition conservatrice, mais tout à la fois une sévère sanction d’une gauche « éparpillée façon puzzle », non crédible par son incapacité à se rassembler, et positivement un satisfecit personnel adressé au maire de l’embellissement du centre-ville et des quais de Loire au 21e siècle, après l’équipement de la capitale réalisé par son prédécesseur Jean-Pierre Sueur.

La métropole à qui perd gagne : un retour à la normale ?

Tout au contraire des stabilités exécutives à la région et au département, le changement de présidence à la métropole a surpris. Et pourtant, n’était-il pas dans inscrit la nature des choses politiques que la droite fasse alliance avec le centre-droit pour faire pièce à la gauche ? De plus, le retour à une présidence orléanaise, qui plus est du maire de la ville centre, entraîne une clarification des responsabilités, à l’inverse de la « chasse aux Tourangeaux » ouverte dans la métropole voisine, en une curieuse mise au pilori des élus majoritaires de Tours par les communes environnantes, ou comment « giflé n’est pas Joué » les tours dans le sac à malice de la classe politique orpheline de Jean Germain et toujours plombée par les affaires. À Orléans Métropole, l’étonnant était davantage dans l’alliance précédente, entre le carpe diem d’une gauche étonnement satisfaite d’être aux manettes bien que minoritaire en sièges, et le lapin posé par une droite divisée par les décombres circonstancielles de la joute civile entre néo-macronistes et anciens fillonistes. Les plaies municipales une fois refermées, il était logique que la recomposition se fasse avec pour ciment l’orthodoxie des lignes budgétaires – OLB en langue orléanaise. Rien de scandaleux, sauf pour ceux qui découvriraient que la seule issue pour rendre transparente la détermination des majorités et des choix stratégiques est d’aller jusqu’au bout de la logique en confiant aux électeurs la désignation directe d’une majorité à l’échelle métropolitaine. Mais cela signifierait sortir du « gouvernement des maires » qui règne aujourd’hui sur les métropoles françaises.

C’est déjà demain : 2022, le « grand remplacement » des élus loirétains ?

À 100 jours du premier tour de l’élection présidentielle, un brouillard persistant bouche la vue sur les perspectives électorales à venir. Seule certitude, le congrès de LR n’a guère favorisé les desseins des leaders loirétains, du fait des illusions perdues du Fertésien d’adoption Michel Barnier. En revanche, une victoire, pas impossible aujourd’hui, de la présidente de la région Ile-de-France en avril prochain, redonnerait des espoirs de grand chelem aux législatives à une droite déjà assurée de conserver ses bastions de l’Est du département, où seuls des candidats RN fantomatiques et l’abstention leur contestent, non la victoire, mais le triomphe. En revanche, rien n’est joué dans les trois circonscriptions de la métropole orléanaise. Dans le sillage de l’élection surprise du fringant président en marche vers son Panthéon, le mouvement naissant alors mouvant (anciens électeurs socialistes aux présidentielles, puis translation vers le centre-droit dès les législatives) avait réussi à rafler les trois sièges orléanais, et même raté de quelques dizaines de voix le grand chelem dans le Loiret.

Si beaucoup dépendra du sort du président-candidat, un nouveau raz-de-marée semble peu probable, ce qui redonne espoir aux « vieux partis » dont l’ancrage territorial est avéré. Ainsi la 2e circonscription, ancienne de Serge Grouard et d’Éric Doligé, pourrait revenir à ses habitudes électorales, alors que la 6e circonscription, la plus récente, apparaît comme la plus incertaine : le sortant Richard Ramos a su gagner en notoriété, mais sera-ce suffisant face à un candidat de gauche (Christophe Lavialle) solidement implanté à Saint-Jean-de-Braye et à Chécy, et à une candidate de droite (Chrystel de Filippi) qui a gagné en stature en tant que maire adjointe à Orléans ? Quant à la 1e, « sudiste », où la sortante Stéphanie Rist l’avait très largement emporté avec 2/3 des voix il y a cinq ans, tout dépendra à la fois des candidats challengers, mais aussi de l’évaluation des citoyens sur l’efficacité de l’action de la députée, proche de l’exécutif national et rapporteuse de la loi « Améliorer le système de soins par la confiance et la simplification », dans l’éradication du fléau quotidien le plus pesant pour les ligériens : la désertification médicale, tant dans la médecine de ville qu’à travers la « grande misère » en ressources humaines de nos hôpitaux.

« Rendre nos villes hospitalières » : une thématique centrale, plus alléchante que l’actuel débat médiatique crépusculaire et ses ratiocinations identitaires.

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