Olivier Servaire-Lorenzet « Il faut redonner du sens aux métiers de la santé »

Directeur du centre hospitalier de Blois, Olivier Servaire-Lorenzet a été élu président de la Conférence régionale de santé et de l’autonomie (CRSA) le 21 octobre dernier. Pour cette interview accordée en exclusivité pour Magcentre, il nous livre sa vision de ce que sera l’action du parlement régional de la santé pour les cinq années à venir.

Propos recueillis par Jean-Luc Vezon

Pour Olivier Servaire-Lorenzet, “la CRSA ne sera pas une chambre d’enregistrement”.
Crédit photo Jean-Luc Vezon

Magcentre.fr. Pourquoi cet engagement au sein de la CRSA ?
Olivier Servaire-Lorenzet. Directeur de centre hospitalier (1), je suis convaincu de l’importance de la démocratie sanitaire. Le CRSA est à ce titre une instance consultative essentielle pour améliorer notre système de santé. Elle associe tous les acteurs dans ses huit collèges : offreurs des services de santé, présidents de Conseils territoriaux de santé (CTS) (2), acteurs de la prévention et de l’éducation à la santé, de la cohésion et protection sociale, collectivités, partenaires sociaux, usagers, personnalités qualifiées. Ce sont eux qui font vivre notre système au quotidien. Vous savez je ne suis qu’un primus inter pares, mon ambition est de coconstruire la politique de santé avec l’Etat dans notre région à partir d’une vision commune de terrain. Nous allons donc travailler en profondeur pour améliorer le projet régional de santé qui pourra s’appuyer sur les moyens du Ségur de la santé.


Magcentre.fr. Cette instance consultative joue-t-elle réellement un rôle ? La démocratie sanitaire est-elle une réalité ?
Olivier Servaire-Lorenzet. Je le crois vraiment. Avec mes quatre vice-présidentes (Marie-Françoise Barot, commission spécialisée pour l’organisation des soins, Aude Brad, commission pour la prise en charge et l’accompagnement médico-social, Céline Leclerc, commission prévention, Dominique Beauchamps, commission usagers) qui présideront les quatre commissions spécialisées et les autres membres de la commission permanente, nous allons proposer une feuille de route à l’ARS à l’issue d’un prochain séminaire. Dans la continuité du travail de mon prédécesseur Michel Moujart, nous allons impulser une nouvelle dynamique.


Magcentre.fr. Justement sans trahir ce futur travail, quels en seront les axes ?
Olivier Servaire-Lorenzet.
Ils sont nombreux. D’abord l’accès aux soins primaires, en particulier la médecine de ville qui pose problème en région Centre Val-de-Loire avec un manque criant de médecins. Face à la gravité de la situation, il nous faudra imaginer de nouvelles organisations. Ensuite, nous travaillerons sur les parcours des personnes âgés, de plus en plus nombreuses avec le vieillissement de la population. La prise en compte des parcours des personnes handicapés et autistes me semble également devoir être améliorée. Il faudra enfin rendre plus agile la prise en charge des personnes ayant un cancer. La feuille de route devrait ainsi être prête dès le printemps prochain. Elle sera présentée à l’ARS (Agence Régionale de Santé) puis portée à la connaissance de la CRSA pour avis.
Sur le fond, je souhaite que le CRSA soit réellement une instance de débats et devienne une véritable instance de la nuance et de la contradiction. Ce fut le cas le 9 décembre sur le sujet des objectifs pluriannuels d’étudiants en santé.


Magcentre.fr. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Olivier Servaire-Lorenzet.
Elle est forte et claire et illustre notre volonté de démontrer que la CRSA ne doit pas être une chambre d’enregistrement. Nous regrettons que la décision du nombre d’étudiants par filière n’ait pas fait l’objet d’un débat collectif préalable impliquant les instances de démocratie en santé de la région et permettant de réduire l’asymétrie des informations. Si nous saluons l’ouverture prochaine d’une faculté d’odontologie, il nous semble que les propositions faites ne permettent pas de répondre aux besoins de santé de la population ; il faut un électrochoc sur ce sujet !

Magcentre.fr. C’est-à-dire …
Olivier Servaire-Lorenzet.
La baisse de la démographie médicale associée au choc du vieillissement impose un plan d’action rapide, offensif et sans parti-pris. Il faut engager en urgence une stratégie collective et concertée ambitieuse pour notre région permettant d’augmenter de manière plus significative le nombre de futurs professionnels de santé formés, de maintenir la qualité de la formation, d’assurer leur installation dans tous les territoires régionaux et de favoriser leur organisation. Le renforcement de l’attractivité des territoires est multifactoriel.

Magcentre.fr. Qu’en-est-il du cadre réglementaire ?
Olivier Servaire-Lorenzet.
Le gouvernement doit le faire évoluer sur différents points par exemple la généralisation du statut de maître de stage universitaire aux différentes filières de formation et la cohérence pour certaines d’entre-elles (médecine, pharmacie) entre le nombre d’étudiants en santé entrant en formation et le nombre de postes d’internes disponibles après le 2e cycle de formation. Enfin, la CRSA demande que le nombre d’internes en médecine en région Centre Val-de-Loire soit fixé à 300 dès 2022. Il n’est pas normal que notre région ait aujourd’hui moins d’étudiants que la Bourgogne-Franche-Comté qui compte deux facultés !

Magcentre.fr. Le volet investissement du Ségur de la Santé a été présenté à Blois le 28 octobre dernier, qu’en attendez-vous ?
Olivier Servaire-Lorenzet. C’est une réelle avancée sur le plan des investissements en faveur de l’offre de soins ou des Ephad, des moyens financiers pour le personnel et de la démocratie sanitaire. La CRSA va naturellement suivre ce programme gouvernemental. Mais tout n’est pas une question d’argent. Il y a d’autres dimensions comme la qualité de vie au travail, les exercices regroupés ou le cœur de métier. Il faut surtout redonner du sens à nos métiers de la santé qui sont essentiels dans notre société. Remettons-y de l’agilité et de l’humain. Sortons du matérialisme pour trouver des solutions innovantes. Il faut en finir avec le conservatisme intellectuel et le carcan technocratique. Vous pouvez compter sur la CRSA pour aider à penser et agir différemment, pour faire évoluer nos pratiques et faire passer les messages du terrain.

(1) Olivier Servaire-Lorenzet est directeur du CH Simone Veil de Blois. ll est le seul directeur d’hôpital à présider un CRSA.
(2) Le conseil territorial de santé est une instance territoriale qui a vocation à participer à la déclinaison du projet régional de santé et en particulier à l’organisation des parcours de santé en lien avec les professionnels du territoire. Olivier Servaire-Lorenzet est président du CTS 41 et a créé la conférence régionale des CTS.

Commentaires

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  1. Exposé très clair et porteur d’espoirs pour les métiers de la Santé en Région CVL.
    J’ai aussi beaucoup apprécié les questions – systématiquement “ouvertes” – de Jean-Luc Vezon. Voilà qui nous change de beaucoup d’autres !

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