Hommage à Françoise Delord, l’infatigable amoureuse des animaux

Le 3 décembre dernier, quelques jours après le baptême des pandas nés à Beauval, s’éteignait la fondatrice de ce zoo  devenu au fil du temps et par une passion acharnée l’un des plus beaux et des plus admirés au monde. En hommage Françoise Delord, qui de Bobino à Beauval réalisa le projet fou de ce zoo avec la passion d’une femme hors du commun, nous publions le portrait qu’en fit à l’été 2015, Christian Bidault, le fondateur de Magcentre.

Françoise Delord, de Bobino à Beauval

“Gare au gorille!” chantait Georges Brassens qu’elle présentait alors à Bobino. Cinquante ans plus tard, on vient de très loin voir ses orangs-outans. Son zoo de Beauval (Loir-et-Cher) est devenu le premier de France et l’un des premiers sites touristiques de la région Centre-Val de Loire. Comédienne, chanteuse, présentatrice de variétés, Françoise Delord a préféré les animaux et la nature, aux requins du show-biz et à Paris. Portrait d’une figure de Loire dont la vie est un roman.

Par Christian Bidault

Françoise Delord, Beauval

Françoise Delord, Beauval

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… Non Charles Aznavour, est un des rares monstres sacrés de la chanson française des années 60 qu’elle n’a pas connu. “Je changeais de robe à chaque annonce” raconte-t-elle, du temps où on l’appelait “Mlle Bobino”, qui était le music-hall de la rive gauche (Montparnasse). C’était une jolie fleur mais pas dans une peau de vache. De grands yeux noirs, une silhouette moulée dans des robes au dessus du genou, et une grande choucroute de cheveux à la Vartan, celle de la “Panne d’essence”, Françoise Doucet, joli brin de femme, jouait les speakerines comme à la télé… Dario Moreno, Barbara, Eddy Mitchell, Léo Ferré, et puis Brel, le grand Jacques dont elle buvait les chansons, assise au premier rang. De tous, c’est Georges Brassens dont elle garde les plus beaux souvenirs. “Un homme bien, d’une gentillesse…”. Sachant qu’elle emménageait, il lui a offert une scie circulaire, un jour d’anniversaire. Et puis, privilège suprême, cette lettre signée du chanteur-poète, bien léchée, comme il savait les faire et qu’elle a reproduite dans le livre de sa vie.

Je n’étais pas faite pour être comédienne”

Françoise Delord, Beauval

A la rencontre des visiteurs

Petite, Françoise Doucet rêvait de brûler les planches. Elevée seule par une maman institutrice près de Montargis (Loiret), la future patronne de Beauval fit ses humanités au lycée Jeanne d’Arc à Orléans. Très vite, elle brûla surtout les étapes et s’inscrit au conservatoire national d’art dramatique. Elle rêve de jouer Phèdre et Andromaque. “J’étais trop douce, trop coquette” dit-elle. “En fait je n’étais pas faite pour être comédienne” avoue-t-elle mais elle ajoute aussitôt, “je ne regrette rien”. A l’apprentie comédienne fauchée qui vit à Paris dans une chambre de bonne, c’est le comédien Robert Manuel qui propose, comme “petit boulot”, d’aller présenter le spectacle de rentrée à Bobino et de passer les plats, pour les Darras, Lanoux, Richard, Noiret…“J’avais un contrat de trois semaines”, elle y restera six ans.

Avant de se transformer d’un coup de baguette magique en créatrice de volière, Françoise, très fleur bleue, épousa un copain de scène, Jacques Delord, un magicien. Elle le fit disparaître assez vite de sa vie mais c’est grâce à sa belle famille qu’elle choisit Beauval, un lieudit de Saint-Aignan-sur-Cher. “Ils habitaient à Tours et voulaient voir leurs petits enfants”. Aujourd’hui Delphine et Rodolphe font tourner cette entreprise familiale parce qu’un jour elle fit cadeau d’un couple de “becs d’argent”, des oiseaux africains, à sa fille Delphine, trois ans, et qu’elle acheta ensuite quai de la Mégisserie, des diamants mandarins “Daphné et Chloé”. Dès lors, Mme Delord attrape la fièvre acheteuse d’animaux qu’elle adore tous.

Françoise Delord, Beauval

Pause à la volière

“A l’époque on me traitait de folle”

A partir de 300 pensionnaires à plumes, Françoise se voit contrainte d’ouvrir en 1980, le parc de Beauval. “A l’époque on me traitait de folle” raconte Françoise Delord qui recevait elle-même les visiteurs et faisait la caisse sur une boite en plastique. “Ce qui nous a sauvé c’est de n’avoir pas fait d’école de commerce”. Claude Caillé, le patron du zoo de la Palmyre lui dit un jour, “mets deux singes et deux trois fauves” et appelle ça un zoo, sinon tu ne tiendras pas”. De tigre blanc en gorille et en panda, Beauval abrite maintenant dans un parc boisé, plus de 600 espèces vues par près d’un million de visiteurs chaque année. Référence parmi les zoos mondiaux, notamment pour la protection des espèces menacées, Beauval, fêtera en septembre ses 35 ans.

Françoise Delord, Beauval

Françoise Delord avec Babrak sa hyène favorite

Au cœur du zoo, Françoise Delord vous emmène en voiture électrique voir Babrak sa hyène favorite qui lui fait des mamours à travers la vitre. Là, vous mesurez, incrédule, l’incroyable popularité de Mme Delord. Plus connue que le …tigre blanc, élégante, un peu mystérieuse derrière ses lunettes carrées noires, vue maintes fois à la télé, elle reçoit émue les compliments sincères des visiteurs: “il est magnifique votre zoo, Madame, je viens tous les ans”. Des fleurs, comme des applaudissements sur une scène de music hall. Françoise Delord n’était sans doute pas une bête de scène. Mais ses mises en scène des bêtes ont tourné au récital.

 

Commentaires

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  1. Merci beaucoup d’avoir publié cet article de Christian Bidault où l’on retrouve avec plaisir son art de l’écriture et son humour.

  2. Habillé à la manière de l’inspecteur Colombo, sans cravate, ni surtout de nœud papillon, baroudeur régional et même international, Christian Bidault, regretté de ses amis et de ses pairs, sans oublier SES familles, nous manque beaucoup. Merci de le faire revivre quelquefois. Il n’avait pas qu’une belle plume, acérée certes quand il le fallait. Il avait du panache et de la prestance, en aristocrate populaire et gouailleur…, mi-Gabin, mi-Gainsbourg, et en même temps poète ou troubadour des temps modernes, trouvère des XX et XXIèmes siècles.

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