Nouvelle-Calédonie : pour un destin commun, il faut être deux !

Pour nos lecteurs qui avaient suivi notre conférence sur le destin de la Nouvelle Calédonie que Magcentre avait organisé à l’Hotel Dupanloup en octobre 2018, intitulée “Nouvelle Calédonie, l’impossible réconciliation”, Philippe Voisin ancien Journaliste de France3 à Nouméa revient sur le scrutin de dimanche qui a vu la victoire des anti-indépendantistes dans le référendum calédonien.

Par Philippe Voisin

Centre culturel Tjibaou

Voilà, c’est fait. La Nouvelle-Calédonie a rejeté pour la troisième fois l’indépendance. Avec 96,49% de non, le président de la République savoure avec « respect et humilité … un résultat qui rend la France plus belle » ! Mais avec 56% d’abstention, c’est une étrange impression de gâchis qui résulte de ce troisième référendum calédonien. Voire une faute politique.

L’État français, garant de l’exécution des accords de Nouméa qui ont conduits à l’organisation de ce processus d’autodétermination, n’a pas tenu compte des appels au report du vote. Les indépendantistes ont boycotté avec discipline le scrutin. Certains bureaux de vote du Nord sont restés vides. Ce geste politique fort renforce les autorités coutumières Kanak qui ont porté ce mot d’ordre avec détermination.

Dans sa lettre aux français, François Mitterrand écrivait en 1988 :« Les deux communautés face à face n’ont aucune chance d’imposer durablement leur loi, sans l’autre et contre l’autre ». Emmanuel Macron n’a pas écouté le vieux chef deux fois élu.

Comment légitimer politiquement un scrutin qui a concerné la moitié du corps électoral ?

Ce chemin de paix patiemment respecté depuis trente ans par toutes les parties semble réellement menacé. Il était pourtant si nécessaire de sortir par le haut de ces accords, c’est-à-dire avec un taux de participation équivalent aux précédentes consultations (81,01% en 2018 et 85,69% en 2020).

Comme le souligne Alain Christnacht, ancien haussaire en Nouvelle-Calédonie, c’est un arsenal juridique sans précédent que la France organise depuis 33 ans pour résoudre la question calédonienne. « Un référendum national, cinq consultations dans l’archipel, deux lois constitutionnelles sur ce sujet. Il est probable que la liste n’est pas close. Un référendum de projet est annoncé. Il n’est pas exclu qu’il doive être précédé d’une nouvelle révision constitutionnelle. » Tout ça devient fragilisé par un exécutif pragmatique qui reste sourd à la parole Kanak. Ne pas reporter le scrutin, c’est prendre le risque d’une rupture du projet d’avenir commun.

Il est illusoire d’imaginer que des discussions vont s’ouvrir demain pour s’engager sur le chemin d’une solution politique. La mission que le chef de l’Etat a confié à son ministre de l’Outremer fragilisé par la crise aux Antilles s’annonce délicate. Les partisans de l’Indépendance refusent le dialogue avec un gouvernement dont la neutralité est douteuse, avec un président engagé dans une campagne présidentielle risquée, qui n’a pas hésité à sacrifier les enjeux calédoniens dans le calendrier métropolitain.

Et en même temps, les loyalistes vainqueurs espèrent « qu’en dépit de leur non-participation et de quelques déclarations malheureuses, les indépendantistes avec lesquels nous travaillons depuis tant d’années au sein des institutions, seront en responsabilité avec nous, à nos côtés, pour dessiner cette nouvelle communauté de destin calédonienne. » Mais pour un destin commun, il faut être deux !

Sur la scène internationale, l’image de la France ne sort pas grandie de cet épisode. Comment peut-on justifier devant les Nations du monde un processus de décolonisation sans la participation du peuple premier ? L’Australie et la Nouvelle-Zélande surveillent avec attention tout facteur de déstabilisation de la zone Pacifique. La Chine qui place ses pions aux Iles Salomon et au Vanuatu est à l’affût.

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