Histoire : Les Procès Politiques en colloque à Orléans

À l’occasion du colloque Procès politiques : tremplin ou tribune pour l’opposition, de nombreux intervenants, historiens et spécialistes du droit en France sont venus présentés leurs divers travaux sur les thèmes abordés durant cet évènement. C’est dans la salle Jean Zay, salle d’audience de la première chambre civile du tribunal judiciaire d’Orléans, qu’ont eu lieu les conférences des 26 et 27 novembre derniers.

Le colloque Procès politiques : tremplin ou tribune pour l’opposition s’est tenu à la salle Jean Zay, les 26 et 27 novembre 2021. Photo Antoine Lebrault

Trois jours durant, diverses thématiques ont été débattues, dont la médiatisation des procès et l’émergence des oppositions au XIXe siècle, mais aussi sur la situation des accusés appelés à la barre, sur les lieux de mémoire fondamentaux. Alors, comment définir ce colloque ? Quelle définition donner à celui-ci ?

Pierre Allorant, universitaire, historien du droit et politologue à su répondre à cette question lors du colloque : « L’Etat met en accusation ces opposants, et l’on se penche sur comment les accusés peuvent retourner les accusations portées contre eux. Ainsi, les présumés coupables vont l’utiliser comme tribune médiatique ou comme tremplin pour structurer l’opposition et renverser le procès à leur avantage, devant les vrais juges, à savoir l’opinion publique. »

Les femmes condamnées à mort pour collaboration à la Libération

Parmi ces nombreuses conférences, nous pouvons noter celles abordant les femmes condamnées à mort en France à la Libération pour faits de collaboration, introduit par Fabien Lostec, Docteur en histoire contemporaine et chargé d’enseignement à l’Université de Rennes 2.

Pour se pencher sur le sujet, l’historien s’est basé sur un corpus de sources de 200 femmes, présentant des actes collaborationnistes auprès de l’occupant. Ces femmes, aux destins et aux profils vraisemblablement différents, sont toutes accusées d’adhésion à l’ennemi. On connaît bien le symbole de la femme tondue, celle qui avait collaboré avec l’opposant durant la seconde Guerre Mondiale.

Alors, quelles sont les motivations de ces femmes ? Une grande majorité de celles-ci sont jeunes et naïves. Elles ont moins de trente ans et ont collaboré dans la cadre d’une histoire amoureuse avec un officier allemand. Les professions les plus fréquentes sont celles de femmes de ménage, serveuses et secrétaires administratives. Un faible pourcentage de politisation directe est à noter.

Lors de leurs procès, les tribunaux sont fortement influencés par l’opinion publique. Les audiences sont publiques et la foule qui s’y déplace à soif de vengeance. Deux types de femmes vont se dégager de ces procès politiques. Nous avons les femmes qui ont complètement abandonner la collaboration. Elles espèrent échapper à l’épuration pour avoir une seconde chance de suivre un bon code. Elles vont solliciter des remises de peine pour se réinsérer dans la société, par le biais de recours gracieux par exemple.

Les autres femmes ont de pures convictions politiques et sont encore participantes. Celles-ci vont fuir le territoire français. Elles choisissent l’Amérique du Sud pour échapper à l’épuration. Les remises de peine vont susciter l’indignation et la colère de la résistance et de l’espace public, à la fin des années 1940, car la multiplication de ces remises vont coïncider avec l’entrée en Guerre Froide. Les collaboratrices ont bien existé, les voies de recours étaient nombreuses, malgré l’opinion publique qui ne plaidait pas en leur faveur.

Louis Ferdinand Céline face à ses juges

Le colloque s’est poursuivi avec une intervention de Anne Simonin, directrice de recherche au CNRS et spécialiste d’histoire culturelle, sur le procès politique et très médiatisé de l’auteur français Louis Ferdinand Céline, dit Céline. L’auteur, perpétuellement jugé pour son antisémitisme à travers divers pamphlets, a la particularité de n’avoir jamais rencontré ses juges. En effet, à travers plusieurs œuvres dont Bagatelles pour un massacre (1937), L’École des cadavres (1938) ou encore Les beaux draps (1941), l’écrivain fait l’apologie de l’antisémitisme et confie même dans une lettre adressée au docteur Walter Strauss : « Je viens de publier un livre abominablement antisémite. Je vous l’envoie. Je suis l’ennemi numéro 1 des juifs ». Se vantant d’une telle infamie, Céline craint pour sa vie après le débarquement de 1944 et décide donc de fuir la France le 17 Juin.

Il sera emprisonné au Danemark entre 1945 et 1947 et la France n’obtiendra pas son extradition sur le territoire.
Pour son procès politique en France, Céline est entouré de deux avocats, mais la personne qui assura sa défense, c’est bien l’auteur lui même. Il organise sa propre stratégie de défense. Entre l’écriture de ses mémoires de défense et de longues lettres d’une vingtaine de pages à l’encre bleue qu’il adresse à ses juges, Céline tient une communication directe avec la justice.

Son objectif est clair, contrôler le spectacle judiciaire, jouer de l’irresponsabilité et de l’ignorance. Le 21 février 1950, l’écrivain est condamné par contumace par la chambre civique de la cour de justice de Paris pour collaboration avec l’Allemagne nazie, à une année d’emprisonnement ferme, à l’indignité nationale à vie, à la confiscation de la moitié de ses biens et 50 000 francs d’amende. C’est finalement grâce aux requêtes de son avocat, Maître Tixier-Vignancour que le tribunal militaire tranche et décide que la Loi du 16 août 1947 peut s’appliquer au cas de Céline, médaillé militaire, croix de guerre 1914-1918.

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