Festival Récidive : Adults in The Room, un prix Jean Zay historique et politique

Costa Gavras est venu chercher son prix, décerné par le Festival, sur la scène du théâtre d’Orléans. Très ému par l’association de son travail à celui de Jean Zay, il a dit quelques mots sur le film qui raconte le naufrage de son pays d’origine maintenu sous l’eau par une Europe déshumanisée. Sorti en 2019, au début de la pandémie, il mérite une deuxième vie dans les salles.

Par Bernard Cassat

Fin 2014, la Grèce est au bord du gouffre économique. Des élections font accéder au pouvoir Alexis Tsipras et son parti Syrisa, des hommes d’une gauche jeune, convaincue et authentique. Il nomme Yanis Varoufakis au poste de ministre de l’économie. Celui-ci va se trouver pris dans un bras de fer sanglant avec l’Union Européenne, qui force la Grèce à rembourser sa dette colossale au risque de tuer ce pays. Pendant six mois, Varoufakis va se battre bec et ongles contre la domination des forces de l’Europe.

Adults in the room Costa Gavras

L’étouffement par l’Europe d’un pays moribond

Le film de Costa Gavras démonte avec minutie cet étouffement par l’Europe d’un pays moribond. Il est parti pour le scénario des enregistrements faits par Varoufakis lui-même des réunions des ministres des finances des 27 pays membres. Après sa démission, il a rassemblé tout cela dans un livre, Conversations entre adultes. Tous les dialogues du film sont tirés des enregistrements de Varoufakis, donc ont une authenticité sans tache. Costa a choisi pour incarner les personnages réels des acteurs qui physiquement en sont proches. Lors de ses quelques mots de présentation, il a indiqué qu’il voulait conserver aussi la manière de parler, l’accent anglais de chaque personnage. Donc Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, est un acteur allemand, etc. Dialogues, accents, décors aussi, le film est très proche d’une sorte de chronique documentée, presque documentaire, dont Costa Gavras est familier dans de nombreux films. Et c’est d’une redoutable efficacité, parce qu’on rentre dans des pratiques politiques incroyables. Michel Sapin, par exemple, qui dit blanc à Varoufakis en privé et noir en public, face aux journalistes, et qui assène ensuite « la politique, c’est ainsi, il faudra t’y faire ».

Les réunions de Bruxelles et les conflits avec la fameuse troïka sont le corps du film. Mais Costa rajoute des moments de pure invention cinématographique. Cette foule d’anonymes, par exemple, qui vient devant le restaurant où dîne Varoufakis et qui, au lieu de parler, lui tourne le dos. Ou cette danse incroyable des représentants de l’Europe qui encerclent Tsipras et l’obligent à entrer dans le jeu, leur jeu. Ou encore ce repas chez Varoufakis d’un représentant européen qui engloutit avidement de délicieux mets grecs sans lâcher la moindre petite concession.

La précision de la narration, la justesse des images et l’authenticité des dialogues donnent à ce film une force incroyable. L’Europe allemande et son rejet total de la Grèce, le cynisme du monde financier et la déshumanisation des institutions européennes sont implacablement montrées, analysées.

Un film politique

Le film, comme l’a dit Costa en introduction, n’est absolument pas militant, mais politique. « Comme tous les films », dit-il. Certes, mais les siens le sont plus que d’autres. Film politique sur la politique, Adults in the room retrouve l’ampleur des tragédies grecques, politiques elles aussi. Parce que en plus de cette précision dans la narration des faits, ce cinéma là prend une dimension grandiose de méditation artistique sur la réalité.

Rappelons que la Grèce est depuis deux ans gouvernée par une femme progressiste, Katerína Sakellaropoúlou, qui tente de rassembler un pays totalement démoli par la dernière décade et toujours au fond du trou.

A lire aussi: Festival Récidive: Costa Gavras honoré du Prix Jean Zay

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Comme disait Coluche : si les élections servaient vraiment à quelque chose, il y a longtemps qu’elles seraient interdites.

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 0°C
    • après midi 2°C
  • samedi
    • matin 1°C
    • après midi 6°C
Copyright © MagCentre 2012-2024