Le grand cinéaste Costa-Gavras reçoit ce 10 novembre 2021 à Orléans le prix Jean Zay dans le cadre du festival Récidive. Le réalisateur a accordé une interview exclusive à Magcentre, quelques heures avant de recevoir ce prix.
Propos recueillis par Sophie Deschamps
Évènement majeur ce mercredi soir à Orléans puisque le grand cinéaste franco-grec Costa-Gavras va recevoir le prix Jean Zay du festival Récidive à 20h30 au théâtre. Une récompense pour saluer son engagement politique sans faille tout au long de sa carrière, de Z en 1969 jusqu’à Adults in the room en 2019 (film sur la crise grecque qui sera projeté à l’issue de la cérémonie). Un homme affable et chaleureux qui s’est confié en toute simplicité à notre média.
C’est toujours un honneur de recevoir un prix, on ne s’en lasse jamais ?
Costa-Gavras : Oui c’est un grand plaisir, mais ce prix-là, c’est très spécial pour moi. Car associer mon nom à celui de Jean Zay, c’est pour moi un grand honneur. Je connais bien son histoire, son œuvre et ce qu’il était. L’horrible mort qu’il a connue également (Jean Zay est assassiné par la milice française le 20 juin 1944, NDLR). Mais surtout, j’admire dans l’homme tous les projets qu’il avait lancés, pendant la période où il était ministre. Projets qui ont été repris après, et notamment le festival de Cannes. Il avait compris que le cinéma c’est plus que de faire rire les gens le samedi soir en famille.
S.D : Vous avez présidé le festival de Cannes ?
C-G : Non je ne l’ai jamais présidé mais j’ai fait partie du jury. Et j’ai été primé plusieurs fois (Palme d’or pour Missing en 1982, Prix du Jury pour Z en 1969 et Prix de la mise en scène en 1975 pour Section Spéciale, NDLR). Mais en dehors de ce qui m’est arrivé personnellement, c’est un lieu de rencontres, le festival de Cannes. Donc c’était une idée formidable. Sans compter qu’il a dû évidemment être malheureux de ne pas voir de son vivant se concrétiser ce festival, qui est aujourd’hui le plus important au monde.
On va découvrir aussi ce soir votre dernier film Adults in the room qui date de 2019 sur la crise grecque. Vous avez des points communs avec Jean Zay, vous vous érigez contre les injustices…
C-G : Oui Jean Zay nous a donné une grande leçon en disant qu’il fallait enseigner la morale et on ne le fait peut-être pas assez aujourd’hui. Car la morale c’est quoi ? C’est accepter l’autre comme il est et surtout le respecter.
Pour vous, le cinéma ne peut qu’être que militant ?
C-G : Non, moi je ne me sens pas militant. Je fais des spectacles à partir de faits réels. Mais ça existait déjà dans l’Antiquité où les spectacles parlaient de ce qui se passait dans la société. Plus près de nous, Molière aussi parlait de la société et faisait des spectacles. Et le spectacle, il n’est pas là pour donner des leçons mais pour donner des émotions. Et avec les émotions, le spectateur fait ce qu’il veut. Mais je ne vois pas ce que peut faire d’autre le cinéma, sinon parler de la société.
Vous restez toujours aussi curieux du monde qui nous entoure ?
C-G : Absolument ! C’est la seule façon de vivre, vivre avec le monde. Voir le monde et être en même temps spectateur et être autant que possible acteur. Il faut être les deux, sinon je ne vois pas comment on peut vivre.
Justement, avez-vous des regrets de n’avoir pas pu parler d’un évènement qui vous tenait à cœur ?
C-G : Oui, j’ai eu des projets qui n’ont pas abouti. Et puis aussi parce que pour faire un film, il faut une histoire. Et parfois, il y a des évènements intéressants mais on ne trouve pas l’histoire. Donc, il y a beaucoup de regrets dans la vie. Je voudrais par exemple faire la biographie de grands personnages de la qualité de Jean Zay. Il n’y a pas de film de fiction sur lui.
Et vous pourriez le faire encore aujourd’hui ?
C-G : Je le crois, malgré la situation qui a radicalement changée dans le mode de financement des films.