Guy Rottier, un architecte libre au FRAC

La nouvelle exposition du Fonds Régional d’Art contemporain (Frac Centre Val-de-Loire) met à l’honneur l’architecte franco-néerlandais Guy Rottier (1922-2013). Peu connu du grand public, il est pourtant l’un des architectes les plus créatifs de sa génération. 

Par Sophie Deschamps 

Nabila Metaïr, co-commissaire de l’exposition du Frac Centre Val-de-Loire Guy Rottier, l’architecture libre. Photo Sophie Deschamps

« Le jour où les enfants éduqueront les parents, il y aura de l’espoir pour une architecture plus originale et plus ludique » Guy Rottier

Quand on pénètre dans la nouvelle exposition du Frac Centre Val-de-Loire, consacrée à l’architecte franco-néerlandais Guy Rottier (1922-2013) on est effectivement frappé par l’ambiance joyeuse, colorée et ludique qui y règne, presque enfantine. 

Mais faisons tout d’abord connaissance avec cet homme en compagnie de Nabila Métaïr, co-commissaire de cette expo : « Guy Rottier a eu une jeunesse placée sous le signe du multiculturalisme. Né en 1922 en Indonésie, il fait ses études aux Pays-Bas et il revient en France à l’âge de 9 ans, à Grasse. Désirant devenir peintre, son père, ingénieur agronome lui déconseille. Du coup, il part étudier les techniques du bâtiment à La Haye puis à l’école des Beaux-Arts de Paris, dans la section architecture ». Il l’étudie jusqu’en 1952, ce qui va lui permettre de faire de nombreuses rencontres et de se constituer une solide culture architecturale.

Ce double attrait pour la peinture et l’architecture va être visible tout au long de son parcours. Nabila Métaïr explique que «sa formation dans le bâtiment ne l’empêche pas de vouloir intégrer la théorie de la peinture dans l’architecture. Pour lui, ce qui importe c’est la création. Il est aussi très intéressé par le travail collectif dans la création et la formulation de projets individuels. D’ailleurs selon lui les nombreuses commissions présentes autour d’un projet étouffe la créativité des architectes et ne permet plus à l’architecture d’évoluer. »

Formuler les potentiels architecturaux du futur

Ce besoin de liberté, il va l’exprimer en devenant très vite l’un des chefs de file de la théorie prospective : « La prospective explique Nabila Métaïr, c’est formuler les potentiels architecturaux du futur. Il est d’ailleurs très ami avec l’historien de l’art Michel Ragon qui écrit en 1976 Où vivrons-nous demain ? Il adhère d’ailleurs à son groupe international d’architecture prospective. Il s’agit donc de penser la ville de demain tout en pointant les limites de la ville d’aujourd’hui. Et comment on peut proposer des améliorations à partir de ce qui existe : nouvelle architecture de terre vernaculaire (en harmonie avec son environnement, NDLR), pourquoi on ferait du béton un usage permanent, qu’est-ce-que l’architecture gonflable, comment faire une extension de bâtiment sans polluer ? C’est un groupe qui s’intéresse aussi très tôt à l’écologie, dans les années 60 et qui est par exemple déjà très liée à ce que l’on appelle aujourd’hui l’économie circulaire et l’architecture bioclimatique.» 

Autant de réflexions et de propositions que l’on trouve bien sûr dans le travail de Guy Rottier et dans l’exposition autour de cinq thèmes : l’architecture de loisirs, le territoire niçois avec l’architecture et l’urbanisme solaires, la nouvelle architecture de terre, l’architecture éphémère et de récupération et enfin l’architecture en liberté.

L’architecture de loisirs

L’hélicoptère de Guy Rottier, “maison de vacances volante conçue en 1964. Photo Sophie Deschamps

Dans la première salle, le regard est tout de suite happé par un hélicoptère, représenté sous forme de maquette et de dessins.

Il s’agit en fait d’une maison de vacances volante, qui ne sera jamais réalisée car trop utopique, mais présentée tout de même au Salon des arts ménagers de 1964 à Paris : « Comme Guy Rottier sait que ce projet ne va pas se vendre, il propose de manière très provocatrice une maison de vacances sous forme d’hélicoptère mais qui ne vole pas. C’est typiquement un projet prospectif qui montre que l’architecte peut s’affranchir des réglementations, qu’il peut choisir ses propres matériaux.

Guy Rottier s’est aussi intéressé à l’architecture éphémère avec des maisons de vacances côtières en carton à usage unique, que l’on détruit à la fin de ses vacances pour ne pas laisser de traces.

Le territoire niçois. L’architecture et l’urbanisme solaires

Usine à café torréfaction solaire, Guy Rottier (1968) FRAC Centre Val-de-LOire. Photo Sophie Deschamps

Guy Rottier crée sa propre agence à Nice en 1958. C’est à cette époque qu’il côtoie des groupes importants de recherche comme la Coopérative méditerranéenne pour l’énergie solaire dont sortiront des projets comme L’Usine à café à torréfaction solaire en 1968. Guy Rottier affiche aussi à travers le projet Ecopolis en 1970 une cité autosuffisante en énergie basée sur le recyclage des déchets et une répartition ingénieuse de la lumière. 

La nouvelle architecture de terre

La maison-serpent, Guy Rottier, FRAC Centre Val-de-Loire. Photo Sophie Deschamps

Cette architecture vernaculaire, adaptée à l’environnement immédiat, qui existe depuis toujours en Afrique arrive dans les années 70 en Europe. Comme l’explique Nabila Metaïr, « ce qui est intelligent chez Guy Rottier, c’est qu’il utilise la terre disponible sur place pour recouvrir des maisons et les isoler. Donc, il utilise la terre mais autrement. Il va même plus loin comme prendre des objets obsolètes et les mettre sur la maison pour la recouvrir. Ça peut même prendre un caractère publicitaire comme la Maison “La Vache qui rit”. En fait, le toit devient une surface sur laquelle on peut dessiner et peindre : « Il va parfois encore plus loin, puisque pour la maison enterrée destinée à l’artiste Ben, il propose de la recouvrir avec des accumulations de l’artiste Arman. Donc, il y a une influence de ses amis pour qui d’ailleurs il fera un Musée de l’Imaginaire à Nice (qui n’existe plus aujourd’hui, NDLR) ». 

Et vous n’êtes pas au bout de vos surprises avec la maison Boulequiroule, le Pont Grenouille, la Cabine téléphonique «oreille», l’Immeuble de bureaux « nuages» et bien d’autres. Bref, un univers poétique, humoristique et néanmoins sérieux.

A noter enfin qu’aucun des projets présentés dans cette exposition n’a été construit. Son architecture prospective, écologique et pionnière n’en demeure pas moins très inspirante pour les architectes d’aujourd’hui.

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Guy Rottier, l’architecture libre jusqu’au 23 mai 2022 aux Turbulences du Frac Centre Val-de-Loire, place de la romancière à Orléans. Entrée gratuite du mercredi au dimanche de 14h à 19h. 

Photo de Une : Capture d’écran d’une vidéo de Guy Rottier proposée avant d’entrer dans l’exposition.

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