Jalmalv Orléans (Jusqu’à la mort accompagner la vie) reprend ses manifestations auprès du grand public, avec ce 19 octobre 2021 le spectacle du clown-philosophe belge Paolo Doss Des espoirs au singulier. Interviews croisés entre Paolo Doss et Claude Chardorge, présidente de Jalmalv Orléans.
Propos recueillis par Sophie Deschamps
Claude Chadorge, comment est venue l’idée à Jalmalv Orléans de faire venir ce clown-philosophe à Saint-Jean-le-Blanc ?
Claude Chadorge : Paolo, c’est le magicien des mots parce qu’il les transforme en images. Il parle du bonheur, de l’amour, de la tristesse, de la mort, de l’espoir et du désespoir d’où le titre de son spectacle Des espoirs au singulier. Ce sont des sujets de vie et cela nous parle, nous qui sommes des accompagnants de personnes malades.
Il y a aussi cette idée que l’on peut parler de la mort de façon naturelle, parce que c’est encore un sujet tabou ?
C.C. : Oui c’est un tabou mais notre ambition est aussi de changer les mentalités. Pour nous la mort fait partie de la vie et parler de la mort ce n’est pas un problème, cela ne fait pas mourir. Notre formation nous permet également de clarifier notre vision de la vie et de la mort. C’est pourquoi dans notre association, nous accompagnons la vie jusqu’à la mort. Il n’y a pas d’autre mot pour le dire.
Comment Jalmalv Orléans a vécu les deux confinements ?
C.C. : Les bénévoles sont toujours resté.e.s en lien avec les résidents des Ehpad mais aussi avec le personnel soignant. Il n’y a jamais eu de rupture durant le premier confinement. Lors du second, les bénévoles sont revenu.e.s sur le terrain et actuellement nous accompagnons les malades normalement. D’ailleurs, nous avons de plus en plus de demandes d’institutions et d’établissements qui aimeraient que des bénévoles viennent auprès de leurs résident.e.s. Accompagner le grand âge, c’est compliqué et il y a un manque de ce côté-là.
Ce spectacle, c’est donc notre première grande manifestation depuis la pandémie car nous avons dû la reporter deux fois. Nous sommes donc très content.e.s de reprendre contact avec le public. Paolo Doss était déjà venu en 2007. C’est quelqu’un qui vous embarque avec lui, dans ses rêves et ses images, qui fait du bien et c’est pour cela que nous avions envie de le faire revenir.
Paolo Doss, c’est quoi un clown-philosophe ?
Paolo Doss : En fait, ce nom vient des journalistes qui titraient toujours après avoir vu mes spectacles Le clown-philosophe. Sinon, pour moi le clown sert à faire passer des messages par le rire. Le rire en soi n’est pas important, c’est ce qu’il véhicule. En effet, le rire sert à faire passer des choses difficiles. Il n’y aura pas tout cela ce soir, mais le rire permet de parler de la mort, de la solitude, la peur, la maladie, la sexualité, Dieu, l’argent…
Et comment vous est venue l’envie de devenir clown ?
P.D. : J’avais envie de dire des choses qui me tenaient à cœur. J’avais fondé au départ une société de publicité mais très vite je me suis rendu compte que je n’avais pas envie de donner toute ma force créative pour trouver des slogans faisant vendre des produits dans lesquels je ne crois pas. Et ayant eu une enfance pas très rose, j’avais des choses à dire. Après, cela a été un appel qui a surgi en moi et je me suis lancé.
Votre spectacle s’intitule Des espoirs au singulier. Comment faut-il comprendre ce titre ?
P.D. : Je lui ai donné ce titre parce que dans la vie, on oscille toujours entre espoir et désespoir. Quand on lit ce titre c’est de l’espoir et quand on l’entend c’est désespoir. Donc ce n’est ni l’un ni l’autre, c’est vraiment ce que l’on en fait. C’est aussi pour dire au public : « N’ayez pas peur ! » car nous sommes régi.e.s par deux forces, la peur et l’amour. Je suis là pour leur dire : « Aimez-vous, aimez la vie, aimez la mort ! » La mort, c’est magnifique, c’est le plus bel acte de création de la vie. En tout cas, on ne peut pas y échapper.
Cette phrase mérite une petite explication, parce que la mort nous fait peur…
P.D. : Cela dépend de ce que l’on y met derrière. Des personnes me demandent parfois : « C’est quoi pour toi la mort ? » et je leur réponds : « Pour moi, la mort ce n’est rien. Je suis bouffé par les asticots et puis c’est fini. » Alors, là effectivement cela a du mal à passer. Ce sont des personnes que je n’essaie pas de convaincre mais que je plains du plus profond de mon âme. Dans mes accompagnements de malades, je rencontre des personnes qui sont toutes lumineuses avant de partir, y compris beaucoup d’enfants. D’autres sont complètement dans la terreur. J’ai même vu une nonne complètement terrorisée, ce qui est paradoxal parce qu’en principe, le paradis lui était promis, comme pour tout le monde. Donc, ce n’est pas si simple.
C’est justement là que l’on rejoint le clown-philosophe, à savoir que l’on ne parle pas assez de la mort, on ne vit pas assez avec elle, donc on ne se prépare pas. On en a peur parce que c’est comme si c’était la fin de quelque chose alors que c’est le début d’une autre chose encore plus extraordinaire, c’est un continium. Après vous allez me dire : « Paolo, donnez-moi la photocopie pour le prouver. » Evidemment, je ne peux pas vous la donner. En revanche, les gens vont me voir moi vivre cela sur scène.
Vous partez de votre propre expérience de vie ?
P.D. : Je n’utilise pas seulement mon expérience de vie parce que cela serait un peu trop égotique mais de mes sentiments et de mon amour de la vie. J’ai 61 ans et j’ai l’impression d’en avoir 17 ou 18, d’être un ado. Je pars de ce qui fait sens pour moi. Ce qui m’intéresse c’est que le public en sortant de la salle se dise : « Waouah ! Je suis bien plus que ce que je croyais être et je peux faire beaucoup plus ! » D’autant que par ces temps de pandémie, ce n’est pas facile de trouver du sens et le clown est là pour en donner.
Vous disiez que vous accompagnez aussi des personnes malades. Pouvez-vous nous en dire plus ?
P.D. : Je fais de l’accompagnement depuis 30 ans, un à deux jours par semaine dans un grand hôpital universitaire de Bruxelles et dans d’autres hôpitaux. Je dois dire que je reçois bien plus que je ne donne. Sans ces personnes que j’accompagne, sans les familles, je ne pourrais pas faire l’expérience de qui je suis. Je leur dois évidemment tout.
Vous souhaitez également que les gens sortent de votre spectacle avec une vision différente de la fin de vie ?
P.D : Heureusement, je ne parle pas que de la fin de vie. Cela donnerait aussi une mauvaise image de Jalmalv. Et puis, pour parler de la mort, il faut parler de la vie. Donc, encore une fois ce qui m’importe c’est d’apporter du sens aux gens à travers le rire et la poésie.
Paolo Doss, Des espoirs au singulier, mardi 19 octobre 2021, 20h30, salle Montission, 150 av. J. Douffiagues, 45650 Saint-Jean-le-Blanc, 5 euros -gratuit pour les étudiants.
Jalmalv 45 recherche de nouveaux bénévoles pour accompagner les personnes malades et/ ou en fin de vie. Une formation débutera le 6 janvier. Renseignements et inscriptions au 02 38 53 15 85
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