Accès aux soins en région : « y’a qu’à, faut qu’on »

La région Centre-Val de Loire est celle qui a la plus faible démographie médicale de toute la France. Un assuré sur cinq n’a plus de médecin traitant. Heureusement treize députés appartenant à la majorité présidentielle ont pris ce désastreux chantier à bras le corps. Ils viennent de remettre au Premier ministre dix propositions qui vont sauver l’accès aux soins des habitants de la région Centre-Val de Loire. Voyons un peu ce qu’ils proposent.

Par Jean-Paul Briand
Médecin. Snowing

Pour ces treize députés il faut :

  • Augmenter le nombre d’étudiants en médecine en région Centre-Val de Loire (proposition 1). Malheureusement le CHU de Tours ne peut les accueillir et le doyen n’y est toujours pas favorable.
  • Aller prendre des internes dans les Centres Hospitaliers Universitaires  (CHU) autres que celui de Tours (proposition 2). Proposition irréaliste. Les CHU « tournent » grâce au travail de leurs internes.
  • Autoriser l’exercice des praticiens à diplôme hors Union Européenne (PADHUE) sans l’obligation actuelle de valider des stages hospitaliers (proposition 7). C’est piller sans vergogne et sans contrôle des connaissances, les médecins de pays en très grande difficulté sanitaire.
  • Former plus d’infirmières et en particulier des infirmières de pratiques avancées (propositions 4 et 8). Encore faut-il les écoles, les enseignants et les stages formateurs pour le faire.
  • Permettre l’accès direct aux orthophonistes, aux kinésithérapeutes et aux infirmières de pratiques avancées (propositions 3 et 8). C’est entraîner une inflation des remboursements sans prescription médicale et l’explosion de dépenses pas toujours justifiées.
  • Récompenser financièrement les médecins qui participent à la gouvernance des hôpitaux de proximité (proposition 5) ou qui s’engagent pour exercer sur un plus grand territoire (proposition 9). Où trouver les professionnels ayant une disponibilité suffisante pour le faire ?
  • Créer un nouveau comité afin de permettre le partage des informations et la coopération entre les professionnels de santé (proposition 6). Un « comité Théodule » de plus, comme aurait dit le Général de Gaulle. 
  • Mettre en place des bus départementaux de consultations médicales itinérantes (proposition 10). Si des professionnels sont volontaires et suffisamment rémunérés pour pratiquer cette forme de médecine nomade, pourquoi pas…

Les potentiels insuffisamment exploités de Bourges et Orléans

La région Centre-Val de Loire est la seule région qui n’a qu’un unique CHU, celui de Tours, où sont formé les futurs médecins. Son chef lieu de région, Orléans, est la seule métropole française sans CHU. Dans un communiqué daté du 28 septembre, le Conseil Économique, Social et Environnemental du Centre-Val de Loire (CESER) faisait remarquer que « quinze universités, dont celle de Tours, n’ont pas suffisamment augmenté leurs capacités d’accueil en 2ème année ». Par ailleurs, le Conseil d’État a jugé que ces mêmes universités, dont celle de Tours, « devaient prendre de nouvelles délibérations permettant d’atteindre, pour 2021-2022, un nombre de places de 2ème année supérieur d’au moins 20 % à celui de 2020-2021». Le CESER Centre-Val de Loire rappelle que « la Chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire a souligné un surdimensionnement du Centre Hospitalier Régional d’Orléans (CHRO) après l’opération de reconstruction qui a réuni l’ensemble des services sur un seul site ». Aussi, pour le CESER, une seule conclusion s’impose : « Sans nier l’importance du problème d’attractivité de certains territoires de la Région, les potentiels insuffisamment exploités de Bourges et Orléans, l’existence d’un collégium santé dont les deux universités sont membres, le développement récent du GIP Pro Santé sont autant de ressources sur lesquels les acteurs peuvent s’appuyer pour développer plus avant les formations de santé sur l’ensemble du territoire régional, au-delà de la seule Faculté régionale de médecine située à Tours ». Le CESER Centre-Val de Loire va donc travailler sur « les solutions de coopération renforcée pour rationaliser les dépenses financières consacrées à la santé, en sortant des concurrences territoriales stériles ». 

Une récupération politicienne

Il est évident que s’ils souhaitent une réélection aux prochaines législatives de juin 2022, les députés doivent essayer d’occuper le terrain et faire parler d’eux. La santé est un enjeu électoral décisif. Encore faut-il que les solutions proposées pour améliorer l’accès aux soins ne se résument pas à une cocasse, irréaliste et dérisoire liste « y’a qu’à, faut qu’on », sinon il s’agit d’une nouvelle récupération politicienne indigne de femmes et d’hommes politiques responsables.

Commentaires

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  1. Bonjour Jean-Paul,
    Cette situation désastreuse ne date pas d’aujourd’hui et je ne suis pas sûr qu’elle ne tienne qu’au nombre d’étudiants en médecine formés à Tours. Depuis au moins dix ou quinze ans, on répète à loisir que la région Centre est médicalement sous dotée. Je m’interroge sur le rôle de l’ARS dans tout ça, parce que ceci fait partie de ses responsabilités. Il y a tout lieu de penser que nombre de politiques pratiquent le double discours.

  2. Comme l’indique Bernard, le problème existe depuis plusieurs années, sans malheureusement avoir été traité. alors que la population en Région à évoluée de manière significative. Pourquoi l’Hôpital d’Orléans ne deviendrait-il pas un CHU, alors que les locaux pourraient accueillir des étudiants en médecine ? Sauf erreur, les études des futurs médecins sont financées par les contribuables, alors pourquoi ne pas exiger en retour un service pendant 3 à 5 ans dans des zones géographiques en déficit de cabinet médicaux ? Pourquoi le “numerus clausus” n’évolue-t-il pas en fonction des besoins ? Il y a peut-être des compétences autre part qu’à Tours. Au stade où nous en sommes, ne faudrait-il pas un peu plus de transparence dans la gestion de l’ARS pour répondre à de légitimes interrogations ? A Orléans, tout devient compliqué de surcroît dans des spécialités médicales pour lesquelles les patients doivent “patienter”parfois plusieurs mois pour avoir un RV ! Selon la zone géographique dans notre département, il n’y a plus “d’égalité” en matière de soins !

  3. Bonjour,
    La Région Centre est en effet la seule à n’avoir qu’un CHU. Ce n’est pas normal. Il y a des possibilités au Campus de La Source d’accueillir une faculté de médecine. Le CHR pourrait devenir un CHU et former des internes qui auraient la possibilité par la suite de s’installer sur place. Quand on voit l’état de la Maison de santé de La Source, il est temps de faire quelque chose et malheureusement l’ARS est d’une incapacité notoire.

  4. Les solutions à apporter à la désertification médicale sont au moins de 2 ordres : de long terme et de court terme. Si l’investissement dans beaucoup plus de formation de médecins ne se fait pas, alors les solutions de court terme ne serviront qu’à valider un système de santé déclinant. C’est un choix de société qu’il nous faut faire. Soit nous continuons avec le dogme du début des années 70 en réduisant le nombre de médecins par habitants et assumons de voir des pathologies anciennes réapparaître et le nombre de personnes avec des co morbidité exploser. Soit nous permettons un égal accès à la médecine de première ligne à toutes et tous selon le lieu d’habitation et les revenus du foyer. Pour ce dernier choix, il nous faut inverser le rapport de force offre demande pour aller vers des salaires des praticiens beaucoup moins élevés qu’aujourd’hui. Je ne trouve pas normal qu’une bonne part de notre argent public paye des praticiens bien au delà de 5000 €/ mois. Je trouve indécent par rapport au revenu médian en France (1800 € net/ mois) par exemple que des infirmiers anesthésistes déjà payés 2500 € net /mois en moyenne, puissent demander une revalorisation de leurs salaires. Quand on sait que les médecins anesthésistes sont parmi les mieux payés aujourd’hui, ceci explique sans doute cela (https://med.works/quel-est-le-salaire-des-anesthesistes-en-2021/) . De part notre choix délibéré de baisser le nombre de médecins par habitants, nous sommes soumis aux lois du marché de l’offre et de la demande ! De même que cela engendre une concurrence entre les territoires à qui offrira le plus pour faire venir un médecin.

    Par ailleurs, la politique santé de notre pays devrait considérer désormais que le budget de la santé est un investissement et non une dépense. Mais entre la baisse des revenus moyens de nos médecins généralistes et spécialistes s’ils étaient beaucoup plus nombreux, et une meilleure prise en charge dès les premiers symptômes des maladies partout sur notre territoire, l’investissement global pour la collectivité devrait pouvoir baisser. C’est donc un changement complet du logiciel politique de santé qu’il nous faut faire.
    Qui en aura vraiment le courage au delà des mesurettes ici évoquées par nos députés ?…

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