La CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) rend son rapport ce mardi 5 octobre 2021 sur les abus sexuels commis sur des mineurs dans l’Église depuis les années 50. Un document explosif puisqu’au terme de près de trois ans de travaux, les 22 membres de la commission Sauvé, qui ont établi ce rapport annoncent entre 2900 et 3200 pédocriminels au sein de l’Église et plus de 300 000 victimes.(article mis à jour à 11h30).
par Sophie Deschamps
L’Église de France mal en point avec le scandale de la pédocriminalité, photo Sophie Deschamps, mai 2019
Les chiffres annoncés donnent le vertige : entre 2900 et 3200 hommes, prêtres et religieux ont commis des abus sexuels sur des mineurs et des personnes en situation de faiblesse depuis les années 50 en France. Et encore selon la commission il s’agirait « d’une estimation minimale ». Les victimes, elles, seraient plus de 10 000 voire 100.000 selon certaines sources. En fait, la CIASE a annoncé 330 000 victimes ce mardi à 9h. Ce qui est sûr, c’est que la commission a reçu 6 500 appels de victimes ou de proches, après son appel à témoignage du 3 juin 2019. Les 22 membres (12 hommes, 10 femmes) de cette instance indépendante créée en novembre 2018 conjointement par la CEF (Conférence des évêques de France) et la Conférence des religieux des religieuses de France se disent « très éprouvé.e.s » par les témoignages des victimes.
Un rapport de 2500 pages
Ces presque trois années de travaux aboutissent donc à un épais rapport de 2500 pages puisque cette CIASE avait plusieurs missions. La plus importante était de recenser et d’établir les faits de pédocriminalité au sein de l’Église en recueillant des témoignages à travers la France. Plusieurs membres de cette commission s’étaient d’ailleurs rendus dans ce but à Orléans le 3 mars 2020, avec une réunion publique qui avait rassemblé près de 200 personnes à l’auditorium du musée des Beaux-Arts.
Cette instance devait ensuite étudier les « suites réservées, ou pas, aux abus sexuels constatés » et analyser « les mécanismes, notamment institutionnels et culturels, ayant permis de tels abus ».
Elle devait aussi évaluer les mesures par l’Église depuis les années 2000 pour lutter contre ce fléau . Par exemple, le diocèse d’Orléans a été le premier à mettre en place une cellule d’accueil et d’écoute des victimes. En revanche, la CIASE n’avait pas pour mission d’établir des responsabilités personnelles. Enfin la commission Sauvé devait faire des préconisations avec 45 recommandations dévoilées ce mardi.
Dans le Loiret aussi
Olivier Savignac, l’une des victimes du prêtre Pierre de Castelet, jugé le 30 octobre 2018 à Orléans, photo Sophie Deschamps
Bien sûr le Loiret n’a pas été épargné par ces scandales de pédocriminalité avec déjà deux condamnations de prêtres : Loïc Barjou en 2006 et reconduit à l’état laïc 10 ans après. Pierre de Castelet, condamné à deux ans de prison pour attouchements sur mineurs ainsi que l’ancien évêque d’Orléans André Fort, condamné à huit mois de prison avec sursis le 22 novembre 2018 pour ne pas avoir dénoncé ces faits.
Enfin Olivier de Scitivaux dont le procès n’en finit pas d’être reporté. Accusé de viols passibles des Assises mais prescrits puisque remontant à plus de 30 ans, il devra répondre en correctionnelle d’attouchements commis sur mineurs et non prescrits, eux. D’où l’intérêt de la proposition de loi en février 2021 de l’actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Ce dernier voudrait établir une prescription « glissante ou réactivée ». Un mécanisme qui permettrait d’interrompre la prescription pour des faits similaires commis par un même auteur.
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