La Bosnie produit un film par an, autant dire que ce film qui revient sur le massacre des populations civiles musulmanes de Srebrenica, le plus important en Europe depuis la seconde guerre mondiale, commis il y a vingt six ans par les forces serbes et bosno-serbes, prend une dimension particulière dans l’écriture de l’histoire de ce pays qui ne l’oublions pas, reste une fédération de deux entités regroupant trois populations: les serbes, les bosniaques et les croates. Et malgré les condamnations prononcées par le Tribunal Pénal International, le terme de génocide est encore contesté par certaines forces politiques bosniaques.
par Gérard Poitou
La réalisatrice Jasmila Žbanić, à qui l’on doit déjà le documentaire One day in Sarajevo, a choisi de traiter la tragédie de Srebrenica sous l’angle de la fiction, avec le personnage d’Aida, prof d’anglais devenue traductrice bosniaque pour le compte des forces de l’ONU chargées de protéger les populations civiles musulmanes qui se sont réfugiées dans cette enclave encerclée par les forces serbes. Ce choix permet à la réalisatrice de mettre en place une sorte de montage parallèle entre la situation des réfugiés du camp et le commandement néerlandais chargé par l’ONU de protéger cette population civile sans réels moyens. Si la narration prend quelques libertés avec l’histoire notamment sur les frappes aériennes susceptibles de faire reculer les forces serbes du général Mladic, la reconstitution de ces événements prend soudain la dimension d’un film sur la barbarie nazie filmée en scope couleurs. L’atrocité des méthodes et des actes perpétrées sur des populations civiles, renvoie à cette impuissance qui confine à la lâcheté de l’ONU, de son Conseil de Sécurité et de cette chaîne de commandement qui laisse faire jusqu’à refuser de sauver la famille d’Aida, notre lâcheté aussi puisque ces institutions ne sont que notre expression collective.
Au delà de l’émotion de ces exécutions de masse, le film suit le personnage d’Aida dans sa reconstruction, dans une narration extrêmement sensible, forme d’hommage aux survivantes qui perdirent pères, maris et fils, jusqu’à cette étonnante scène de fête de l’école primaire, vision pacifiée par les enfants de l’horreur vécue, dont le message restera sibyllin.
“La voix d’Aida”
Par Jasmila Žbanić
Avec Jasna Đuričić, Izudin Bajrovic, Boris Ler
Sortie 22 septembre
Titre original “Quo vadis Aida”