Un Grimoire plein de Vitalité

Il y a des rencontres artistiques qui enfantent de beaux bébés. Ainsi en est-il du Grimoire récemment arrivé dans le berceau de la toute jeune association Vitalité rurale. Ses deux parents, Christian Beaudin et Dany Gard-Parfait auront la joie, l’honneur et l’avantage de vous le présenter à Vendôme ce 11 septembre, et à Saint-Denis-de-l’Hôtel le week-end suivant.

Plasticienne tout nouvellement revenue dans la région, après un séjour dans les îles lointaines, Danielle Gard-Parfait est un jour tombée en arrêt devant les clichés du sieur Christian Beaudin, photographe et auteur bien connu sur les rives ligériennes, notamment du côté de Châteauneuf-sur-Loire et des sous-bois solognots. “Je veux le rencontrer !“, s’exclama la gente dame, qui fit tout pour que cela arriva. La rencontre eut lieu, le courant passa, et le grand chasseur d’images ne se fit pas trop prier pour sortir de quelques boites d’archives des images inhabituelles qui inspirèrent l’écrivaine en herbe, au point d’en faire quelques bonnes feuilles. Et c’est au sein de la toute nouvelle association Vitalité rurale, portée par leurs soins sur les fonds baptismaux, qu’ils entreprirent d’éditer le très fringuant Grimoire que d’aucuns ont déjà eu entre les mains.

La couverture de l’ouvrage donne le ton. L’association des deux artistes, devenus deux complices, se définit comme l’alliage précieux de “celle qui peint avec les mots” et de celui qui “écrit avec la lumière”. En quelques 140 pages à la qualité d’impression impeccable, on y apprécie ainsi autant de textes que d’images, mutuellement inspirés, et présentés dans un ordre très peu hétéroclite, comme un orchestre qui jouerait une partition inconnue pour surprendre l’auditeur. Qu’en disent-ils ? “Cette expression artistique commune vous plonge dans une infinie douceur saupoudrée d’une certaine nostalgie“. Hum, hum. “Il vous fera voyager dans vos pensées les plus secrètes voir inavouables mais toujours dans un tourbillon de sentiments forts et troublants“. On est loin d’un improbable “Emotions, piège à con” que pourrait asséner un quelconque ermite misanthrope. Mais à part ça ? Il y aurait comme une envie de partage et de transmission d’amour qui ne serait pas loin, mes bien chers frères (et sœurs).

La mise en scène de ces “images-poèmes” n’est pas le fruit du hasard, affirment-ils à l’unisson. Et si l’on commence par le rouge-gorge au chant empli de mélancolie, pour saluer le lecteur sur un clin d’oeil dédié au photographe capteur de rêves, ce n’est certainement pas innocent. Entre temps, on aura pu se promener en Sologne, apprécier le charme de quelques dames dénudées ou celui de quelques musiciens magnifiés, s’émouvoir en ville et sur quelques rives inconnues, et même se lancer dans les pas d’une fugitive qu’il serait peut-être dommage de rendre captive. A chaque fois, à côté des photographies aussi variées qu’évocatrices, le texte lié nous emporte d’une écriture aussi alerte…qu’imagée.

Allez, pour forcer le trait, compléter le tableau et rendre la pareille au photographe, et si on s’attardait dans le dos de l’artiste peintre, pour deviner ce que sera sa toile ? Figurative ou imaginative ? “Le véritable chef-d’oeuvre, c’est cet homme assis dans un coin devant son chevalet“, susurre l’impertinente, peut-être en hommage à l’un de ses anciens professeurs à l’école des beaux arts, elle qui se dit aussi “sculpeinte“. A croire que ce grimoire a pour vocation de nous entrainer dans une autre dimension.

Jean-Luc Bouland