Sancerre, le piton préféré des Français

Un piton, une tour dessus, un vin reconnu, une vue imprenable, des internautes qui ont usé la toile jusqu’à la lie, et voilà Sancerre, dans le Cher, sacré village préféré des Français pour l’année 2021, dans l’émission éponyme présentée par Stéphane Bern. Pour le village berrichon, nom d’un crottin de Chavignol, la surprise a été grande. Maintenant il faut vivre avec… 

Pas loin du centre du bourg de Sancerre, au pied du château, racheté voilà quatre ans par la maison Ackerman, les vignes et la propriété qui vont avec, la place « Nouvelle place » est presque toute neuve. Sur les pavés, le marquage pour le stationnement l’est quant à lui Zone bleue et 1 heure en continue, pas plus… mais on peut faire plusieurs tours !  Autour, deux, trois, quatre, bars, bistrots, brasseries, restaurants, galtos ou troquets, c’est vous qui voyez pour l’appellation. Deux belles terrasses pour étancher une petite soif avec une bière artisanale du coin, manger un bout de pain tartiné de crottin fondu. Parfait pour se poser avant ou après la visite du vieux village.

Cela fait une paye que Sancerre est au vin ce que Vichy est à l’eau ou à la pastille. Le vin est roi en ce pays de Sancerre où Henri IV, baptisé au blanc, mais du Jurançon, se serait écrié « Ventre saint gris ! Ce vin est le meilleur que j’ai bu ! Si les gens du royaume le goûtent, il n’y aura plus de guerre de religion ! ». Ici, les vignerons ont pignon sur rue. Plusieurs boutiques à tendance dégustation s’intercalent ainsi entre agence immobilière, bureau de tabac, et autres commerces de frivolités. On consomme, comme le veut la bien-pensance, avec modération. On recrache le Sauvignon après l’avoir goûté et tordu entre palais et gosier. Tout ce qu’il faut pour ressentir les sols de marne, de silex, de calcaire avant d’abreuver le bassinet. Pour le bonheur d’avaler tranquillement un bon cru, ce sera une fois rentré à la maison… avec un ch’ti bout de crottin de Chavignol. Parce que le crottin et le Sancerre, même en blanc, ça se marie bien ! C’est en bas du piton, à quelques encablures seulement, qu’est fabriquée depuis des lustres la référence gastronomique sancerroise, citée et plébiscitée par le monde de la cuisine et des chefs étoilés, le fameux fromage de chieuv’. Alors, c’est vrai que l’on sort des sentiers battus et on prend d’autres habitudes.

Village préféré mais pas le plus beau

Ils sont marrants les gens de la capitale. Même en voulant dire du bien ils trouvent le moyen de remettre les Provinciaux à la place qu’ils jugent être la leur : au milieu de nulle part. Prenons l’exemple de Sortiraparis.com. Pour annoncer le palmarès du village préféré des français 2021, le site s’est fendu d’un « La commune de Sancerre, située dans le Cher, est montée sur la première marche du podium face à 13 autres hameaux. » Chef-lieu de canton, ville centre de communauté de communes et d’inter-co, quelques 1500 habitants et un collège, ça fait quand même un peu beaucoup pour un hameau.

Ils sont marrants les gens venus d’ailleurs qui, depuis la nomination quasi-surprise, se rendent sur le piton pour découvrir « le plus beau village de France ». À l’office de tourisme, on leur dit et on leur répète à longueur de journée depuis le 1^er juillet : village préféré ne veux pas dire le plus beau ! Un peu quand même, mais pas plus que ça… Face au panorama sur le viaduc, en bas, on essaye de répondre au mieux à cet éclairage non prémédité. On explique que pour entrer dans le catalogue des plus beaux villages de France, il faut répondre à un certain nombre de critères. Pour être le préféré, à la manière d’une chaîne de restauration rapide, on est comme on est. Comme on naît aussi. « Nous avons été les premiers surpris par la nomination. On a tous regardé la télévision mais nous pensions qu’être cité ce n’était pas si mal. Entrer parmi les 3 derniers villages, c’était déjà très bien. Alors, le titre … », racontent les personnels de l’office qui doivent désormais achalander au mieux les présentoirs de plaquettes touristiques. Surtout que la quantité imprimée est celle, pour le moment, d’une année normale. « Nous n’étions pas préparés à cette publicité nationale ». Preuve de cet engouement, les deux places prévues pour les camping-cars ont vite été insuffisantes. De fait, la mairie accorde actuellement une certaine tolérance quant à la circulation et au stationnement de ces véhicules sur le territoire communal.

Vin, fromage mais pas que…

Ils sont marrants les gens en général. Mais ils sont exigeants aussi. « Nous travaillons actuellement avec les prestataires, les commerces, les restaurateurs afin d’avoir des amplitudes d’ouvertures plus importantes, des formules repas ou saladeries et sandwiches, plus adaptées à notre nouveau statut et à un nombre de visiteurs plus important. » D’autant que cela peut durer quelques années. Les villages déjà nominés en ont fait l’expérience depuis 2012, année du début de l’opération. Le titre, tout honorifique qu’il soit, reste ancré dans les mémoires « à la manière de celui d’une Miss France ». Cependant, sur le piton et ses environs, on ne veut pas offrir une coquille vide. On veut faire connaître le terroir au-delà du vin, au-delà des fromages, au-delà du piton lui-même. On veut donner à voir les villages alentours, les parcours de randonnées à pied et pour les VTT, de trail aussi, les liaisons avec la Loire à vélo itou. On veut donner à vivre comme en Berry avec des birettes juchées sur des balais de genêts et des voyages en ballons ou des baptêmes de parapentes. On veut donner à goûter les croquets de Sancerre, pas ceux de Charost ou d’Issoudun. Et les Lichous aussi.

Finalement, personne ne viendra se plaindre d’un surplus de visites. C’est que, pour un office de tourisme comme pour un site touristique reconnu, surtout par la télé, avoir des touristes dedans c’est comme une tarte aux fraises : il faut des fraises. Beaucoup de fraises !

Fabrice Simoes