Etrange entreprise de théâtre que ce spectacle de La rose des vents. Ce banquet musical proposé par la Scène Nationale est un festival de plaisirs, la réunion de la cuisine, des mots qui en découlent et de la philosophie de la vie. Vrai banquet et faux spectacle, ou l’inverse, le public n’a qu’à se laisser servir. Le plateau de la salle Touchard du théâtre d’Orléans se transforme en vaste cuisine accueillante.
Le décor évoque une baraque foraine pleine de soupières, et les tables disposées sur la scène ressemblent à celles d’une fête de village, avec des lampions au dessus. Mais ce sont des serveurs habillés comme dans les grands restaurants qui vous placent. La confusion, ou plutôt le mélange, est donc total : on est dans un restaurant de théâtre, mais restaurant quand même.
Scène Nationale de Chambéry. Capture d’écran
La violoncelliste porte des bottes de pêcheur et le marin cuisine. Il joue d’abord avec des poissons, et le spectacle commence puisque la cuisine commence. Bouillabaisse bien sûr. Le cuisinier Perrodin est marseillais, il ne pouvait pas proposer autre chose ! Surtout que son travail est de démontrer que la cuisine, c’est aussi des mots, donc de la poésie, une affaire de l’âme, une affaire de rêve et de sens de la vie.
Sur, autour ou entre la musique contemporaine jouée par Noémi Boutin, Emmanuel Perrodin fait de grandes listes de noms de poissons. Il y en a de merveilleux, la plie, l’orphie (qu’il glisse dans la soupière), la ravelle (puisqu’on baigne dans la musique), et bien d’autres. La rascasse, indispensable à toutes bouillabaisse. Et il parle aussi de la pêche, donc de la mer et surtout des vents. Les anciens déjà apprenaient à les connaître, les nommaient. Le nom des vents, sur la rose qui en dresse la carte. Les vents constants ou coquins, les vents redoutables ou les souffles qui caressent, les vents venus d’ailleurs, tramontane, sirocco. Les vents qui déterminent quel genre de bouillabaisse est en train de bouillir, puisqu’ils agissent fortement sur la mer, les poissons et les hasards de la pêche. Et aussi sur les hommes et leurs humeurs.
Une atmosphère de fête de village
Ce sont donc tous ces éléments rassemblés par un plat populaire qui construisent ce moment. Spectacle de plaisirs, celui des mots, celui de la musique, plaisir des odeurs et du goût, plaisir du vin. Et réflexion sur ces plaisirs. Mais aussi, et c’est la meilleure conclusion qui soit, dégustation d’une bouillabaisse apportée par la cohorte de serveurs.euses plus charmants les uns.es que les autres dans ce plaisir de restaurant. Et on est comblé, bien sûr. L’idée de réunir tous ces éléments est magnifique, sa réalisation assez complexe disparaît derrière la simplicité de la soirée, la proximité des artistes et la véracité de la fête qui permet de beaux échanges entre personnes, de table à table ou d’artistes à spectateurs.
Bernard Cassat
La rose des vents
Emmanuel Perrodin et Noémi Boutin. Capture d’écran
Conception artistique Noémi Boutin, Emmanuel Perrodin
Violoncelle Noémi Boutin
Chef-cuisinier Emmanuel Perrodin
Scénographie, mise en scène Marguerite Bordat
Musiques originales Antoine Arnera, Aurélien Dumont, Misato Mochizuki, Oxana Omelchuk
Texte (commande) Dominique Quélen
Aide en cuisine et dressage réalisés par les jeunes et encadrants de l’atelier restauration de l’Unité éducative d’activités de jour (UEAJ) de Saint-Jean-le-Blanc (service éducatif de la Protection Judiciaire de la Jeunesse) et les élèves de Bac Pro du Lycée Hôtelier de l’Orléanais
Partenariat avec le Café du Théâtre
Prochains services jeudi 17, vendredi 18 et samedi 19 juin à 20h30.