Dans une comédie très soignée, Albert Dupontel nous fait partager une fois de plus son univers où l’humour tente de combattre l’horreur. Ses personnages bien construits nous rappellent que la bêtise n’est pas que chez les autres, même si les autres en détiennent une bonne part. Une leçon pas trop doctrinaire que les gags et l’énergie rendent efficace.
Albert Dupontel, comme souvent devant et derrière la caméra, signe en plus un scénario totalement original. Il fonctionne par grande séquences qui font avancer l’action : le monde du travail de JB, sa mise au placard, la terrible découverte de sa maladie par Suze, la réunion de ces deux trajectoires puis quelques rencontres qu’ils font pour aller au bout de leur recherche initiale.
De très belles trouvailles visuelles
Chaque séquence se développe sur un mode cinématographique propre, avec beaucoup de trouvailles visuelles très réussies. L’éclairage « numérique » des bureaux, les paysages urbains des quartiers archi-contemporains, les flash-backs fleuris qui racontent le début de l’histoire de Suze. Il y a dans ces images de l’énergie et de l’invention de type publicitaire, mais orientée film d’auteur, comme diraient les informaticiens surdoués qui truffent ce film d’auteur. C’est d’ailleurs par des publicités animées par Terry Gilliam que JB choisit son arme. Recherches visuelles poussées aussi, comme l’utilisation des reflets et des transparences, à l’esthétique très réussie, ou le rond-point d’opérette sur lequel échouent les deux protagonistes, et qui n’est pas une évocation anodine. Tous les détails très soignés construisent une personnalité et une originalité qui font de l’ensemble un objet cinématographique passionnant. Dans des séquences du monde du travail, il se rappelle de Jacques Tati (chaque employé dans son cube, disposés comme un entrepôt), mais le rythme effréné de l’enchaînement des séquences le propulse dans le ciné d’action le plus actuel.
De beaux personnages joués par de bons acteurs
Dupontel acteur est évidemment convainquant, mais Virginie Efira en Suze Trappet émeut sur un seul regard. Elle joue un beau rôle avec finesse, même quand les situations ne sont franchement délicates. C’est elle la porteuse de la morale du film, car bien sûr c’est un film moral. Dupontel nous a déjà montré l’univers qui l’habite, bon enfant ou plutot « petit gars qui n’en veut », comme disaient les Deschiens. Avec en toile de fond une analyse acerbe du monde dans lequel on baigne, le milieu du travail déshumanisant pour JB, mortifère pour Suze.
Une collection d’invités
Des seconds rôles époustouflants, dont Buli Lanners dans le rôle d’un médecin atypique qui se lance dans une comparaison entre les anticorps et la police, ou Michel Vuillermoz en commissaire toujours dépassé. Jackie Berroyer, médecin accoucheur retraité et totalement alzheimer, déambule dans cette histoire, encore plus halluciné que d’habitude, et en tient la clé. Terry Gilliam aussi fait une apparition. Amis de Dupontel de la première heure, ils apportent des touches réjouissantes à cette entreprise largement couronnée aux derniers César : sept récompenses, pas moins. C’est dire…
Bernard Cassat
Adieu les cons
Scénario, réalisation : Albert Dupontel
Avec Virginie Effira, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Jackie Berroyer
Directeur de la photo : Alexis Kavyrchine