Quand la mère roule des galets, les enfants jettent des pavés dans la mare. Par sainte Nitouche et saint Pansard, si certains jouent à Châteauroux de la musique en silence, d’autres font des tours assourdissants au pays de Rabelais. Sans conteste, faire des fausses notes avec de bonnes intentions semble être à la portée de tout le monde.
«Toute créature humaine est un être différent, en chacun de ceux qui la regardent », écrivait Anatole France, auteur illustre récompensé en 1921 du prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son oeuvre, et décédé en 1924 à St Cyr sur Loire. Voilà cent ans, rares étaient ceux qui ne chantaient pas les louanges de cet adepte affirmé de la libre pensée, proche dans l’esprit d’un certain François Rabelais, dont les oeuvres gargantuesques perdurent bien au delà de la Renaissance. “Et pas question de comparer ses fans à des moutons de panurge“, souffle Néa, ma jumelle, toujours en maraude régionale.
Après quelques jours en Brenne, où elle ne manqua pas de déposer au pied d’un arbre un galet loirétain, sa nouvelle lubie, l’influenceuse en herbe a fait halte à Châteauroux, avant de monter en Touraine. “Une véritable épopée, et pas napoléonienne“, affirma-t-elle en visio. “ Note bien. Là-bas, ils font des concerts silencieux ! Je préfère encore la Brenne, avec ses canards“. Preuve à l’appui, elle brandit la Nouvelle République, qui parle d’intermittents venus jouer en ville sans faire de bruit, pour protester contre une pandémie les rendant inaudibles. Puis elle s’emballe sur la cause animale, un poil agacée.” Au pays des Triboulets, tout est possible, frelot. Tu parles d’un cirque. Cette semaine, à Blois, ils ont condamné les Poliakov pour maltraitance en famille envers leurs ours. Et que du sursis. Pourtant, Hector Malot n’est pas du coin. Là, il aurait fait son miel“. Aurait-elle abusé de la picole ? Ou croisé encore une Dame Jeanne ?
Que nenni ! “J’ai tout juste pris quelques pintes de bon temps“, susurre-t-elle, tout en reconnaissant qu’après avoir posé sa besace en Touraine, elle s’est “attardée sur des plaisirs plus fermentés“, dédaignant le jus de la treille. “C’est pas pour me faire mousser, mais j’ai un don pour ça“, dit-elle, sans trop de modération. Adepte du “fays ce que vouldras“, elle aurait commencé par une mystérieuse métisse Thélémite, pour terminer en bord de Loire, en se couchant devant une blonde Ingénue, “histoire de me rappeler mes jeunes années. Après tout, on ne prête qu’à La Riche“.
Lèverait-elle ainsi un voile pudique sur ses amours cachés ? “A chacun ses fiertés, et tant mieux si ça marche“, souffle-t-elle ambigüe. “Enfin, pas partout. A Tours, ils se sont surtout pris les pieds dans le drapeau arc-en-ciel. Et se sont défilés, ratant le rendez-vous“. Drôle d’idée, avouons-le, d’envisager un “espace non mixte” dans une manifestation pour l’égalité et la reconnaissance de chacun. “Du genre, tous ensemble, mais chacun de notre côté“, vitupère-t-elle, fustigeant cette approche de la journée mondiale contre l’Homophobie. “Pour les fausses notes, blanches ou noires, celles de Châteauroux m’ont suffit“, conclue la Miss, soulignant qu’ailleurs, à Orléans* notamment, elle était fêtée en toute joyeuseté.
Allons, les cousins, méfions-nous de nos phobies, parfois contradictoires. « Oh qu’elle est belle notre chance; Aux milles couleurs de l’être humain; Mélangées de nos différences; A la croisée des destins », chantait Zaz la tourangelle. A n’en pas douter, si la route du vivre ensemble est pavée de bonnes intentions, elle n’empêchera jamais les faux pas.
Néo et Néa Triboulet
- Photo : manifestation à Orléans, samedi 15 mai 2021 (GP).