En contrebas du célèbre château des pêcheurs, clos de murs pour le protéger des vents et du froid, le ravissant jardin potager de La Bussière (Loiret), déjà labellisé ‘Jardin Remarquable’, a reçu en mars dernier le Grand Prix du Concours national des potagers de la Société Nationale d’Horticulture de France (SNHF). Une très belle distinction qui l’inscrit dans une nouvelle ère, plus tendance, entre techniques expérimentales, numérique et gestion durable, sans ne rien perdre de l’esprit et de l’histoire des lieux.
Labellisé Jardin Remarquable, le jardin-potager du Château de la Bussière est typique des jardins du 18e siècle dont la vocation est de nourrir, soigner et fleurir. ©ChLaBussière
Il n’y a pas un matin où Laure Bommelaer ne descende au jardin. « Indispensable pour commencer ma journée : les odeurs, les oiseaux, les insectes… c’est mon coup d’énergie ! ». Et depuis peu, ses flâneries matinales ont une saveur bien plus particulière : le potager du château de la Bussière dont elle a repris la gestion en 2012, vient de recevoir le Grand Prix du Concours national des jardins potagers de France, catégorie ‘Jardin potager privatif dans un environnement paysager’. « Une belle reconnaissance et un hommage au travail effectué depuis son ouverture à la visite en 1992. Ce prix nous a permis également de mener une réflexion sur l’état du jardin qui avait perdu de sa structuration et c’est aussi un challenge qui nous met la pression car il faut maintenant être à la hauteur des Rivaux, Château Colbert, Miromesnil… ».
Tours à pommes de terre, remèdes biologiques, tonte raisonnée…
Philippe de Rainvillers, chef jardinier, démarre une collection de variétés de salades. ©EB
C’est à Philippe de Rainvillers, chef jardinier de La Bussière, que revient cette lourde de tâche. Depuis 2 ans, il a carte blanche pour façonner cet hectare et demi de potager ornemental, tout en conservant évidemment l’héritage et l’esprit de ce petit paradis nourricier du XVIIIe. Son objectif ? « Aller vers une culture la plus raisonnée possible et partir sur des techniques expérimentales ». Comme les buttes de permacultures, les tours à pommes de terre, très productives en un minimum de place, la tonte raisonnée dans le verger de plein vent pour permettre une reconquête de la biodiversité, paillage de roseaux et de fougères, ou encore des essais d’association de plantes qui vont s’aider à pousser : « Le haricot et la tomate par exemple. En fixant l’azote du sol, le haricot en fait profiter la tomate, explique Philippe. La carotte et le poireau qui se protègent mutuellement de la mouche du poireau et de la mouche de la carotte. Le chou et la laitue qui va agir comme répulsif et éloigner l’altise du chou. Ou encore de l’échalotte entre les pieds de fraisiers dont la forte odeur va éloigner les souris qui en raffolent ». Autant d’expérimentations dont les techniques et le bien-fondé sont expliqués en ligne grâce désormais à des QR codes flashables avec les téléphones portables.
Une forêt-jardin et un nouveau Garden Game
Une audace qui aura séduit le jury du concours mais pas seulement. La propreté du potager aussi grâce au « tout manuel, à la houe maraichère et à l’huile de coude ! », insiste Laure Bommelaer. « Le désherbage c’est une bataille perpétuelle avec la météo et le zéro phyto qui est un vrai challenge », tout comme la préservation et la gestion des collections botaniques : une vingtaine de variétés de pivoines, une centaine de variétés de roses dont la dénommée ‘Château de La Bussière’ a spécialement été créée en 2015 par le rosiériste André Eve. « Les plus anciennement plantées datent de 1911 comme l’emblématique Comte de Chambord dont on lançait les pétales à la Fête Dieu, poursuit la propriétaire. Beaucoup de grimpants, pas tous identifiés, issus de coups de cœur de membres de la famille ». Sans oublier les tomates, une cinquantaine de variétés, la collection de cucurbitacées, d’iris, et bientôt de salades qu’entame le chef jardinier ! « De belles plantes aux multiples formes et couleurs, avec de beaux reflets. »
Laure Bommelaer active la manivelle du puits du potager toujours en fonction. ©EB
Ouvert l’été à la cueillette des petits fruits rouges – groseilles, cassis, casseilles, mûres, framboises dont le potager compte aujourd’hui quelque 1500 pieds ! –, le parc du château donnera bientôt des mûres et des framboises en sous bois : « Une autre expérimentation de forêt-jardin, un écosytème autonome qui pousse tout seul et qui se déguste au hasard de la balade », explique Philippe de Rainvillers.
Encore faudra t-il les trouver ! Tout comme ce rosier éternel, star du nouveau jeu de piste botanique du château de la Bussière, « Garden Game », à découvrir en mai dès la Pentecôte. « Un jeu d’une heure et demi, pour la famille et les grands enfants, et les séminaires d’entreprise qui fait appel à l’orientation, l’observation, les mesures, des codes et certaines connaissances botaniques… », explique Laure. L’occasion d’un parcours inédit à travers le domaine et ce jardin apaisant, aux multiples facettes, aussi esthétique que généreux, à l’image de ses propriétaires qui en ont fait plus qu’un écrin pour le château, un vrai lieu de partage d’une partie de leur vie.
Estelle Boutheloup
Photo de Une ©Ch.LaBussière