En juillet dernier, Ennio Morricone rendait son dernier souffle, lui qui comme son père était au départ trompettiste. Magcentre lui a rendu hommage le 11 juillet (https://www.magcentre.fr/198913-ennio-morricone-le-cineaste-du-son-nest-plus/) parce que son inventivité et son style le plaçaient au premier rang des artistes importants du XXe siècle. En octobre 2020, le quartet de Stefano di Battista est entré en studio pour jouer des reprises de sa musique. Des partitions connues et d’autres moins. Ils ont joué, tout simplement, sur les thèmes choisis. En restant eux-mêmes, en restant jazzmen. En racontant Morricone.
Il y a des thèmes archi-connus, venant de films de Sergio Leone entre autres (le thème de Deborah dans Il était une fois en Amérique reste toujours aussi prenant !) mais il y a aussi de très beaux thèmes ressortis des archives, comme celui de What have you done to Solange, film des années soixante-dix de Massimo Dallamano jamais sorti en France, que le quartet joue dans un jazz libre et ornementé, avec solo de saxo puis de piano, et on dirait vraiment un morceau original. Ou la musique de Peur sur la ville, de Verneuil, avec un nombre incalculable de cascades de Belmondo, très en forme en ce début des années soixante-dix. Le petit air sifflé rappelle la marque de fabrique de Morricone mais les volutes de Stefano au saxo s’affranchissent de l’original sans pour autant le trahir. Et là est la grande réussite de ce quartet, jouer vraiment les partitions et les thèmes, mais surtout jouer le jazz qu’ils adorent. Comme cette ballade tirée de La Drôle d’affaire (La cosa buffa), film italien d’Aldo Lado sorti en 1974, où les balais de Ceccarelli font merveille.
Un quartet au sommet de sa forme
Le quartet de Stefano di Battista (assis avec André Ceccarelli).
Frédéric Nardin derrière lui et Daniele Sorrentino. Photo Pascale Cholet
Car c’est du jazz, vraiment. Cette musique pulse comme les standards, avec des riffs de piano, une batterie sautillante ou langoureuse. Le saxo de Stefano, sans en rajouter, émeut comme les films qu’il évoque. Les ambiances sont là, on (re)voit presque les images pour les plus connus, mais en même temps, c’est du jazz plein, inventif et malicieux, chaloupé (La donna della domenica, qui se développe avec une liberté digne du free jazz pour le saxo, avec un impressionnant travail de fond de la batterie).
Et au milieu, il y a un morceau qui ne vient pas d’un film. Dans une interview donnée par Chloë Cambreling à France Culture, Stefano raconte qu’Ennio et lui ont souvent collaboré et pour le remercier, le compositeur lui a offert une partition dédiée à sa fille Flora. « L’un des plus beaux cadeaux de la vie ! », dit-il. Un thème magnifique de ballade douce et un peu nostalgique. Stefano publie sur la pochette de la version vinyle la photo de cette partition écrite à la main par le maestro !
Des cadeaux, Ennio Morricone n’a cessé d’en faire aux gens de cinéma, mais au public aussi, tant son style a marqué plus de quarante ans de production artistique. Et indirectement aux musiciens eux-mêmes, dont beaucoup font plus que s’inspirer. Et pas toujours ceux que l’on attend. On se souvient que Metallica, le fameux groupe de rock métal, utilise régulièrement The Ecstasy of Gold, sorti tout droit du Bon, la brute et le truand, comme introduction à ses concerts. Ce travail de Stefano n’est sans doute pas le dernier sur la musique de son ami Ennio Morricone, tant son œuvre est riche et importante…
Bernard Cassat
Morricone stories
Stefano Di Battista, saxophones
André Ceccarelli, batterie
Frédéric Nardin, piano
Daniele Sorrentino, contrebasse
Warner / Wm Germany