“Performances” “I’m a Bruja”, transe, métamorphose, jouissive transmission

 
Ça y est le noir est installé dans la salle Vitez du Théâtre d’Orléans. Au loin se devine une femme vêtue d’un manteau. La performeuse porte de très hauts talons puis se dirige vers l’avant-scène. Lumière ! Silence ! Coup de poing dans le ventre pour le spectateur qui découvre cette femme nue sous son manteau. Puis le manteau tombe, Avec une désinvolture précautionneuse, Annabel Guérédrat le lance au premier rang et fait résolument face au public.  Ce dernier, ce mardi, toujours dans le cadre des Soirées Performances de la Scène nationale est restreint compte tenu des conditions sanitaires actuelles. Professionnels et médias sont toutefois présents, de même que des élèves de l’option danse du Lycée Jean Zay,  pour adresser un retour à l’artiste. En ouverture, cette dernière chante en play-back le titre déchiré de Nina Hagen “Naturträne”
 

I’m a bruja©Jean-Baptiste Barret

Magnifique solo d’une femme libre

La lionne martiniquaise nous fait vibrer avec un visage tellement expressif ! Elle illumine la salle, commence de nous emmener dans le monde des Brujas, sorcières, femmes afro caribéennes animées de rituels. L’artiste est touchante, déconcertante, seulement vêtue de transe et de talent. La salle est happée, heureuse, et ce solo est magnifique.  
Celle qui se déplace à présent les pieds nus se dirige vers un cercle de lumières de bougies rouges, un cercle magique où le corps se meut avec volupté, beauté alors que la voix de l’interprète chante avec douceur qu’elle est l’eau. Ici sont convoquées et magnifiées des femmes inspirantes qui ne veulent pas suivre le chemin qu’on leur impose (épouse, mère, femme d’intérieur) mais vivre une vie bien à elle et sans carcans. La transmission opère. 
Dans la succession des états de corps, cette fois elle se vêt, porte une cagoule, danse, hurle avec fureur, entre dans une transe sur fond de musique pop, se fait animale et se transcende sur du Vivaldi de manière émouvante.
De nouveau nue et juchée sur ses talons si hauts, elle défile, cette fois, escortée de barres de néon en fixant le public admiratif et dont le silence est d’une densité palpable. 
 
Remarquable, en fin de performance, Annabel Guérédrat  magnifie son corps, huilé à vue, en versant sur des paillettes argentées et vertes qui adhèrent à sa peau et la transforment en sirène de lumière si belle qui danse sensuellement sur une chanson pop absorbante… Inaccessible et divine, métamorphosée en statue de lumière, elle irradie. Puis les lumières s’évincent jusqu’au noir final. S’élèvent les applaudissements de la salle pour cette femme si belle et libre d’être elle-même comme une urgence.
 
Julia Botti.
 
 

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