Dans la série consacrée aux collectifs citoyens, nous avons rencontré Mme Marjorie Gadenne impliquée avec un groupe de personnes qui œuvre pour la création d’une monnaie locale, sur l’aire de la métropole orléanaise.
Vous participez au projet d’une monnaie locale. C’est quoi cette monnaie ?
Marjorie Gadenne : L’idée des monnaies locales est apparue au début du XXe siècle. Elle a été appliquée, pour la première fois et avec succès, à l’initiative du maire de la ville de Wörgl, en Autriche, pendant la Grande Dépression des années 1930. Une monnaie locale est émise pour une zone géographique limitée. Elle fonctionne légalement en complément de la monnaie nationale. Elle n’a pas de cours boursier et ne peut faire l’objet de spéculation ou d’épargne. Une monnaie locale fonctionne un peu comme un ticket restaurant, mais son usage n’est pas exclusif et permet de développer et multiplier les échanges sur un territoire spécifique.
Contez-nous la naissance de votre collectif et de son projet…
M.G. : Dans le contexte actuel de crise économique, écologique, sanitaire, avec un groupe d’amis, nous cherchions comment agir positivement localement. La proposition de créer une monnaie locale complémentaire et citoyenne (MLCC) s’est imposée. Nous avons alors formé un collectif d’une dizaine de personnes motivées et enthousiastes pour concrétiser cette idée sur l’Orléanais. Aujourd’hui, nous avons constitué une association loi 1901 et un comité de pilotage. L’association se nomme « L’OR-LIANT » et ses statuts sont déposés en préfecture. Nous accueillons à bras ouverts toutes personnes souhaitant nous rejoindre dans cette aventure *.
Quelles sont vos motivations ?
M.G. : Pour obtenir de la monnaie locale, il faut convertir des euros. Les fonds ainsi collectés en euros financent d’autres projets tels ceux proposés par la banque éthique « la Nef ». Néanmoins, notre approche n’est pas purement monétaire. Nous avons trois objectifs prioritaires : recentrer des activités sur un territoire défini, les stimuler et les transformer dans un sens plus durable. Dit autrement, le but est de promouvoir et de développer une économie locale éco-responsable, sociale et solidaire. Ainsi les circuits courts sont favorisés et les émissions de CO2 réduites. La consommation agroalimentaire saisonnière est valorisée. Les acteurs des marchés locaux sont mis en lumière…
Quels sont les bénéfices attendus de cette MLCC ?
M.G. : Nous attendons de notre MLCC des plus-values économiques, mais aussi sociales, démocratiques et environnementales. Le but premier est évidemment de dynamiser les échanges commerciaux sur une zone spécifique avec des créations d’emplois si la demande locale devient plus forte. Cependant, la MLCC n’est pas qu’un outil d’échanges marchands. Elle remet l’argent à la place qu’il ne devrait pas quitter. La vraie richesse est dans l’échange humain et non dans la thésaurisation. La MLCC doit transformer notre rapport à l’argent, nos relations de voisinage et renforcer le sentiment d’appartenance à un territoire. Par sa création populaire, son fonctionnement transparent et démocratique, la MLCC échappe au système vertical habituel de décisions imposées par les autorités (gouvernement, parlement, administrations, etc.). Chaque utilisateur de la MLCC acquiert un pouvoir sur l’économie locale et améliore la solidarité, la sociabilité et un développement humain durable. Avec sa charte, la MLCC a une dimension éthique et écologique qui oblige ses signataires à respecter des bonnes pratiques au regard des enjeux environnementaux actuels.
Où en êtes-vous de ce projet ?
M.G. : Mettre en œuvre une monnaie locale d’une façon pérenne est difficile. Il faut généralement 3 ans pour être opérationnel. Maintenant que nous nous sommes bien appropriés toutes les dimensions du projet et de ses mécanismes, pour gagner du temps et profiter de leurs expériences, nous nous rapprochons des autres monnaies locales déjà existantes dans la région : « Le Passeur » à Châteauneuf sur Loire, la Gabare de Tours et de Vendôme…
Une MLCC ne fonctionne que si elle circule réellement sur le territoire choisi. Il est d’ailleurs préférable de parler d’un bassin de vie où les gens habitent, travaillent, se distraient, se cultivent, se soignent et s’approvisionnent… Le risque est que ce type de monnaie ne soit utilisé que par une poignée de militants. Une MLCC « entre soi » en quelque sorte. C’est pourquoi il y a lieu de faire une large publicité et intéresser le plus grand nombre d’utilisateurs possible.
Pour faire connaître le projet, nous organisons, en visio-conférence pour le public et en présentiel pour les « acteurs », avant la fin du premier semestre 2021, « un Tribunal Citoyen » ** qui répondra à la question provocatrice : « La monnaie locale est-elle une monnaie de singe ? ». Il y aura donc des procureurs de la MLCC et ses défenseurs. Le public/jury questionnera et tranchera…
Propos recueillis par Jean-Paul Briand
*Joindre le collectif : lorliant.45@protonmail.com
** Ce « Tribunal Citoyen » c’est quoi ? C’est un mode d’échanges, un jeu de société grandeur nature, attractif et pédagogique, afin aborder des sujets sérieux et complexes, d’une façon vivante et ludique. Tout comme dans un authentique tribunal, il s’exerce sous l’autorité d’un Président, avec des témoins, qui partagent leurs expériences sur le sujet étudié, des avocats, des procureurs et du public. En début de séance, sept jurés sont tirés au sort parmi l’assistance. Ils rendront une décision commune sur la question posée, après questionnement des témoins et avoir entendu plaidoirie et réquisitoire.
Lien Facebook pour le tribunal citoyen : https://www.facebook.com/events/259950155493510/
Pour en savoir plus :
Un livre : « Les Monnaies Locales » vers un développement responsable, de Marion Cauvet et Baptiste Perrissin Fabert – Editions rue d’Ulm/Sciences Durables
Site gouvernemental sur la monnaie locale : https://www.economie.gouv.fr/particuliers/monnaie-locale
Comment créer une monnaie locale : https://www.colibris-lemouvement.org/passer-a-laction/creer-son-projet/creer-une-monnaie-locale
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