Depuis plusieurs mois, Caroline Janvier, députée LREM du Loiret, poursuit ses consultations au sein d’une mission d’information sur le devenir du cannabis en France. Elle appelle à regarder, enfin, « les choses en face ».
La consommation de Cannabis est illicite en France. Caroline Janvier, députée LREM du Loiret, se bat pour faire changer les lignes politiques et législatives. ©Mourad Guichard
Pour Caroline Janvier, députée LREM du Loiret, la France doit sortir de l’hypocrisie liée à la consommation de cannabis, notamment celle pour des raisons dites récréatives. « Les politiques répressives en la matière ont apporté la preuve de leur inefficacité et il faut désormais s’attaquer à ce vrai sujet de société avec courage », assure la parlementaire. Sans quoi, la coupure entre la classe politique et les Français pourrait, selon elle, se creuser de manière préjudiciable. « Nous avons tenté d’aborder la question au travers de deux dimensions : la sécurité et la santé », précise-t-elle. Sur ce second aspect, l’élue brandit plusieurs rapports et études, dont les données de comparaison des risques associés à la consommation de cannabis par rapport à d’autres substances (résumé du rapport du professeur Bernard Roques de 1998, publié ci-dessous).
Capture écran – Wikipédia
Cette étude est sans appel. Alors qu’elle place, pour plusieurs dépendances, l’alcool, le tabac et l’héroïne sur le même niveau, elle dédouane pratiquement les cannabinoïdes de ces mêmes travers. « Mondialement, la mortalité est très importante concernant la consommation de tabac et d’alcool », confirme Caroline Janvier, qui siège à la commission sociale de l’Assemblée nationale et qui souhaite que l’accent soit mis sur la prévention. « En plus de la mortalité, il y a des répercussions sur l’entourage ainsi que, je le redis, des risques de dépendance sans commune mesure avec le cannabis. Or, dans nos sociétés, l’alcool est banalisé tandis que des fantasmes courent autour du cannabis ». Selon l’élue du Loiret, c’est notamment parce que l’État ne perçoit pas de taxe que l’approche demeure morale et idéologique.
Sécurité et répression en question
Sur le versant répressif et sécuritaire, avec de faibles résultats sur la revente et la consommation, ce sont 600 millions d’euros qui y sont consacrés annuellement, dont les trois quarts relatifs à la mobilisation des forces de l’ordre. En parallèle, seuls 45 millions d’euros vont à la prévention et aux soins des consommateurs. « Il faut savoir que le taux de THC (agent actif du cannabis, NDLR) augmente chaque année sans possibilité, pour les pouvoirs publics, de vérification, puisque ces produits illicites ne sont pas soumis aux contrôles, comme l’alcool et le tabac », regrette la députée. « Si l’État reprenait le contrôle de la production, de la distribution et de la consommation, notamment chez les jeunes les plus vulnérables, au cerveau en construction, les choses pourraient s’améliorer. Aujourd’hui, ce sont les marchés internationaux qui régissent le marché et qui ont intérêt à rendre les clientèles addicts par le biais d’adjuvants. Le modèle prohibitif augmente le risque de consommation d’autres drogues par proposition et l’État en est quelque part complice par son laisser-faire ». Cette accusation de complicité s’expliquerait également par l’absence d’assistance aux mineurs et l’abandon de nombreux quartiers populaires abimés par les trafics.
Une fois cette reprise en main du marché par les pouvoirs publics et la légalisation du cannabis, que faire pour compenser la chute vertigineuse de l’économie parallèle qui représente, selon les estimations, entre 2 et 4 milliards d’euros chaque année en France ? L’élue n’a pas d’idée totalement arrêtée et continue de consulter, en se nourrissant, y compris, des exemples nord-américains en pointe sur ces questions. « Avant de construire un autre modèle, il faut effectivement se questionner sur la manière d’intégrer les circuits existants. Il faut essayer de le faire avec leur expertise propre. Il est nécessaire de s’y atteler, sans quoi, ce sera toute une économie qui s’écroulera avec le risque que ses acteurs se tournent vers des substances autrement plus dangereuses », prévient-elle. Pour ce faire, elle propose qu’une partie importante des recettes fiscales soit ciblée vers les quartiers de revente, sans quoi, le risque serait réel de voir émerger un nouveau marché noir.
Afin de nourrir les discussions, notamment dans la perspective de la présidentielle 2022, Caroline Janvier recueille également l’avis des citoyens et consommateurs au travers d’un questionnaire hébergé par le site de l’Assemblée nationale jusqu’au 28 février prochain. Le rapport de la mission d’information doit être remis courant avril 2021.
La France compte environ 900 000 consommateurs de cannabis quotidiens, pour un trafic représentant 700 tonnes. Cinq millions de Français avouent en consommer occasionnellement, tandis qu’un sur deux dit y avoir déjà goûté.
Mourad Guichard