Au cours de la vente aux enchères baptisée « Parisienne 2021 », la Matra MS 670 victorieuse des 24 heures du Mans, pièce maîtresse de la journée, a été attribuée à 6,9 millions d’euros, frais inclus. Pour l’heure, on ne sait pas encore quelle est la destination de la mythique voiture de la saga automobile de l’ère de Jean-luc Lagardère.
La mythique Matra MS 670 lors de son premier et dernier roulage, en Septembre 2010, après avoir été retapée et installée dans le musée Matra de Romorantin. ©Fabrice Simoes
Ce vendredi, lors la traditionnelle vente aux enchères « Parisienne 2021 » organisée par Artcurial Motorcars, quarante-deux lots étaient proposés à la vente. Une Porsche 550A Spyder de 1957 (estimation entre 3,8 et 4,4 millions d’euros) et d’autres autos mythiques étaient au catalogue : Renault 5 Maxi Turbo, Peugeot 205 Turbo 16 Evo 2, Lancia Delta S4, Audi Sport quattro S1, MG Metro 6R4, Lancia 037 et Ford RS200 usine. D’ailleurs, le rallye a été à l’honneur au cours de la vente puisque l’Audi Sport quattro S1 de Michelle Mouton et consorts a vu le prix grimper jusqu’à 1 750 000 euros, (hors frais) ce qui en fait la voiture, pour la discipline, la plus chère du monde vendue aux enchères. Quant à la 205 Peugeot gagnante du Tour de Corse 86 avec à son volant Bruno Saby, elle est partie à 820 000 euros.
Le compteur s’est bloqué à 5 millions pour la MS 670. Capture écran
La MS 670 présentée à la vente était en “configuration de la gagnante des 24 Heures du Mans 1973″, même si le châssis 670-01 était bien celui qui s’était imposé aux 24 Heures du Mans 1972 aux mains d’Henri Pescarolo et Graham Hill. Depuis sa mise sur la piste en mars 1972, elle n’avait jamais quitté l’environnement Matra et était, jusqu’à ces derniers mois, exposée dans le musée Matra de Romorantin.
Après un démarrage timide à 3 millions, le lot n°5, celui de la MS 670, a finalement été attribué 5 millions d’euros soit 6 907 200 euros avec les frais inhérents. Plus que le minima estimé, nettement moins que l’estimation optimale… Et largement de quoi couvrir les frais de la procédure engagée face aux anciens salariés de l’entreprise Matra.
Une vente « obligatoire » ou un scandale, c’est selon
Tandis que l’annonce de la vente de la MS 670 en exposition dans le musée Matra de Romorantin avait créé un certain émoi chez les amoureux des sports automobiles, le co-gérant du Groupe Lagardère, Thierry Funck-Brentano, avait expliqué que la vente était nécessaire. La Matra MS 670 « devait » être vendue. « Toute la richesse de nos souvenirs de la saga Matra dans le sport automobile ne peut compenser l’obligation pour le Groupe Lagardère d’honorer les suites d’une décision de justice défavorable en janvier 2020 dans une affaire de droit social de Matra Automobile, 18 ans après sa fermeture. D’où la mise en vente aux enchères, en toute transparence, de la Matra gagnante des 24 heures du Mans 1972 », assurait-il à l’époque.
Henri Pescarolo avait pris une dernière fois le volant de la MS670 en septembre 2010. ©Fabrice Simoes
Une vente que son pilote emblématique, Henri Pescarolo, a vivement critiquée. Même s’il n’est plus dans le monde automobile, il ne dit pas qu’il est rangé des voitures mais presque, et même s’il ne comprend pas trop qu’on lui demande ce qu’il en pense, il avoue facilement être outré de l’attitude du successeur de Jean-Luc Lagardère. “Pesca” n’a jamais eu la langue dans sa poche et l’attitude du groupe Lagardère le fait rapidement monter dans les tours.
Certes, le volume sonore n’augmente pas mais on approche très vite du rupteur. « C’est un scandale que le fils Lagardère ose la vendre. Nous on voulait que cette voiture, et d’autres aussi, soit classée en monument national pour la protéger justement. Tous les constructeurs fiers de leur passé ont un musée, que ce soit Porsche, Peugeot, Mercedes, ou autres. Il y avait un beau musée Matra. Les prototypes des voitures de séries étaient là. Les prototypes de celles qui ont couru étaient là. C’est un scandale que son fils ose fourguer ce que son père a fait ! Lui n’a participé en rien du tout à l’aventure automobile Matra. Son excuse est bidon. Le déficit se compte en centaine de millions. Ce n’est pas en vendant une voiture 3 millions que cela va changer grand-chose. En plus cette excuse de procès perdu voilà quinze ans, ça avait été provisionné. C’est une excuse à la con qui sort en ce moment. Je ne réagis même pas comme un pilote qui a conduit cette voiture mais comme un français moyen. Quelle parte aux Îles Vierges ou à Honolulu, je trouve ça scandaleux de brader le patrimoine national ! »
Du côté des représentants des salariés licenciés en 2002 et 2003, on est tout autant scandalisé. Régis Barboux (CGT) dénonce, outre le « scandale » de la vente en elle-même, l’attitude de Lagardère : « C’est une honte de prendre comme prétexte, assez fallacieux, d’avoir à payer ce qu’il doit après les licenciements abusifs qu’il a fait en 2002 et 2003. C’est scandaleux. C’est le patrimoine national (…) j’espère qu’elle reste en France mais de toute façon ce sera dans une collection privée, malheureusement », explique-t-il.
De toute manière, collection privée ou pas, visible par le public ou pas, pour Henri Pescarolo, la chose est entendue : « À partir du moment où cette voiture est sortie de Romorantin, ils peuvent en faire de la guimauve… »
Fabrice Simoes