Un collectif de dix photographes s’est constitué pour créer un livre photographique de l’ancienne prison d’Orléans : 1896-2019, Prison d’Orléans. Un témoignage précieux en 100 photos de l’édifice aujourd’hui détruit afin d’en garder une trace.
Immortaliser les lieux avant sa disparition définitive. C’est tout le travail effectué par un collectif de dix photographes, composé de Céline Bernardo, Thierry Blanchard, Manuela Bourboulon, Arnaud Bouton, Enzo de Kolor, Vincent Pasquier, Jordan Poudroux, Pierre Ruprecht, Mitch Taillandier et Julien Weiss. Ils se sont réunis pour réaliser un ouvrage composé de 100 photographies (dix par auteur) afin de pérenniser l’ancienne prison d’Orléans (Loiret) dans 1896-2019, Prison d’Orléans.
Illustration du livre 1896-2019, prison d’Orléans – crédit photographique : Céline Bernardo
Située en pleine ville sur le boulevard Guy-Marie-Riobé, en face de l’église Jeanne-d’Arc, la maison d’arrêt est aujourd’hui démolie pour laisser sa place à un centre aquatique. « L’idée était vraiment d’effectuer un travail de mémoire, de laisser une trace quelque part d’un symbole d’Orléans », explique Jordan Poudroux, l’un des instigateurs du projet avec Enzo de Kolor et Julien Weiss. « Aujourd’hui, il n’y a plus de trace de la prison d’Orléans dans la ville, à part notre livre et des éventuelles photos prises quand elle était là, ajoute Julien Weiss. C’est le rôle du photographe de capturer un moment fugace. »
Gravée à perpétuité
L’idée prend racine fin 2018 – début 2019 lorsque, fait rare, le pénitencier ouvre ses portes au grand public pour des visites guidées d’une quarantaine de minutes, organisées par l’office du tourisme. « Par mon employeur qui s’occupait de la démolition, j’ai pu avoir les clés, certains d’entre nous ont donc pu profiter de cette opportunité pour accéder vraiment à l’ensemble de la prison, détaille Jordan Poudroux. Puis le projet a un peu dormi et on a profité du premier confinement pour le relancer, avant de l’achever avec le livre entre nos mains à la fin d’année 2020. »
Illustration du livre 1896-2019, prison d’Orléans – crédit photographique : Thierry Blanchard
Pour parvenir au produit final, l’ensemble des photographes a apporté son propre regard et fait parler liberté de création dans un lieu de restriction de liberté. « Chacun est venu avec son œil et sa technique, poursuit Jordan Poudroux. Le résultat est très hétéroclite en termes de technique et de point de vue. Certains ont fait des photos très travaillées, tandis que d’autres ont tout fait au téléphone portable. On est très content de cette diversité. »
Une expérience marquante
Au fil des pages, l’ancienne prison au cœur de la ville-préfecture du Loiret se dévoile, à travers des recoins sombres, les cellules ou encore de grandes fresques sur les imposants murs, comme si les prisonniers, pourtant partis dès 2014, étaient encore là hier encore. « Dès le départ la prise de photos a été difficile, confie Jordan Poudroux. Se dire que rien n’a bougé depuis 2014 et que, seulement quatre ans avant, il y avait encore des gens dans cette prison qui a l’air complètement vétuste et hors d’usage, c’est assez bousculant comme expérience. » Et Julien Weiss d’ajouter : « Il reste une sensation étrange de visiter une prison vide laissée à l’abandon. Le lieu laisse aussi une marque sur nous, sur la manière dont on le regarde. Par exemple, avec les visites guidées on a appris qu’ils pouvaient être jusqu’à cinq dans certaines cellules de huit mètres carré, avec des difficultés aux accès aux douches puisqu’il n’y en avait pas assez pour tout le monde. » La prison comptait alors plus de 250 personnes pour seulement 100 places.
Illustration du livre 1896-2019, prison d’Orléans – crédit photographique : Manuela Bourboulon
« Il y a cette prison sans lumière, sans chauffage, glaciale, qui montre bien qu’une prison n’est pas un endroit très humain, même si on essaye d’y avoir des services de réinsertion, continue-t-il. Une prison de la fin du XIXe siècle surtout, on n’avait pas cette conscience politique. Elle est très déshumanisante avec les hauts murs, cette grande cour avec des filets anti-projections et anti-suicides, les photos parlent d’elles-mêmes. Le lieu est peu avenant, on n’a pas envie d’y rester. »
Mais pénétrer à l’intérieur et photographier une prison n’est pas un acte anodin et suscite aussi des réflexions sur le milieu carcéral. « Pourquoi on a décidé de retirer la prison du centre-ville ? s’interroge Julien Weiss. Pourquoi avoir besoin d’éloigner de la société et des villes ceux qui ont fauté ? Qui est-ce qu’on met en prison et pourquoi autant ? Est-ce qu’il n’y aurait pas des alternatives à trouver ? »
Delphine Toujas
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