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L’adoption de la charte de la laïcité par la majorité LR d’Orléans n’en finit pas de provoquer stupeur et incompréhension. Au cœur de cette polémique, l’article 7 qui sanctuarise la possibilité, pour les élus, de porter l’écharpe républicaine durant la messe johannique du 8 mai, communion comprise. « Dès lors qu’ils portent les effets distinctifs de leur fonction, les élus s’astreindront au strict respect de la neutralité républicaine lors des cérémonies religieuses , instaure-t-il, avant de corriger : Le caractère national, historique et exceptionnel des fêtes johanniques constitue la seule exception à cette règle. » Soit une laïcité à géométrie variable et réduite dans le temps.
Le Parti socialiste a aussitôt indiqué qu’il portait l’affaire devant l’Observatoire de la laïcité et qu’il saisissait le gouvernement
via la ministre des Territoires, Jacqueline Gourault. Chose faite ce lundi matin.
Le Parti communiste, par la voix de Dominique Tripet, doit saisir le tribunal administratif en milieu de semaine.
Les élus « Ensemble pour Orléans » (LREM) ont aussi réagi en dénonçant «
une exception au principe de laïcité inadmissible, dangereuse et injustifiable », tandis que La France Insoumise de l’Orléanais taxait la charte d’ «
outrage fait à la loi de 1905 » sur la séparation des Églises et de l’État.
Un bras de fer
Face à ce bras de fer, Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, organisme national indépendant dont les avis sont toujours pondérés et argumentés, a tenu à poser quelques principes basiques. « Cette charte comporte des imprécisions et erreurs de droit », analyse-t-il pour Magcentre. « Lorsqu’un élu municipal est soumis à la neutralité, c’est-à-dire lorsqu’il représente l’administration municipale ou exerce une mission de service public, il ne peut s’abstenir du principe de neutralité à l’occasion d’une cérémonie religieuse, au seul prétexte que celle-ci se tiendrait au moment des fêtes johanniques, manifestation par ailleurs culturelle et traditionnelle, et non cultuelle ». Selon lui, le cadre juridique et politique laïque français défini, notamment, par la loi de 1905, ne peut supporter une application à géométrie variable « selon les circonstances et les convictions des uns et des autres ». Autrement dit, ce qu’applique à la lettre Serge Grouard, le maire LR d’Orléans, soutien inconditionnel de cette charte.
« Nous avons un maire qui, d’un côté, demande aux Musulmans de mettre leur religion dans leur poche, voire de l’abandonner. Et de l’autre, qui s’autorise à ne pas respecter la loi, alors qu’il prône l’ordre et la loi », s’insurge Fabien, un auditeur qui s’exprimait ce lundi matin sur France Bleu. « Est-ce à dire qu’Orléans n’est pas la France si elle s’affranchit des lois françaises ? Si les coutumes du moyen-âge, c’était d’épouser des filles de 14 ans, on y retourne ? On coupe aussi les mains des voleurs ? On est dans un état de droit quand même ! ». Fabien, comme beaucoup d’autres internautes, s’interrogent sur la possibilité laissée à un élu de participer à des cérémonies religieuses juives ou musulmanes drapé de son écharpe tricolore. Contactée à ce sujet, la mairie d’Orléans n’avait toujours pas répondu ce lundi soir. « Ça crée une discrimination supplémentaire dont nous n’avons pas besoin en ce moment », poursuit Fabien. « Mais peut-être que la nouvelle star de CNews a besoin à ce point de polémiquer pour exister ».
Pour Nicolas Cadène, la situation d’un élu présent dans une enceinte religieuse est très claire. « L’élu ne pourra pas se signer ou communier. Il ne peut y avoir d’exception sur ce point, sauf à vouloir défendre une “laïcité à la carte”, qui n’aurait plus rien à voir avec notre laïcité, insiste-t-il. Il n’y a qu’une seule laïcité et l’adjectiver ne ferait qu’en minorer la portée. »
Mourad Guichard