Le 11 septembre dernier, on rendait compte dans ces colonnes de la résidence du grand orchestre du Tricot à Musique et équilibre. Ils préparaient un opus à partir de musiques écrites par Serge Ceccaldi, le père de Théo et Valentin et le fondateur de l’association musicale, où presque tous les membres du Tricollectif se sont formés et rencontrés. Et voilà, Constantine sort cette semaine en numérique et dans les bacs. Un hommage au père et professeur, né à Constantine.
Le Tricollectif en répétition
C’est un voyage, bien sûr, que nous proposent les frères Ceccaldi et le Tricot. Un voyage dans la musique de Serge, donc marqué par Constantine, puisque c’est là qu’il est né. Alors bien sûr, ils ont invité des « orientaux ». Leïla Martial la chanteuse vocaliste, qui déroule ses onomatopées mélodiques et mélodieuses dans Ampsaga. Elle module aussi un poême Sous les plis de l’aurore, lente montée en puissance magnifique de la voix mais aussi des images proposées, avec une apothéose pleine et intense.
De l’Orient vient aussi Yom, qui amène son bout de désert dans Le retour des perdrix. Le son de sa clarinette et celui du violon de Théo s’accordent à merveille pour évoquer ce Sud originel. Et puis la voix malicieuse de Fantazio, le performer contrebassiste, dans Une bonne dose de vent. Il mélange ses thèmes aux ruelles de Constantine, il y voit Franz Fanon et Jean Oury. Et l’orchestre, comme dans la tradition andalouse, ponctue les couplets. Abdullah Miniawy, au contraire, dans Falak Falak, est plus intime, modulant les sons de la langue arabe. Le chant et le violon se répondent, aussi déchirants l’un que l’autre, installant une présence forte et prenante de la spiritualité, une montée viscérale vers l’esprit.
Un voyage dans les musiques des invités
Pourtant le voyage n’est pas seulement géographique. Il y a aussi les amis invités qui viennent déployer leurs univers musicaux et partager avec l’orchestre des moments intenses. Thomas de Pourquery, par exemple. Dans La règle du scarabée, au son très proche du Supersonic Orchestra, il s’emballe et s’éteint comme un refrain et des couplets, mais s’en libère, évidemment, pour laisser à l’orchestre du Tricot tout son développement. Il n’est ici qu’un invité ! Il y a Emile Parisien aussi, le grand frère, qui entre tout doucement dans Sigognac. D’abord tout doux, très phrasé, il rentre ensuite dans ses propres sonorités et offre de sublimes volutes sur l’épine dorsale mélodique de l’orchestre. Ils arrivent à une manifestation collective endiablée, carnavalesque et enfantine absolument réjouissante.
La trace du papillon, c’est Airelle Besson et sa voluptueuse trompette, son ouaté qui domine le groupe rythmique, vibre dans l’atmosphère et vient passer un moment de plaisir avec les Tricot. Et même Michel Portal au bandonéon, lancé dans un tango époustouflant qu’il rehausse d’un son amusé de clarinette avec tout l’orchestre déchaîné mais efficace, comme toujours, et Théo qui relance au violon l’érotisme intense de ces rythmes sud américains.
Une étape sur un chemin brillant
Et c’est sur un texte de, et dit par, Robin Mercier que se termine ce voyage à Constantine, ce retour aux sources qui est aussi une magnifique étape dans l’avancée de ces jeunes musiciens talentueux. Ils ont fait du chemin depuis dix ans qu’ils se sont constitués en collectif. Désormais bien installés dans ce jazz moderne qui brasse tous les genres et revendique beaucoup de sources et d’influences, ils offrent ici un accueil qui permet à tous les invités de donner le meilleur d’eux mêmes. Preuve s’il en faut que la maille de ce Tricot propose à tous un confort de chaleur, de qualité, d’écoute et de plaisir, y compris à l’auditeur, bien entendu !
Bernard Cassat
Constantine
Invités
Airelle Besson : trompette
Fantazio : voix
Leïla Martial : voix
Abdullah Miniawy : voix
Emile Parisien : sax soprano
Michel Portal : bandonéon, clarinette basse
Thomas de Pourquery : voix, sax alto
Yom : clarinette
Le Grand Orchestre du Tricot
Robin Mercier : récitant
Théo Ceccaldi : violon
Quentin Biardeau : sax tenor, claviers
Gabriel Lemaire : saxophones, clarinettes
Guillaume Aknine : guitares
Roberto Negro : piano, claviers
Valentin Ceccaldi : violoncelle, basse
Florian Satche : batterie, percussions
Adrien Chennebault : batterie, percussions
Direction artistique & conception
Valentin & Théo CeccaldiMusique originale : Serge Ceccaldi
Arrangements : Valentin Ceccaldi, Théo Ceccaldi, Quentin Biardeau, Roberto Negro
Textes : Robin Mercier, Fantazio, Abdullah Miniawy
Son : Mathieu Pion, Pierre-Emmanuel MériaudProduction : Tricollectif / Full Rhizome
Co-Production : Maison de la musique de Nanterre.
Ensemble aidé par le Ministère de la culture/Direction régionale des affaires culturelles du Centre-Val de Loire, au titre de l’aide aux ensembles conventionnés.
Avec le soutien de la Région Ile de France.
CD Brouhaha, dist. L’autre distribution
Sortie le 11 décembre 2020