Le titre est fort, accrocheur, provocateur… et résonne de façon terrible dans le contexte d’aujourd’hui. À l’heure où les musiciens sont percutés de plein fouet dans ce qui fait leur essence, leur vie, leur raison d’être, poser un deal entre la musique ou la mort est une réalité effrayante. Heureusement, le livre publié par Claude Hagège chez Odile Jacob en septembre 2020, propose bien d’autres alternatives que cet ultimatum « jusqu’auboutiste ».
L’ouvrage de Claude Hagège sorti en septembre 2020 ©Anne-Cécile Chapuis
C’est un ouvrage très documenté qui offre un panorama de la musique dans tous ses aspects. Un de plus, diriez-vous ? Certes, la bibliographie est prolixe sur le sujet mais l’angle ici proposé a son originalité. Bien sûr, on y trouve les grands standards de la définition de la musique que l’on aborde dès les premières leçons de solfège (timbre, durée, hauteur, intensité…) mais celles-ci sont creusées, référencées, revisitées bien au-delà des composantes académiques ou occidentales.
Le plan de l’ouvrage est original et rien que la lecture du sommaire met en appétit, ouvrant sur un chemin inédit et empreint de la passion de l’auteur : « Ineffables bonheurs de l’opéra », « Joies infinies de la polyphonie… », « Félicité de tous » donnent un aperçu de la tonalité dans laquelle se situe ce livre. L’auteur ratisse large, la musique au sens large est détaillée à travers ses nombreuses formes, genres, son organologie, ses fondements ou ses interprètes.
Les références sont plurielles et l’auteur va les chercher très loin, dans les sphères de la philosophie ou de la linguistique, entre autres. Ainsi, reprenant les interrogations de Jankelevitch, la sonate serait une plaidoirie, la fugue une dissertation, l’oratorio un sermon…
Linguiste de renommée
Car Claude Hagège est un linguiste de renommée mondiale et nombreuses sont ses publications dans ce domaine. Mais la musique est « l’autre passion de (sa) vie » et son appartenance à un monde hors du sérail donne à son ouvrage une ouverture et un langage qui sortent des sentiers battus.
Un large chapitre est consacré à l’opéra, avec le rôle primordial du mot sur la mélodie (chez Monteverdi) et où, chez Mozart, « chaque langue possède sa musique inhérente ». Claude Hagège porte aussi un regard émerveillé autant que bienveillant sur les « virtuoses » dont regorge la musique à toutes époques.
Les idées force sont savamment mises en exergue tout au long de l’écrit par des phrases clé que l’auteur emprunte parfois à d’illustres auteurs et de belles illustrations soulignent le propos. Tout ceci sert la thèse d’une musique profondément intime et indispensable qui, selon Baudelaire « vous parle de vous-même ».
En tout état de cause, laissons à l’auteur le mot de la fin : « La musique et la vie ont un lien profond. » Dont acte !
Anne-Cécile CHAPUIS
Claude Hagège, La musique ou la mort, Paris, Odile Jacob, septembre 2020, 223 pages