Alors que des millions d’élèves vont reprendre, ce lundi 2 novembre, le chemin de leur établissement scolaire, l’annonce gouvernementale de la mise en place d’un nouveau « protocole sanitaire » renforcé laisse les responsables éducatifs sceptiques. L’un d’eux, cadre dans un lycée de Bourges (Cher), a confié ses doutes à Magcentre.
MC Avez-vous reçu ce fameux protocole sanitaire renforcé?
À ce jour, je n’ai rien reçu. Ni de mon institution, ni de mon chef d’établissement. Cependant, j’ai pu le consulter comme beaucoup d’autres collègues via les médias, les syndicats et les réseaux sociaux sur lequel il circule. Ce document de huit pages daté de novembre 2020, se veut être une nouvelle mouture du protocole de septembre. Dans les faits, il est inapplicable, c’est de la pure communication politique.
MC Qu’avance-t-il comme règles, comme préconisations sanitaires?
Il donne des consignes sur la distanciation qui doit être d’un mètre entre deux élèves. Mais uniquement « dans la mesure du possible ». Et c’est là que le bat blesse, car cette distanciation est tout simplement inapplicable. Que ce soit dans la cour de récréation où les élèves s’agglutinent ou au self où ils se retrouvent les uns derrières les autres avec leur plateau, ça relève du fantasme que d’imaginer une distanciation physique acceptable.
Déjà qu’en temps normal, en commençant à 11h30 pour finir à 14 heures, nous avons du mal à faire manger tous nos élèves dans des conditions satisfaisantes, imaginez la faisabilité en pleine crise sanitaire. Quant aux salles de classe, elles ne sont pas du tout équipées pour recevoir une trentaine d’élèves avec le respect des distances. Sauf à multiplier leur volume par trois. Globalement, aujourd’hui, aucun établissement n’est calibré pour appliquer ces règles sanitaires.
MC Que faudrait-il faire pour que ce protocole sanitaire ait un sens, selon vous?
La seule solution, que je ne prône pas forcément, c’est de recevoir de nouveau les élèves par petits groupes, chacun leur tour. Une semaine en présentiel pour une semaine en distanciel, comme au moment du premier confinement. Mais ce protocole provoquerait un double emploi du temps pour les enseignants qui devraient, en permanence, gérer les deux groupes.
Et il aurait fallu, a minima, tirer le bilan de ce qui a marché et de ce qui n’a pas fonctionné à l’occasion du confinement de mars dernier, ce qui n’a pas été fait. Il faudrait ensuite unifier les moyens de correspondance qui vont du courriel aux messages via Pronote, la plateforme numérique de l’Éducation nationale. Ce serait également l’occasion d’avancer sur la numérisation des programmes scolaires, sachant que certains élèves ne sont toujours pas équipés d’ordinateurs et de connexion internet. Sans toutes ces prises en compte, le nouveau protocole sanitaire renforcé ne relève que d’une volonté d’affichage.
Recueillis par MouradGuichard