31 octobre 2020, le monde est en pleine crise de pandémie de COVID-19 et une partie de l’humanité est confinée ou re-confinée comme en France.
La France traverse aussi une autre crise qu’elle tente de résoudre.
Après le meurtre de Samuel Paty, mort car il faisait son métier d’enseignant et représentait la liberté d’expression et cette idée d’une France libre de l’exprimer, l’escalade continue…
Un enchaînement d’incompréhensions, d’intolérances, de division, de frustrations aussi que l’on sentait latents mais qui s’exposent suite au contexte, et que certaines forces néfastes exploitent pour avancer leur agenda…
Ce sont 3 autres personnes tuées dans un acte terroriste…quelques jours plus tard.
La France s’émeut de cette cruauté, et est sous le choc de cette barbarie ;
Ce qu’un être humain ressent, lorsqu’il comprend que l’un de ses semblables innocent a été assassiné, de manière cruelle. Qu’une vie a été prise dans la violence.
Cette question nous met face à notre propre humanité et l’expression dans cette émotion du rapport à cette loi du Talion qui nous suit depuis la nuit des temps…depuis le Royaume de Babylone.
Et on peut ressentir colère et indignation.
Nous condamnons collectivement cet acte moralement. Oui.
Mais quelle réponse donner à des crimes cruels ?
La Loi française et la justice nous donnent un cadre ; et des procureurs, avocats, magistrats, juges, jurés, personnels judiciaires, tentent de rendre cette justice quotidiennement.
J’ai été cette personne, un jour, sélectionnée parmi les français pour rendre cette justice, dans plusieurs procès aux assises, durant une semaine de ma vie. Un matin comme cela sans y être vraiment préparée, autrement que recevoir un courrier.
J’ai accepté de participer à rendre cette justice avec l’idée de le faire le plus justement possible, en tant que citoyenne, tout en sachant que cette justice n’est pas parfaite car elle est humaine. Que je pouvais être susceptible de me tromper.
Car oui les hommes sont imparfaits, les conditions peuvent l’être parfois et les verdicts aussi. Mais la Justice doit avoir lieu.
Nous sommes le 18 septembre 2020, jour de mon anniversaire lorsque je tombe sur cette publication qui annonce que d’après un sondage réalisé quelques jours avant, 55% des français seraient favorables au retour de la peine de mort ; cette peine de mort abolie en France un 18 septembre justement en 1981 après 2 siècles de débat au Parlement.
Car oui avant cela il était possible pour une Cour pénale ou militaire de condamner un homme à la peine capitale, lui ôter la vie. Cette réponse si ultime et définitive.
La société pouvait décider d’avoir ce pouvoir du droit de mort sur l’un de ses membres.
D’abord donnée de manière douloureuse et sur la place publique, au fur et à mesure de ces deux siècles de débats sur le sujet, la seule guillotine a remplacé d’autres formes de morts avec torture ; la mort en place publique a disparue, et grâce à Robert Badinter, Ministre de la Justice, l’arrêt de cette peine de mort est adopté par l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Celle-ci est alors remplacée par des peines à vie. L’on considère qu’un État s‘honore et je le pense, de ne pas reproduire le même type d’acte barbare qu’il condamne et qu’il doit s’efforcer de trouver des moyens réels de punir, en gardant un espoir en l’humain. Et en incarnant cela par la manière dont il rend la Justice.
Nous sommes en 2020 et la peine de mort en France est derrière nous. La porte de la cellule du condamné à mort est bel et bien fermée.
J’ai passé quelques semaines en Louisiane quelques temps plus tôt où j’ai échangé avec Mercedes Montagnes avocate à la Nouvelle-Orléans.
La Louisiane fait partie de l’un de ses 28 États des États-Unis dans lesquels la peine de mort a encore lieu.
Je comprends très bien à travers mon expérience de jurée en France, et mes visites en Louisiane quel peut être le problème. Et il n’est pas étonnant d’entendre parler régulièrement dans la bouche des politiques américains de « réforme de la Justice ».
Un système avec une présomption d’innocence moins garantie qu’en France, une problématique de paiement de caution qui fait que même des innocents peuvent passer du temps en prison s’ils ne sont pas en capacité de payer leur caution, un accès à une bonne défense plus compliquée pour des personnes défavorisées, un système de prisons privées…
Un historique d’autant plus compliqué dans les États du Sud qui avaient notamment l’habitude de rendre cette justice avec des jurys uniquement blancs, dans ces États ayant connus la ségrégation raciale et ou les Noirs n’ont obtenu des droits civiques que depuis 1964.
Il y a donc eu sur cette route des erreurs judiciaires, des injustices, jusqu’à des innocents envoyés dans ce couloir de la mort pour y subir la peine capitale.
Cette peine de mort toujours présente et qui a été si bien décrite dans le livre de Soeur Helen Prejean La dernière Marche, best seller adapté au cinéma dans un film de Tim Robbins avec Susan Sarandon et Sean Penn.
C’est ce que me raconte Mercedes, qui avec Promise of Justice Initiative défend ces hommes et femmes qui a un moment, et pour diverses raisons, sont pris dans un système qui n’a pu rendre la justice de manière équitable, dans une forme de spirale infernale, allant parfois jusqu’à les entraîner dans le couloir de la mort. Durant des années.
Je vous propose de la rencontrer dans ce dernier épisode de Bzoo Mademoiselle.
Retour à Orléans et aux événements de ces derniers jours, je me sens encore plus, maintenant, le devoir de condamner moralement en tant que citoyenne ces actes intolérables des derniers jours, mais aussi celui de faire confiance à nos institutions pour punir les coupables, et je mesure l’importance qu’elles revêtent.
Tout cela sans la peine de mort.
Béatrice ODUNLAMI