[Tribune] La haine est contagieuse

[Tribune] Par Jean-Paul Briand*

Alors que de très nombreux concitoyens se recueillent dans le silence, un triste sire, maire de Béziers, exploite sordidement le monstrueux meurtre du professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty. Vêtu d’un tee-shirt racoleur, décoré de l’image de la Une de Charlie Hebdo, il a osé s’inspirer sans vergogne du texte historique J’accuse… ! du grand Emile Zola, pour vociférer un appel irresponsable à la guerre sainte.

De nombreux hommages ont été rendus partout en France à Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie et éducation morale et civique. Victime d’un attentat terroriste islamiste, il a été décapité le 16 octobre 2020, dans la commune de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), pour avoir montré les dessins de Charlie Hebdo du prophète Mahomet en cours. ©Véronique Hummel

L’obtention du statut de réfugié s’est particulièrement durcie

Dans son allocution, l’édile rappelle, à trois reprises, avec une théâtralité morbide et malsaine, que Samuel Paty a eu « la tête tranchée ». Il précise que l’auteur est « un islamiste tchétchène qui bénéficiait du statut de réfugié, cest-à-dire de la protection de la France !! ». Que veut-il ainsi démontrer ? Que la France, qui inaugura la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen du 26 août 1789, se trompe et doit au plus vite renier ces droits. S’il n’était pas aveuglé par son quasi accès d’amok, il saurait que depuis la mise en place de la Loi asile et immigration du 10 septembre 2018, l’obtention du statut de réfugié s’est particulièrement durcie.

Une manipulation insidieuse et malhonnête

Un peu plus loin, l’orateur assure abusivement que « 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans – les trois quarts – affirment placer lislam avant la République ! ». Le sondage, effectué par l’Ifop à la demande de Charlie Hebdo, montre que 60% des musulmans interrogés déclarent que les valeurs de la République sont supérieures à leurs convictions religieuses. Ce n’est que 74% de ceux qui ont un avis contraire (40%), parmi les 15 – 25 ans, qui pensent que les convictions religieuses priment sur les valeurs républicaines. En fait, ils représentent à peine 30% des français musulmans et ils appartiennent à 91%, à une population ayant moins de 1300€ et 900€ de revenus mensuels. Ce constat reste néanmoins désolant voire inquiétant, mais la présentation des chiffres par l’élu biterrois est une manipulation insidieuse et malhonnête.

À sa « fatwa », il ajoute la lâcheté

L’auteur de la détestable harangue tonne « Vive la liberté ! » mais simultanément il veut interdire, dans un cocktail incohérent, « le voile islamique, les activités non-mixtes, les repas de substitution, les mosquées radicales » et réclame « les mesures qui simposent » sans préciser lesquelles… En populiste outrancier, il dénonce pêle-mêle « ces élites qui se compromettent avec le séparatisme qui infeste les rues », ceux qui « refusent tout débat, toute discussion sur lislam, sur limmigration, sur le mode de vie et sur notre identité (…) tous ces politiciens et ces éditorialistes qui, depuis plus de 40 ans, se mentent et nous mentent ». Il exhorte « à stopper limmigration de masse (…) à déclarer la guerre – la vraie – au salafisme ». Sans doute a-t-il la nostalgie des massacres des guerres de religions. Il aboie « Vive la liberté dexpression ! » mais condamne ceux qui d’après lui « refusent de dire la réalité et dutiliser les bons mots, les vrais mots ». Que sont-ils ces bons et vrais mots ? Il n’ose les formuler. À sa « fatwa », il ajoute la lâcheté.

Un amalgame élusif, indigne d’un ancien journaliste

Quelles conclusions tirer de tout ce déballage venimeux et ignoblement démagogue d’un va-t-en-guerre animé par la détestation de l’étranger ? Faut-il fermer toutes nos frontières et s’opposer à toutes entrées d’immigrés ? Va-t-on ainsi expulser tous les étrangers et réfugiés et interdire et punir toutes relations humaines mixtes franco-étrangères ? C’est quoi l’identité française à laquelle il fait allusion ? Probablement, être issu(e) d’au moins cinq générations pures de toute contamination de sang étranger… Il appelle à « déclarer la guerre, la vraie, au salafisme ». Souhaite-t-il une nouvelle Saint-Barthélemy contre les musulmans salafistes ? Quels salafistes ? Les « salafistes quiétistes » qui refusent de s’engager dans l’arène politique. Les « salafistes réformistes » qui sont majoritaires en Arabie Saoudite, première économie du Moyen-Orient et eldorado pour l’industrie française. Ce sont vraisemblablement les « salafistes djihadistes », que le maire de Béziers désigne dans son amalgame élusif, indigne d’un ancien journaliste.

Lutter contre l’ignorance et l’obscurantisme

Plus grave, l’auteur de cette exhortation mortifère, instrumentalise l’émotion, l’effroi, la colère et l’effarement bien compréhensibles après la décapitation monstrueuse du malheureux professeur d’histoire-géographie. En procédant ainsi, l’échevin héraultais n’est pas loin de réaliser un authentique appel à la haine et au lynchage des français musulmans. Il s’abaisse au niveau de ceux qui ont perpétué les crimes odieux qu’il dénonce. Il encourage les pulsions animales et la vengeance hystérique et souhaite que les émotions, même les plus primitives, fassent la Loi dans notre pays. Si la haine répond à la haine, comment pourra-t-elle un jour s’arrêter ?

Dans ce discours inquisitorial, une seule phrase a de l’intérêt. C’est lorsqu’il est évoqué « une plongée dans lobscurantisme ». En effet, pour combattre efficacement le fanatisme et les homicides religieux, il faut lutter contre l’ignorance et l’obscurantisme par l’éducation, la formation à la laïcité et l’apprentissage des règles de la démocratie.

Des propos qui inoculent la haine

Après la mise à mort terrible et révoltante de Samuel Paty, la justice française devra punir celles et ceux qui sont complices actifs ou passifs du tueur. Par ailleurs, le gouvernement serait bien inspiré d’intensifier la lutte contre le terrorisme religieux afin d’empêcher que des propos semblables à ceux tenus sur le parvis du théâtre municipal de Béziers se répandent. Ils mettent en danger les fondements de notre République. Ils inoculent la haine et risquent d’inspirer des comportements rappelant les abominables « ratonnades » racistes des années 1950 et 1960 car la haine est une tare contagieuse.

 

 *Jean-Paul Briand a exercé comme médecin généraliste pendant près de 40 ans dans le quartier de l’Argonne. Il fut l’un des responsables de la formation post universitaire des médecins généralistes de la région Centre Val de Loire et représentant de sa profession au sein de l’ARS et de l’URPS.

 

Commentaires

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  1. merci pour votre témoignage j’ai été l’une de vos patiente 38 ans et je vois que vous avez garder votre sensibilité envers les autres comme vous l’avez fait pendent toute votre carrière merci

  2. Constant dans votre déni des réalités!!!!!.
    Ma vérité n’est peut être pas bonne ,mais votre certitude de la détenir l’est encore moins!!

  3. Il est hélas bien connu que les corbeaux s’attaquent en premier aux yeux du cadavre,comme s’il cherchait à ce que son oeuvre morbide n’ait pas de témoins. Voilà où on en arrive. Des arrivistes politiciens exploitent une tragédie nationale pour avancer leurs pions. Samuel Paty ne méritait pas que l’on s’attaque à son corps, ni à son âme. Indignons nous, c’est la moindre des choses.

  4. en somme, vous renvoyez le balancier dans l’autre sens avec tout autant d’excès : chacun dans son couloir et dans sa surenchère … On ne soigne pas le mal par le mal, Docteur !

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