La chaîne M6 diffusait dans la série “Enquête Exclusive” de ce dimanche soir, 11 octobre, une énième enquête sur la délinquance des mineurs intitulée “Ados et récidivistes, plongée au cœur de la délinquance des mineurs“. J’avoue ne pas regarder ce genre d’émissions plutôt racoleuses de par leur titre, mais le reportage se déroulait à Orléans, et ma curiosité me conduisit à regarder ce sujet visiblement tourné sur de nombreux mois, les masques faisant aujourd’hui office de dateur historique.
Le quartier de La Source à Orléans,”plaque tournante de la drogue”.
Et bien sûr on s’interroge d’abord sur: pourquoi choisir Orléans ? Le commentaire se justifie en parlant d’une ville moyenne (moyenne de quoi, on ne le sait pas trop) confrontée à l’augmentation générale de cette délinquance sans qu’aucune précision ne soit donnée au spectateur tant nationalement que localement. D’autant que, lecteur attentif des bilans présentés sur la question par les équipes municipales qui se sont succédées depuis vingt ans, je croyais les résultats de la ville exemplaires en la matière.
Mais que fait la police ?
Et puis de ces ados, récidivistes ou non, on ne verra que les visages floutés et on entendra que des voix trafiquées dont les intonations connotent l’origine, pour l’essentiel lors d’opérations de police à la limite de la mise en scène spectaculaire avec par exemple ces prises de vue de drone au dessus des quartiers auxquelles on ajoute un son d’hélicoptère pour faire plus “série américaine”. Car sur l’heure que dure le documentaire, 55 minutes sont consacrées à des opérations menées par la BAC (brigade anti-criminalité) locale appuyée par la brigade de Police Secours avec un catalogue anxiogène d’interventions qui détaille les cambriolages, les vols à l’arraché, les mineurs en fugue, le trafic de drogue, jusqu’au terrorisme (“Les premiers djihadistes sont partis d’Orléans pour la Syrie”) avec l’arrestation d’un lycéen qui avait la malencontreuse idée de se promener dans la rue avec un masque et une hache en plastique pour faire peur à ses potes.
Les moyens déployés pour chaque arrestation sont impressionnants de violence, comme ces trente policiers cagoulés et casqués, armés de pistolets mitrailleurs, pour arrêter nuitamment un mineur fugueur qui dort chez sa mère.Le tout fourmille de petites phrases subliminales sur le vécu des policiers, leurs blessures et leurs états d’âme, sur les délinquants relâchés le lendemain de leur arrestation, les liens avec la grande criminalité (?), sur le manque de moyen de la police…
Florent Montillot, adjoint à la sécurité nous livre son explication
L’absence totale de point de vue sociologique, psychologique, ou judiciaire sur ce fait de société complexe et pas si nouveau, finit par lasser le spectateur, et M6 donne alors la parole à notre Monsieur Sécurité orléanais, Florent Montillot qui après quelques images de médiateurs à la Source, se lâche et nous livre en une phrase sa vision du mineur délinquant comme un être revenu à l’état “primitif”, “ensauvagé” voire “bestial” pour cause d’absence d’autorité paternelle. Voilà un diagnostic d’une haute volée psychologique qui caractérise une certaine vision du problème !
Enfin, les quatre dernières minutes du reportage sont consacrées à la réussite des “Maisons de la Réussite” orléanaises, voulues par le même Florent Montillot, titre sans doute un peu pompeux pour accueillir des adolescents à la dérive, lieu où l’on découvre après un sophrologue très comportementaliste, un psychologue qui tente en trente secondes de nous livrer son explication des causes de la délinquance des mineurs, loin, très loin, tant en termes de moyens qu’en terme de démarche, des policiers qui semblent vivre sur une autre planète.
Les ados, délinquants ou non, comme Orléans méritaient mieux que cette caricature.
Gérard Poitou